“Owann a ce don de mettre des images sur sa musique comme peu d'artistes y arrivent”
1 Skógur 6:39
2 Von 8:08
3 Öruggur 7:14
4 Tár 20:40
5 Huggun 8:29
6 Eldfjall 13:21
(DDL 64:33)
(Ambient soundscapes, Poetic EM)
Ça fait du bien de découvrir un album de Owann, même si ce SAGA est le plus tranquille de sa discographie. Les séquences de rythmes sont contenues dans des panoramas musicaux qui refusent tout débordement, privilégiant ainsi des rythmes ambiants minimalistes. Des rythmes qui servent d'appui à des textures musicales portées vers l'acoustique; genre piano, guitare, violon et voix. Offert en téléchargement uniquement, ce nouvel album de Johan De Paepe dépeint assez bien le résultats des nombreuses photos que le photographe Belge partage avec ses amis. D'ailleurs, il produira sous peu un livre de ces photos en liaison avec les couleurs de cet album dont les titres sont en Islandais, histoire d'apporter plus de mysticisme à une musique aussi épurée qu'un flamand blanc né d'un croisement de nuages soufflés par les anges.
C'est sous une pluie qui douche les oiseaux chantant que Skógur (Forêt) étend son lit bourdonnant qui tente une percée vers nos émotions. Des arpèges limpides tintent sur cette strate de résonnances et de ses subtils modulations qui donnent cette impression d'un élan vers d'autres cimes. Et c'est un peu se qui se passe lorsque des nappes de voix Elfique infiltrent nos oreilles d'une ode mystique qui flotte dans une vision de ballade éthérée, couchée par une discrète guitare acoustique. Des riffs de clavier, dansant un cha-cha maladroit, sculptent la prémices d'un rythme ambiant et statique sur lequel se couche de belles lamentations d'un synthé lyrique. Et c’est sous la pluie que Skógur éteint sa veilleuse musicale. On retrouve des cris de chérubins en ouverture de Von. Une guitare acoustique invite ces cris à se fondre dans ses notes minimalistes dont le parfum mélancolique embaume nos oreilles d'un moment de solitude. Le synthé étire ses pleurs comme ceux d'un violon chinois, alors que des arpèges limpides restent gênés d'afficher leur présence. Une basse fait palpiter son ombre, imitant ce métronome qui donne son accord afin que Von (Espoir) multiplie ses tours tout en accumulant un décor tonal enrichi de ces arpèges qui accentuent leur tonalité ainsi qu'un miroitement plus musical. Des orchestrations complètent ce décor qui ne fait qu'une bouchée de nos oreilles lorsque la basse épuise sa dernière note dans un linceul bleuâtre autour de la 5ième minute. Dès lors, la guitare acoustique invite un violon pour un duel dont l'émotion passagère reste ancrée dans cette ligne bleutée. Et comme un artiste revenant sur ces pas en grattant sa guitare, Von retourne là où les chérubins jouaient innocemment. Comme ces rafales invitant les vagues à se fracasser sur les récifs, Öruggur (En sécurité) fait traîner des accords dont l'écho ne sert qu'à amplifier son champs sonore. Il n'y a pas de rythme, mais nous sentons cette tension qui s'accroche à des percussions métalliques enracinant un point où la musique s'émiette pour étendre une strate sereine. Des notes de piano se cachent sous la dimension maternelle de ce violon chinois qui nous guide vers où Öruggur a débuté.
Plus long titre de SAGA, Tár (Larmes) a besoin de pas moins de 6 minutes à saveur atmosphérique pour débuter. Les woosshh et wiisshh sifflent de tous côtés, diminuant l'effet de la six-cordes acoustique. La pureté des enregistrements de la nature qui donnent vie aux atmosphères de ce titre est sa richesse. Le rythme ambiant sort d'une suite de deux accords basses, possiblement d'une patch de contrebasse, où s'exerce le chant d'un synthé. Le mouvement est lent, minimaliste où s'appuient deux autres notes qui résonnent comme une guitare oubliée dans une zone vide. Puis vient ces souffles plein de voix qui bruissent dans cette dimension cernée par une onde métallique. Ces souffles de brume prennent le contrôle de Tár, après sa 10ième minute qui se perd dans une pluie tropicale et ses tonnerres, ainsi que ces nappes de voix qui amènent la conclusion du titre. Huggun (Esprit) est un titre sombre et tourmenté. Une nappe de voix monastérielles, incluant des voix féminines, transporte son affliction dans un étroit corridor à rendre un claustrophobe mal à l'aise. Des cloches tintent, initiant un passage rempli de chuchotements qui pourrait éveiller une paranoïa chez le même claustrophobe dans une finale emportée par des orchestrations et ces bruits des vagues mourant sur les berges. C'est aussi sous la pluie que débute Eldfjall (Volcan). Une fois évaporée, un rythme ambiant se forge avec 3 accords hésitant comme résonnant qui avancent à pas-de-loup. Ces accords deviennent séquencés en un cha-cha pour solitaire. Cette structure sert de lit pour une musique poétique servie par un synthé et ses roucoulements perdus dans une intense brume mystique. Pensez à Soil Festivities de Vangelis, et vous avez une bonne idée de l'évolution de ce très beau titre. Les nappes de voix sont séraphiques et elles donnent une dimension sibylline à ces ambiances qu'un synthé déguisé en guitare acoustique ornent de ces vibrants accords résonnants. La guitare croisée aux cheminements des arpèges finit par structurer une décente mélodie sur ce rythme minimaliste qui prend une légère vélocité lorsque les échos tissent une ampleur musicale devenue le pinacle de cet album qui a besoin des brises marines pour trouver le chemin de sa finale.
Chaque titre ayant son histoire, Owann possède ce don de mettre des images sur sa musique comme peu d'artistes arrivent le faire. Outre cela, la richesse de SAGA est d'offrir un parfait équilibre électronique versus acoustique, créant ainsi des panoramas musicaux où il ne manque que les numéros de peinture pour les compléter.
Sylvain Lupari (25/09/21) ****½*
Disponible au Owann Bandcamp
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