“Un monument de MÉ et une grande source de plaisir auditif”
1 The Prodigal Sun 18:54
2 A Matter of Time Part 1 3:02
3 Aquatic 7:44
4 Sunflowers in the Wind 4:37
5 Weathering the Storm 10:12
6 A Matter of Time Part 2 1:46
7 Onwards and Upwards 8:59
8 Liquid Heaven Part 2 5:55
(CD/DDL 24Bits 61:13)
(Cosmic Rock Berlin School)
Voici la 3ième collaboration entre le synthésiste Craig Padilla et le guitariste Marvin Allen. Je peux m'aventurer en écrivant que ce WEATHERING THE STORM est l'album qui boucle une trilogie amorcée avec Toward the Horizon, puisque la première partie de Liquid Heaven Part 2 clôturait aussi cet album réalisé sur Spotted Peccary en 2019. Mais peu importe! Ces 3 albums nous ont permis d'observer attentivement l'évolution des 2 musiciens dans un environnement où le style Berlin School traverse de la pointe de ses complexités les douces frontières d'un New Age progressif. Si les synthés Padilla sculptent toujours des ambiances électroniques qui chevauchent des élans rythmiques de ses séquenceurs, les structures de Allen resplendissent toujours de cette mélodique vision de rêveries céleste où sa guitare éparpille ses songes nostalgiques dans des horizons violacés. Reflétant la très belle pochette Daniel Pipitone où cette fois-ci, il y a 2 filles sous un parapluie. Et si Strange Gravity était supérieur à Toward the Horizon, WEATHERING THE STORM est le pinacle d'une collaboration que mes oreilles et mon âme souhaitent sans fin.
The Prodigal Sun débute avec des vents qui font des slaloms. Ils mugissent avec des particules sonores dans le timbre tout en unifiant leurs hurlements avec de longues complaintes d'une six-cordes électriques remplie de tourments. Ces vents se contorsionnent autour d'un horizon magnifiquement dépeinte sur la pochette de l'album. Quelques effets électroniques vintages, il y en a très peu dans l'album, et des effets de remous stigmatisent la vision atmosphérique du titre, créant une masse de sons qui étire de longs bourdonnements. Des accords graves, qui chutent avec une régularité que la distance trahie, tissent des modulations dramatiques alors que les hurlements sculptés par les mains de Marvin Allen amplifient une intensité sentie dès l'ouverture de ce plus long titre de WEATHERING THE STORM. Et graduellement, cette lente ouverture fond dans un univers psychédélique des années 70 avant que le séquenceur ne sorte The Prodigal Sun de sa tourmente atmosphérique, juste avant la 6ième minute. Traçant une figure rythmique qui zigzague légèrement, la cadence du séquenceur est lourde et vive. Le pas pressé des basses séquences résonne avec une effet de grommèlement dans son enveloppe. Des percussions solidifient l'ancrage du rythme, alors qu'une autre ligne du séquenceur en revigore le débit. Une brume chtonienne complète l'illusion d'un truc fait par Tangerine Dream à l'aube de la tournée 77, tandis que la guitare de Marvin Allen torture cette envolée rythmique soutenue dans des nappes de synthé embaumées de cuivre et d'éther. Le duo quitte les terres du Berlin School vintage pour migrer vers un solide rock progressif cosmique de la même époque où la guitare est encore plus criante d'intensité et où le synthé déploie son arsenal d'effets électroniques, incluant ces vents qui murmurent comme des spectres égarés entre 5 décennies. Les vents hurlent un peu plus fort et un peu plus haut dans l'ouverture de A Matter of Time Part 1. Ce titre méditatif coule dans les frontières d'un New Age Zen avec un très beau duel mélancolique entre la guitare acoustique à 12 cordes et le piano. A Matter of Time Part 2 est du même style, piano en moins. Aquatic a été conçu en hommage au titre Aqua de l'album du même nom d'Edgar Froese. Les effets sonores et la structure de la musique s'y collent à merveille puisque le duo a inversé les touches du piano et les nappes d'orgue. La guitare de Allen, très dominante dans cet album, émiette des accords tout au long du titre où le duo a enregistré le début d'une tornade, qui ne s'est jamais formée au complet, pour la toile atmosphérique de Aquatic. On y entend donc de la forte pluie, des roulements de pneu sur le bitume trempé et des grondements de tonnerres. Le résultat est un titre très intense, tant que l'impression que l'eau dégoutte dans notre salle d'écoute n'est pas loin de la réalité!
Composé uniquement par Marvin Allen, sur une demande de Chuck van Zyl dans le cadre de d'une émission radiophonique Star's End Radio consacrée aux artistes qui restaient productifs pendant la pandémie, Sunflowers in the Wind a été récupéré par Craig Padilla pour les besoins de WEATHERING THE STORM. Les arrangements qu'il en fait font de ce titre un émouvant et intense témoignage de la situation en 2019. C'est un titre dans le même moule que A Matter of Time Part 1 où la guitare pleure ses émotions sur une première texture de guitare acoustique. La portion électronique est figée par de belles nappes de synthé et surtout un séquenceur qui fait défiler des arpèges lumineux en contrecourant de la vision nostalgique de la guitare. Chaque titre de cet album défile comme un petit bijou à de mettre dans les oreilles et la pièce titre solidifie cette perception. Après une ouverture atmosphérique guidée par des accords de guitare et la présence d'une basse qui étend des élans dramatiques, nous sommes dans les territoires de Pink Floyd, Weathering the Storm dévoile une belle procession ascendante. Une ligne de basses séquences va en montant. Son intensité résonne dans nos oreilles et son effet vibratoire camoufle la seconde structure du séquenceur et de ses arpèges moirés qui virevoltent sur place. La guitare domine toujours les panoramas de l'album avec des bribes d'harmonies, des riffs et des accords égarés dans l'intensité de cette procession vrombissante. Ses solos et ses complaintes émotives, certains seront furieux de rage et de passion, et ceux, plus discret, du synthé enjolivent une structure très près des racines de la Berlin School. Onwards and Upwards est de la même graine que l'excellent The Prodigal Sun et de la pièce titre. Peut-être un peu plus audacieuse et progressive, la musique n'en demeure pas moins inspirée de la même époque. De longs mugissements, semi humains et semi bêtes, provenant d'un cornet géant bourdonnent dans son ouverture qui est maculée de vents hurlants. L'impact est cinématique-apocalyptique! Des doubles pulsations d'un caisson grave et une danse de séquences stimulent un rythme ambiant que la guitare décore de faibles accords roulant en boucles. Ce sont les vents et leur nature dissonante qui dominent cette première partie qui se réfugie justement dans ces vents mugissants une 20taine de secondes avant la 3ième minute. Cette intense phase atmosphérique inonde nos oreilles sur une distance de 2 minutes avant que le rythme reprenne graduellement son battement circadien dans une des rares phases d'ambiance plus électronique de l'album, incluant des effets de l'ère pré-X de Klaus Schulze. La guitare reste l'élément clé de ce titre avec de bons solos qui font penser à du David Gilmour caché derrière un lourd vélum de velours.Liquid Heaven Part 2 conclut ce dernier épisode de Padilla et Allen avec un passage éthéré, peut-être un peu moins céleste car sombre et ténébreux, de la même façon (structure atmosphérique méditative) que Liquid Heaven concluait Toward the Horizon 4 ans plus tôt.
WEATHERING THE STORM est un monument, une source de plaisir auditif qui accapare nos oreilles dès que The Prodigal Sun se met à faire gémir ses premiers souffles. La suite n'est que merveilles et enchantements. Padilla & Allen livre ici un album sans bavures. Il n'y a aucune seconde de perdue dans cet ode musicale, le mastering de Ben Cox est à couper le souffle, qui lie le Berlin School et le rock cosmique progressif à des passages plus éthérés, témoignant de cette fascinante complicité qui est allée croissante et qui lie les 2 musiciens depuis le début de cette merveilleuse aventure débutée en 2019. Magnifique sur toute la ligne!
Sylvain Lupari (28/02/23) *****
Disponible chez Spotted Peccary Music
(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
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