“Un album rempli à ras bord de ces finesses et ces subtilités qui lient audace et musicalité”
1 The Dream Incubator 3:30
2 Foam 3:01
3 Machine Elves 5:58
4 Can Non-Player Characters Experience Love? 2:58
5 Diverging Reality Tunnels 3:29
6 Retrocausal 3:05
7 Hyperdata 0:59
8 Until You Observe It, It Isn't There 4:30
9 Compute Gnosis 2:56
10 Hexagram 3:18
11 Strangels 4:04
12 The Green-Screen Beneath It All 2:09
13 Adventures in The Super-Spectrum 2:59
14 Butterflies 1:08
(Limited Edition 180g Vinyl & CD DDL 44:02)
(Psybient Modular Ambient)
J'aime la façon que DiN, ou Ian Boddy c'est selon, s'y prend pour proposer les grandes lignes de ce second album de Polypores. Si vous avez apprécié Hyperincandescent, il n'y a aucune raison que ce soit le contraire avec MULTIZONAL MINDSCRAMBLE. Jouant sur les multiples zones de la stabilité mentale, Stephen James Buckley peint en sons et en musique un univers où l'équilibre entre les deux pôles de cette stabilité est aussi fragile que le vol d'un oiseau-mouche dans une tempête de vents électroniques. Toujours en quête de l'absolu dans l'art du modulaire et de ses multiples zones de créativité, Polypores redéfinit son champs d'exploration sonore en ajoutant des prismes organiques, batraciens comme insectoïdes, à une toile sonore toujours remplies de gazouillis psychotroniques, d'ondes kaléidoscopiques et des lignes de synthé qui se défont et refont dans des symphonies ectoplasmiques comme intergalactiques d'un album scindé un peu comme l'était Hyperincandescent, soit 2 longues structures où les portes de notre imagination surfaient au gré des dimensions de Stephen James Buckley. Il en résulte un album toujours un peu difficile d'accès mais avec, cette fois-ci, des portées plus mélodieuses, notamment à cause de très beaux solos de synthé, sur des rythmes plus convaincants qui flirtent même avec la England School, sinon la Berlin School. Je pense entre autres à Diverging Reality Tunnels.
The Dream Incubator nous met tout de go dans les ambiances avec des interférences qui ont cette texture de dialogue extraterrestre. Nos oreilles sont plongées dans un univers cosmique avec ses bruits inhérents, alors que la portée des interférence s'amplifie par une multiplication des ondes hertziennes crée par des effets d'écho qui se répartissent en boucles linéaires. Ces ondes mugissent et s'enlacent dans un bruyant ballet d'oscillations difformes tout en étant solidifiées par une ombre de la basse qui rampe derrière cette étrange élocution électronique, créant un rythme ambiant qui roule en symbiose avec la multiplication des codes hertziens comme martiens. Les bruits organiques qui se forment vers la finale débouchent sur l'ouverture de Foam. La règle de langage prend une forme batracienne avec ces effets de cliquetis organiques qui pétillent sur des nappes de synthé qui irradient d'un bourdonnement quasiment musical. Certains éléments ici me rattachent à cette étonnante symphonie de l'univers parallèle de Solar Fields dans Until We Meet the Sky. Il faut attendre à Machine Elves pour se mettre une once de rythme entre les oreilles. Une ligne de basses séquences galope et trotte dans un même élan, en symbiose avec le synthé qui émoustille une mélodie dont les boucles épousent la forme chaotique du rythme. Une autre structure de rythme, plus linéaire, infiltre le mouvement, donnant une texture plus spasmodique à Machine Elves. Les solos sont mélodieux et irradient en même temps un champs de résonnance magnétique qui se gorge de bruits fantômes et autres effets sonores appartenant à l'univers des jeux vidéo. Le dernier spasme rythmique épuise ses effets sphéroïdaux dans l'ouverture de Can Non-Player Characters Experience Love? Un autre titre atmosphérique qui est riche de ses multiples effets, boucles et lignes du modulaire qui se contorsionnent comme des remous, des reflux sonores qui pulsent comme la nervosité d'acrobates invisibles et dont seuls les contours se reflètent par des figures pulsatoires dignes des plus belles audaces d'un spirographe de l'intelligence artificielle. Derrière des ondes contorsionnistes et les multiples chants qui en découlent, Diverging Reality Tunnels offre un bon Berlin School. On nage dans les années psychotroniques avec ces ondes, qui parfois ont l'impression d'avoir une grande bouche de spectre terrifiant, qui maquille une structure de rythme dont la discrète membrane organique ajoute encore plus à son charme. Dans un ballet de méduses et de pieuvres musiciennes jouant de la clarinette ou faisant battre leurs ventouses, Retrocausal propose de belles harmonies à la Vangelis dans les airs de son synthé.
Hyperdata débute la seconde partie, plus en rythmes, de MULTIZONAL MINDSCRAMBLE avec une zone de tempête et de ses vents de poussières et de bruines. Tapageuses, ces ambiances nous conduisent au rythme statique et tout de même spasmodique de Until You Observe It, It Isn't There. Les basses séquences sautillent de façon asymétrique avec un bel effet de cliquet. Des accords cadencés et autres effets accompagnent ce rythme qui sert de tarmac à une invasion de chants de synthé qui allient la beauté du rossignol à la légèreté d'un colibri gavé de sucre. La forme et les harmonies flirtent à la fois avec du psybient et une musique un peu plus glauque. Voire fantomatique! Vêtu de ses multiples variations dans ses intonations, Compute Gnosis est le titre le plus lourd de ce second album de Polypores. Son débit a beau être vif, sa structure est pesante avec ces séquences qui sautillent dans un pattern répétitif qui est en symbiose avec les chants ectoplasmiques des synthés et le rythme pulsatoire du clavier-synthé. Hexagram propose une texture plus atmosphérique avec des lignes de synthé qui roucoulent en boucles sur une onde de synthé gorgée de bourdonnements et de cliquetis de verres. L'intonation dans cette onde est sa richesse. Et comme à la grandeur des 44 minutes de cet album, ces lignes ont des formes artistiques comme acrobatiques, subdivisant leurs tonalités entre la musicalité et l'expérimentation dans des textures harmoniques bipolaires. Strangels reprend un peu les thèmes de The Dream Incubator avec des ondes de synthé qui s'apparentent à une forme de langage extra-terrestre. La seule différence est qu'il y a certaines ondes qui sont plus poignantes, émouvantes que d'autres. Comme quoi qu'il soit possible que certains spectres aient une capacité d'émouvoir. C'est un peu le même phénomène avec Butterflies qui termine cet album. Mais auparavant, il y a The Green-Screen Beneath It All qui est un beau titre ambiant. Un titre plus musical avec des envolées lyriques sur une texture musicale jointe par des effets de saccades. Adventures in The Super-Spectrum suit avec un rythme bondissant qui sert d'ancrage à des orchestrations qui défilent en staccato et à un synthé qui multiplie solos et harmonies dans un contexte de créativité basé sur une forme de bipolarité artistique.
MULTIZONAL MINDSCRAMBLE s'apprivoise avec des écouteurs, les oreilles sur le qui-vive, histoire d'absorber toute la dimension tonale d'une œuvre protéiforme haute en couleurs plus sépia ici que sur le premier opus de Polypores. Créatifs et entrainants, les rythmes ont ce petit côté caoutchouteux unique au modulaire. Stephen James Buckley séduit avec ces tonalités organiques et ces solos de synthé qui ajoutent une dimension plus approfondies à sa musique et ses textures. Bref, un album rempli à ras bord de ces finesses et ces subtilités qui lient audace et musicalité!
Sylvain Lupari (10/09/23) ****½*
Disponible chez DiN Records
(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
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