“Empire of Illusions est un album à découvrir si nos sens ont besoin de quelque chose de différent sans négliger la mélodie ni les rythmes”
1 Fantasy & Reason 5:23
2 Under the Silverwheel 6:22
3 The Empire of Illusions 17:58
a) Morpheus
b) Rapid-I-Movement
c) Find The Key
4 Qi-Energy of Life 6:50
5 Tranceamazônica 5:02
6 Fatal Charm 4:06
7 Exhibit A 7:10
8 Searching For Words 5:45
9 The Threshold of Perception 5:52
10 Spinback 10:43
a) Backspin
b) Ascendant
(CD/DDL 77:57)
(New Berlin School, Samplings)
Composé et enregistré entre 1995 et 2000, EMPIRE OF ILLUSIONS poursuit exactement là où Refuge in Fantasy s'était terminé; soit dans un univers sonore mythique où les sons font force de loi. Et afin de mieux nous envelopper dans cette texture d'échantillonnages aux tonalités aussi diverses que leurs significations, Palentir a utilisé la technique d'enregistrement binaural, donnant une intense profondeur inouïe où l'auditeur se sent littéralement plongé dans un univers sonore en 3 dimensions. L'effet est tout à fait saisissant avec un casque d'écoute, mais encore plus percutant lorsque l'on ose élever le volume à des niveaux interdits. À ce niveau, les pulsations de la pièce-titre sont dévorantes! Hormis la justesse, la richesse et la limpidité des échantillonnages, les structures de rythmes, les mélodies, les ambiances et les influences sont très près de Refuge in Fantasy. Ah oui...je m'en voudrais de passer sous silence la superbe pochette ainsi que le très beau livret explicatif qui dévoilent les sources de chaque titre d'un album que j'ai dévoré les oreilles bien grandes.
Les bruits d'un mécanisme de porte ouvre l'introduction de Fantasy & Reason qui en même temps semble s'ouvrir à la vie musicale. Déjà le rythme se pointe dans les oreilles. Décoré par de belles petites clochettes et aromatisé par des belles lignes de flûte, Fantasy & Reason embrasse un genre de dance-music aux parfums de transe un peu hallucinogènes. Le rythme est vivant, la mélodie joyeuse, et devient un peu plus entraînant, j'entends David Bowie et Let's Dance, alors que le synthé se fait plus électronique avec des boucles sifflées qui caressent les délicates clochettes dont les tintements parfument un rythme vivant qui fait plus danse que Berlin School. Les structures de cet album sont aussi variées que celles du précédent album, mais dans une approche plus contemporaine. Des chants de hibou se faufilent derrière la porte qui se referme, éveillant la faune de Under the Silverwheel qui est une véritable caverne d'Ali Baba pour les oreilles. Les souffles se mêlent aux nappes de synthé flottantes alors qu'un étrange air d'orgue nasillard tisse une mélodie minimaliste qui rôde sournoisement et qui sert de linceul à une belle flûte. Des percussions claniques viennent délicatement exciter les ambiances qui restent somme toute assez relaxantes. L'influence de Johannes Schmoelling se fait sentir ici. La pièce-titre est la plus complexe et la plus délicieuse. Des pulsations percent le nuage de tintements qui en ouvrent son introduction. Le rythme est lent et magnétisant. Montant d'un cran ou baissant sa force, il est inondé d'une faune et d'une flore bariolées de tons tant organiques que synthétiques. Des échantillonnages de guitare acoustique se moulent à ce rythme pulsatoire qui peu à peu se fond dans un décor sonique imprégné d'une multitudes de voix, tant citadines, que claniques ou angéliques. Ces pulsations se mutent en de gros souffles industriels. De lourds battements qui semblent faire peur à des voix de spectres, alors que d'autres voix s'ajoutent comme des coups de sabots sur la chaussée. The Empire of Illusions s'inonde de voix et de bruits de tous genres, alors que le rythme, et la mélodie toujours grattée par une six-cordes, étendent un magnanime voile de transe hypnotique. Et subitement, la tranquillité se noie dans un pattern d'accélération aussi inattendu qu'injustifié où le stress et l'étonnement cohabite l'espace de quelques secondes.
Des tintements et des voix astrales ouvrent l'épilogue de Qi-Energy of Life. Arqué sur des nappes de voix et des percussions tribales, le rythme reste délicat. Les ambiances sont monastérielles avec des voix de moines qui flottent au-dessus d'un tintamarre de cloches et de clochettes. Le rythme semble indomptable avec des élans de violence qui côtoient un genre de transe spirituelle alors que la flûte de Pan règne en maître absolu sur une mélodie dont les bruits de jungle ramènent dans une enveloppe païenne. La faune en délire se jette dans Tranceamazônica qui propose un rythme tribal plus accessible. Plus spontanée avec un bel échantillonnage de percussions claniques et une flûte aux harmonies enjouées. Palentir réussit à s'extraire de la jungle afin de nous offrir un beau moment de sérénité avec le très mélodieux Fatal Charm. Le piano est aussi délicieux que la mélodie peut être très mélancolique. Eh oui...il y a pluie. Palentir nous amène à un autre niveau avec des percussions qui tonnent un lourd rythme ambiant, des crissements métalliques et des souffles effacés qui murmurent Exhibit A. C'est un titre noir, très intense et dont le crescendo instaure un étrange sentiment de paranoïa. Les écouteurs ici jouent un rôle majeur. Idem pour Searching For Words qui épouse un peu le modèle de langages syllabiques et éclectiques de Jean-Michel Jarre dans Zoolook. Une délicate mélodie, fredonnée par Christiane von Kutzschenbach, nous met des fantasmes plein la tête, alors que Christian Schimmöller, fidèle à lui-même, inonde sa structure d'éléments harmoniques et d'effets sonores paradoxaux, amplifiant nuances et contrastes qui sont la clé de ce fascinant album où de belles mélodies et de délicats rythmes entraînants rôdent dans tous les recoins. C'est un bon titre qui étale la noblesse de son ambigüité à haut volume. Monté sur des nappes de synthé et orné de chants de flûte dans un tintamarre industriel, The Threshold of Perception est aussi ambiant que placide. Mettons que les osselets des oreilles résonnent en masse ici. Et c'est aussi vrai sur Spinback. À tout le moins son introduction. Car après quelques minutes de tintamarre, où niche une fine structure de mélodie perdue dans un brouillard bruyant, que je présume être Backspin, Spinback conclût l'album avec un tendre concerto pour piano et clochettes. Ah oui, un concerto pour gazouillements d'oiseaux aussi, et bien d'autres bruits plus doucereux. Ai-je entendu un insecte se faire bouffer?
La musique, ou l'univers sonore, de Palentir, et c'est d'autant plus vrai ici, s'adresse avant tout aux amateurs de sons. Aux amateurs d'effets sonores. Les échantillonnages sont époustouflants et leurs insertions sont toujours aussi judicieuses. En ce qui me concerne, cet album est plus accompli que Refuge in Fantasy. Il y a quelque chose de magique ici! Christian Schimmöller moule ses rythmes dans les ombres de ses micmacs soniques, atteignant le summum d'une imagination qui trouve son comble dans notre perception, d'où le titre EMPIRE OF ILLUSIONS. Enfin, je suppose. Bien que les influences de Schmoelling se font sentir en quelques occasions, Palentir étend son royaume sonique avec sa propre identité, donnant des structures de rythmes très personnelles où l'imagination est plus présente que la cadence. J'ai bien aimé, même si parfois tout sonne si irréel, si invraisemblable. À tout bien considéré, c'est sans doute cela la plus grande force de EMPIRE OF ILLUSIONS; un album à découvrir si nos sens exigent quelque chose de différent sans pour autant négliger la mélodie, ni les rythmes et encore moins les ambiances.
Sylvain Lupari (03/02/15) *****
Disponible chez Spheric Music
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