“Toujours selon mes goûts, c'est un magnifique album qui combine tous les styles d'une époque merveilleuse pleine d'idées lumineuses”
1 This Day 5:15
2 White Bench and Black Beach 5:33
3 Chasing the Dream 4:40
4 Biking up the Strand 2:29
5 Phaseday 5:50
6 Meridian Moorland 3:29
7 The Third Site 6:26
8 Dance at Dawn 3:58
Virgin V 2124 CDV 2124
(CD/LP 37:45)
(Synth-Pop, Berlin School, Art for Ears)
Peut-être par respect ou par crainte de ne pas être à la hauteur d'un tel honneur, je n'ai jamais trouvé le temps de parler de ce second album solo de l'énigmatique Peter Baumann. Et ce parmi les quelques 2 000 chroniques rédigées depuis 2001! Les rééditions de Romance 76 et de TRANS HARMONIC NIGHTS, la sortie de Machines of Desire et finalement l'album Neuland, avec Paul Haslinger, sont autant de raisons qui auraient pu expliquer une chronique. Mais voilà, j'ai passé tout droit!... À l'époque, autour des années 80, l'écoute de TRANS HARMONIC NIGHTS a donné un second souffle, nécessaire, afin de poursuivre ma quête de la découverte, et compréhension, par rapport à la MÉ. La vision mélodique de Peter Baumann à travers les 8 titres de cet album, rempli de rythmes méthodiques et Berliner, a fini par démocratiser ce genre qui était l'apanage de l'élite snobisme qui se targuait d'être les grands connaisseurs en la matière. Ici, pas de longues structures improvisées en studio, pas de phases ambiantes où les synthés multiplient des nappes de brume, les moments sombres appartiennent à la mélancolie et pas de longues structures en évolution substituables, mis à part The Third Site. Que de courtes pièces avec une vision mélodieuse qui font ce lien entre la MÉ progressive et exploratoire et une plus accessible avec des histoires racontées en 5 minutes au lieu de celles qui atteignaient les 15 minutes, voire 25.
Ça débute avec le rythme fluide de This Day qui doit en revanche se défaire de son introduction gavée de réverbérations organiques. Le rythme est arqué sur une ligne de séquences ascendantes qui performe discrètement en arrière-scène et de sobres percussions électroniques. Un clavier-synthé injecte une mélodie délicatement flûtée qui est rejoint par un chant de synthé sonnant comme une guitare et qui partage la même fréquence harmonieuse. Sur cette structure de rythme qui monte et descends, dans la plus pure tradition du Berlin School, la vision harmonieuse de Baumann prend une autre tangente lorsqu'on a cette sensation que le synthé tente de communiquer et même les arpèges qui prennent une plus grande latitude harmonique. Finalement, c'est l'utilisation du vocoder, qui apporte un zest de Kraftwerk, qui complète ce trio de voix cybernétique et surréelle. Et cette mélodie quasiment narrée est aussi entrainante que le rythme qui fera débouler les ions du séquenceur qui sauteront sur un convoyeur déréglé, un vestige du maestro Franke. Et nous ne sommes qu'au milieu de This Day qui est un assez bon indicatif du déroulement de TRANS HARMONIC NIGHTS. Dans une mesure plus lente, White Bench and Black Beach exploite à peu près les mêmes éléments avec une vision plus émotive qui peut donner des frissons, pour différentes raisons. On retrouve ce chant si strident du synthé qui prend différents octaves dans une volonté de faire tirailler nos émotions. La présence d'une tonalité de guitare déjoue aussi une écoute avec de belles harmonies stridentes. Les frappes tentaculaires de Wolfgang Thierfeldt à la batterie résonnent avec dureté dans une ambiance qui flirte un peu avec le mysticisme, surtout en seconde partie où Baumann exploite ces tonalités glauques de TD. Chasing The Dream propose une course effrénée du séquenceur et de ses lignes qui font du rodéo dans une structure vivante, comme un joggeur sur le sprint qui entend le souffle de la folie dans son cou. Effets sonores bruyants, mélodie innocente qui enchante et hante sur une structure de rythme à la recherche de son souffle, j'ai l’impression que Peter à plus que rejoint le Dream ici. Il est même en avance puisqu'il y a des parfums de Force Majeure dans ce titre. Superbement mélodieux, Biking up the Strand est la version du Barbier de Séville pensée de façon électronique. Purement brillant!
Il y a beaucoup de White Bench and Black Beach dans Phaseday. En ce sens que le rythme est dans le genre de non-rythme idéal pour un matraquage des percussions. Ce fait classé, la mélodie est dans une classe à part avec un superbe mellotron qui nous donne du frisson par paquet de douze au pouce-carré. Ça sonne comme une cornemuse, et on sait que s'en est pas une. Il y a cette marche alambiquée du séquenceur ivre comme une botte à la rivière. C'est un superbe titre qui démontre tout le talent de mélodiste de Peter Baumann. Les ambiances de Meridian Moorland sont celles qui se rapprochent le plus de Tangerine Dream dans cet album. C'est un titre assez sombre qui n'a pas vraiment de direction rythmique et qui est rempli de souvenirs des années 70 du Dream. Les percussions et cette marche militaire, ainsi que la mélodie qui s'y colle, sont des éléments qui recollent le puzzle d'un titre qui m'a demandé une couple d'écoutes à l'époque et que j'aime encore autant aujourd'hui. Tout le contraire avec The Third Site qui est vraiment le mouton noir de TRANS HARMONIC NIGHTS. Le titre débute avec un bouquet d'ambiances de Meridian Moorland dans son premier tiers. Et Bang! Il explose dans une course sans directions. Dans un rock électronique débridé avec un séquenceur qui perd les percussions de vue dans son rétroviseur, allant trop vite sans se casser le cou dans des virages qui sont quasiment aux frontières de Cluster. Le séquenceur et le mellotron sont puissants dans ce titre qui commande aussi quelques écoutes. Des écoutes qui nous feront découvrir de nouveaux éléments qui paveront la voie à son apprivoisement. Une drôle de façon que de conclure cet album avec une musique digne des films sur la guerre de sécessions où un flutiste et des tambours se promenaient dans les villages du Far-West. Mais dans une vision électronique, Dance at Dawn fond dans l'oreille.
Toujours selon mes goûts, TRANS HARMONIC NIGHTS est un splendide album. On est loin de la MÉ exploratrice et progressive, quoiqu'un titre comme The Third Site ne donne pas sa place. Mais j'ai comme l'impression que Peter Baumann voulait touché à tout pour cet album, du Berlin School à du synth-pop sans oublier la Düsseldorf School avec les rythmes et mélodies teutoniques de style Kraftwerk. Les essences de Tangerine Dream sont présentes au niveau du séquenceur alors que le synthé et le mellotron ont des idées-fragrances de Edgar Froese. Bref, un album tout à fait splendide qui a sa place dans mon Top 25.
Sylvain Lupari (11/11/20) ****½*
Disponible chez Groove nl
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