“Chaque fois que j'écoute cette musique … j'en tombe encore sous le charme”
1 Shadows and Fog 37:36
2 The Upper Chamber 23:17
3 "Option C" (Slight Return) 18:12
(DDL 79:10)
(Berlin School)
On ne pourrait jamais dissocier les compositions, ainsi que la musique, de Free System Project et Brendan Pollard aux prouesses électroniques et scéniques d'un Tangerine Dream figé dans nos nostalgiques souvenirs musicaux. Et l'addition de Michael Daniel (Hashtronaut) ne fait rien pour atténuer ces souvenances d'un univers musical analogue qui semblait à l'époque sans frontières et intemporel. MIND OUT OF TIME est la réponse à Time out of Mind! Improvisé et enregistré durant les sessions de Time out of Mind; FSP, BP et Hashtronaut sont la preuve indéniable que l'art survit au temps. Car même avec une musique constamment revue, corrigée et rejouée sur ses mêmes préceptes MIND OUT OF TIME trouvera une façon de séduire et d'éveiller des vestiges d'une MÉ que plusieurs estiment avoir fait son temps.
Shadows and Fog est le reflet de son titre! Un long titre de près de 40 minutes qui offre une lente intro très atmosphérique. Une intro morphique où une pléiade de sonorités électroniques s'enroule dans une muraille de poésie onirique faite d'ombres et de brume. Des gazouillis électroniques s'effilochent autour de ces sombres nappes ambulantes, alors qu'une flûte abandonnée fredonne une ode lyrique dans une forêt truffée de 1 001 sonorités. Des nappes spectrales flottantes, de synthé et de guitare, se déplacent lentement avec des sombres mugissements, vrombissements et des réverbérations intrigantes. Le pattern est à peu près ce que l'on trouve sur le titre Time out of Mind mais dans un format nettement plus long. Un peu trop long même! En fait, c'est le désavantage des structures à grand format. Des structures dépassant les 25 minutes où l'intro semble être un pacte d'improvisation. Mais clairement, on avance comme on peut l'entendre avec cette pulsation hésitante qui bat nonchalamment parmi des stries spectrales et une flûte plus limpide, vers la 22ième minute. Une séquence qui fini par sortir de son indécision et fournir un rythme qui secoue l'inertie de Shadows and Fog. Un rythme dont les longues courbes ascendantes ondulent farouchement sous des envolées symphoniques des synthés et des solos de guitare plutôt discrets, effacés dans un rythme vertigineux pilonné machinalement par une basse pulsation affamée. Les ambiances qui encerclent cette montée rythmique font appel aux immenses possibilités des synthés qui la parfument aussi de tendres airs de flûtes par un divin mellotron et de ces voix chtoniennes qui donnent cette apparence gothique au Berlin School. Cette explosion rythmique s'échelonne sur une distance de 12 minutes, permettant d'oublier sa lente introduction.
C'est sous l'illusion d'entendre un archet métallique triturer les cordes d'un fragile violoncelle que l'ouverture de The Upper Chamber sort des haut-parleurs. Il y a certes d'autres effets sonores unique à la MÉ analogue qui excite mes B&W, mais cet archet fait crisser et gronder l'ouverture sous une nuée d'oiseaux électroniques diurnes. Nous avons une introduction atmosphérique savoureusement étrange dont on ne peut ignorer les réminiscences d'un Phaedra embryonnaire avec des nappes de synthé égarées et des filaments spiralés qui accompagnent la douce flûte du mellotron. Contrairement à Shadows and Fog, cette intro ne semble pas éternelle et est bien dosée entre ses ambiances et le rythme tranchant qui émerge des douceurs flûtées vers la 7ième minute, avec une séquence pianotant nerveusement une cadence minimaliste. Une cadence soutenue dont les puissantes et brusques basse- pulsations résonnantes font du surplace avant de se dédoubler subtilement pour s'entrecroiser et se jumeler dans une belle permutation rythmique. Cette fraction ébahie nos oreilles sous un mellotron brumeux et dont les airs de flûte valsent avec les nappes éthérées sous un ciel strié de multiples gazouillis synthétisés. The Upper Chamber maintient cette cadence fébrile avec cette séquence lourde qui pulse en résonnant dans une onirique brume du mellotron devenu hybride et un synthé dont les discrets solos survolent de ses complaintes un univers aux tonalités analogues. Comme son titre l'indique, "Option C" (Slight Return) est une réponse à "Option C" de l'album Time out of Mind. Plus long, "Option C" (Slight Return) explore plus en profondeur les ambiances atmosphériques qui dévient sur un mouvement séquentiel ondulant et sphérique. Une séquence fiévreuse et nerveuse qui galope sous un mellotron aux denses nappes brumeuses, aux chœurs chtoniens et aux airs de flûtes enchantées ainsi qu'un synthé aux solos nasillards et dont les nappes en cascade encerclent ce mouvement circulaire. Évidemment le tout respire le Tangerine Dream à plein nez, mais de la période Encore avec des synthés très symphoniques qui s'entremêlent harmonieusement bien aux strates mellotronnées et aux séquences minimalismes qui martèlent une bonne rythmique hypnotique. La finale y est très belle avec ses notes de piano solitaire qui traînent autour de cette brume enveloppant une forêt imaginaire où les centaures charment les oiseaux tout en accompagnant leurs pépiements par de fines odes flûtées.
Free System Project, Brendan Pollard et Hashtronaut réussissent encore à nous plonger dans ces atmosphères nostalgiques qui semblent définitivement manquer à une légion de fans des premières années Virgin de Tangerine Dream. MIND OUT OF TIME est le reflet de Time out of Mind et de ce besoin de toute une génération de revivre la magie des intros morphiques, truffées de sonorités hétéroclites, qui débouchent sur ses mêmes mouvements séquencés évoluant sur le désir de nos souvenirs. Des structures entendues des centaines de fois et qui réussissent toujours à subjuguer. Pourquoi? Je n'en ai la moindre idée. Tout ce que je sais c'est qu'à chaque fois que j'écoute cette musique … j'en tombe encore sous le charme. Comme ce premier amour qui était plein d'innocence et de rêveries. Dommage que l'ouverture de Shadows and Fog soit si lente, sinon je lui donnerais un bon 4 étoiles…
Sylvain Lupari (22/12/10) ***½**
Disponible au Brendan Pollard Bandcamp
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