“Eight reste ce qu’il y a de mieux dans le style de la Berlin School avec des patterns de séquenceurs à se mettre dans les oreilles”
1 Return 17:24 2 Cell 17:16 3 Midges 17:15 4 Clockline 16:59
(CD/DDL 68:54)
(Berlin School)
Après 8 ans d'absence, Pollard-Daniel & Booth revient en force avec un EIGHT rempli de matériel original. C'est en Juillet 2018 que le trio Anglais a décidé de se réunir pour une bonne session d'enregistrement qui cette fois-ci avait le support de la nouvelle technologie afin de mieux condenser les envolées improvisées de Brendan Pollard, Michael Daniel et Phil Booth. La musique est toujours inspirée par celle Tangerine Dream des années 74-77, on sent même des brises de Klaus Schulze dans un titre comme Cell, et plus précisément de leurs concerts légendaires où à partir d'une note le mythique trio Allemand arrivait à produire une symphonie électronique à couper le souffle. Plus de 50 ans plus loin, cette perspective de réentendre ce genre musical toujours très prisé par les fans de MÉ reste bien saisie dans les filets de Pollard-Daniel & Booth, comme en font foi les 7 précédents volumes et le nombre incroyable d'artistes et de groupes qui composent et/ou improvisent dans ces sphères. Offert aussi bien en téléchargement qu'en CD manufacturé, EIGHT propose 4 titres d'une durée moyenne de 17 minutes où le Berlin School des années analogues fait toujours partie des orientations du trio Anglais.
Des vagues de gazouillis électroniques et d'effets de distorsions organiques ouvrent les horizons de Return. Des nappes de vents ondulants roulent avec douceur, introduisant quelques secondes plus tard des accords de guitare qui coulent comme ceux de Manuel Gootsching dans New Age of Earth. Une sourde pulsation résonne autour des 4 minutes. Des élytres métalliques dansent autour de ce mouvement sourd qui accélère sa cadence en recevant l'appui d'une autre ligne de séquences. Plus vive et limpide, elle oscille avec fluidité entre des nappes d'éther et de brumes contemplatives. Ces deux structures de rythmes se complètent très bien et forment un gros rock électronique avec des élans parallèles et juste ce qu'il faut comme différence afin de bien actionner notre mode écoute. Des solos de synthé aux formes plus exploratoires qu'harmoniques rejoignent cette structure binaire qui entreprend une migration planante où s'imposent toujours des solos stylisés dont de très beaux par un Mellotron gorgé d'airs d'une flûte brumeuse. Le rythme entreprend une phase frénétique, quasiment spasmodique, vers la finale avec un afflux de séquences qui virevoltent dans une chorégraphie rythmique bombardée de bons effets électroniques. La guitare de Michael Daniel et le Mellotron de Brendan Pollard réapparaissent à la toute fin afin de ramener Return à son port d'origine. Cell, de même que Midges et Clockline, proposent aussi des introductions bourrées d'effets d’ambiances électroniques avec des tonalités qui s'ajustent confortablement à cette fringale d'effets électroniques qui tenaillent les oreilles en mode attente.
Entre Klaus Schulze et Pink Floyd, la migration chthonienne de Cell vers du rythme prend presque 8 minutes, mais l'attente valait le coup! Le séquenceur propose un mouvement vif avec des ions en mode basse pulsation qui sautillent vivement dans une structure oscillante et flottante. Des cliquetis d'élytres métalliques accompagnent aussi cette structure qui emprunte des virages inattendus dans cette masse de brume nébuleuse et de voix lucifériennes. Les solos de synthés sont plus discrets et revêtent une couleur d'éther avec des élans de vampires qui volent juste pour effleurer leur proie; un rythme entraînant qui survie à ses 5 minutes indomptables. Les 3 dernières minutes de Cell sont un moment magique avec un chant flûté qui est bercé par des arpèges solitaires et flottants. Après une introduction issue des ténèbres sataniques, Midges explose avec un rythme puissant. Le titre nous plonge carrément dans la plus belle période des années de MÉ analogue avec un solide Berlin School vitaminé par des synthés en mode trompettes apocalyptiques. Le rythme prend une tangente encore plus énergisante après la barre des 9 minutes pour se diriger dans un rock endiablé avec un Michael Daniel dans la peau d'un Steven Wilson qui déchire les airs de solos qui semblent perdus dans la grâce de ceux d'un Mellotron et de ses airs un peu plus flûtés. Phil Boot revient avec des solos tout autant harmonieux, guidant Midges vers une finale un peu plus en mode expérimentale. Ce titre est un des meilleurs Berlin School que j'ai entendu dernièrement. Une chorale angélique cerne nos oreilles en ouverture de Clockline. Les voix d'Elfes fredonnent et se taisent lorsqu'un mince filet de bruine métallique y rattache les chants lyriques du Mellotron. Le rythme fleurit plus tôt dans ce titre avec une fougue aussi dominante que dans Midges, mais avec une nette atténuation dans la puissance tonale. En fait, Pollard-Daniel & Booth flirte avec les poussées d'adrénaline, autant dans le rythme que les nappes brumeuses, qui concluaient Poland, notamment avec le titre Horizon. Mis à part quelques solos et effets de Mellotron, le séquenceur reste la pièce dominante de ce rock électronique qui domine aussi largement les 4 très bonnes structures de EIGHT.
EIGHT est un album qui plaira assurément à leurs fans ainsi qu'à tous ceux qui sont à la recherche des meilleurs imitateurs de Tangerine Dream. Pollard-Daniel & Booth jette une aura musicale plus personnelle ici que dans ses autres albums avec une musique qui fait le paquet de clins d'œil à la musique du trio Allemand tout en soulignant la contribution d'autres artistes dominants de l'époque. Ce qu'il faut retenir le plus, est qu'il y a de l’excellent Berlin School dans cet album qui est boosté par un séquenceur vivant et par moments furieux, faisant de cet album le meilleur de PDB et un grand album en 2018.
Sylvain Lupari (07/03/19) ****¾*
Disponible au Pollard/Daniel/Booth Bandcamp
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