“Il y a de grands moments cachés dans les titres complexes de cet album”
1 Stroll Along the Paths on a Chip 5:59
2 Neuronal Disorders Inside a Silicon Brain 13:35
3 The Race Towards a Knowledge 4:04
4 The 20th Century Dark Echoes 9:48
5 Short Message to Tomorrow 3:37
6 Giant Leap for Mankind 23:45
7 Home Again 7:40
(CD/DDL 68:19) (V.F.)
(Progressive Berlin School)
Il est un peu difficile d'apprivoiser l'univers de Przemysław Rudź. Un univers musical plein de paradoxes où le compositeur et synthésiste Polonais se complait à y introduire une multitude de sonorités électroniques tirées de source éclectique sur des structures en constantes mutations, et ce peu importe le temps, dans des ambiances parfois cosmiques, oniriques, morphiques ou intensément rythmiques. SELF-REPLICATING INTELLIGENT SPAWN est le dernier volet d'une trilogie débutée à la fin 1999 avec Summa Technologiae. Une trilogie prenant forme à la mesure que chacun des 2 premiers albums naissait et qui raconte l'histoire de l'humanité durant le 21ième siècle. Un album surprenant où, comme son icône Jean-Michel Jarre, le musicien déstabilise son auditeur par une étonnante diversité dans ses approches.
Stroll Along the Paths on a Chip ouvre cet album avec des percussions du genre tablas et congas, agrémentées de quelques cymbales sifflantes. Des accords de piano ajoutent une mélodieuse dimension de night-club à tendance lounge. Une ligne de basse s'isole et ondule avec force et s'entoure de lourdes pulsations feutrées, interrompant cette douce intro jazzée pour plonger le titre dans une ambiance plus électronique. Des arpèges séquencés scintillent et sautillent, sculptant un rythme houleux et nerveux qui bondit sur de bonnes percussions, alors qu'un synthé aux brefs souffles mélodieux et aux solos torsadés assume la portion mélodieuse. Ce premier titre accroche l'ouïe instantanément, tout comme le très nerveux et animé The Race Towards a Knowledge, avec ses solos hybrides et son rythme rugissant, ainsi que le technoïd et lourd Short Message to Tomorrow qui ferait décoller un plancher de danse tout en nous amenant aux pays des rêveries avec son refrain romanesque et ses synthés symphoniques. Des titres courts et accrocheurs qui s'insèrent entre d'autres plus audacieux, comme Neuronal Disorders Inside a Silicon Brain, un titre qui porte très bien son nom avec son intro quasiment métallique qui égratigne les cellules cérébrales. D'énormes nappes de synthé déchirent les toiles du néant cosmique pour stimuler les neurones d'une schizophrénie latente. Elles hurlent de leurs magnétismes métalliques entre la pure atonie et un disparate mouvement mélodieux qui tente de percer cette muraille hétéroclite. Derrière ces syncrétiques panneaux sonores aux lourdes réverbérations, on perçoit un effet dramatique se dessiner. Un tempo prend doucement forme vers la 6ième minute avec une fine séquence aux accords subdivisés. Des accords qui se dédoublent sous un ciel truffé d'intrigantes réverbérations et de serpentins sonores défilant tels les perles d'un collier brisé. Un étrange rythme niche au creux d'une structure nerveuse, mais statique, qui ondoie sur un long mouvement circulaire stationnaire. Un long boléro statique et cosmique que P. Rudź revêt tranquillement d'une forme mélodieuse avec des percussions qui redoublent d'ardeur sous de puissantes réverbérations et de stridentes stries métallisées avant que de brumeuses nappes mellotronnées et une sautillante ligne de basse tente de nous en faire oublier sa longue intro éclectique.
The 20th Century Dark Echoes nous amène vers ces rythmes en constante mutation qui sillonne les œuvres de Przemysław Rudź. Le rythme initial s'amorce avec une séquence aux pulsations ventousées qui en croise une autre, plus éphémère avec un roulement plus militarisé. Une onde de brume synthétisée plane au-dessus de ce rythme que des percussions martèlent de façon dysfonctionnelle, un peu comme dans la finale de Neuronal Disorders Inside a Silicon Brain. Et l'insaisissable univers complexe du synthésiste de Elbląg se déroule dans nos oreilles avec des nappes de synthé qui survolent une cadence en constante mutation sous de chaleureuses stries rappelant l'univers musical de JM-Jarre dans Les Chants Magnétiques. Vers la 6ième minute, des solos de synthé flottent et s'enlacent dans un firmament rempli d'une brume mellotronnée et de lézardes sonores, plongeant la finale de The 20th Century Dark Echoes vers un abyssal monde musical où une lourde orgue trace une sombre ligne ténébreuse, alors qu'une délicate séquence y danse furtivement. Une longue intro, extrêmement musicale, nous introduit à Giant Leap for Mankind. Une onde légère et céleste flotte parmi des réverbérations et stries stellaires qui défilent dans un décor musical autant morphique que psychédélique. Une longue intro où les réminiscences des premiers titres cosmiques de Kitaro avec un synthé flottant très Floydien effleurent les oreilles. une voix de cosmonaute, qu'on a trop souvent entendu, émerge de cette intro morphique autour de la 9ième minute, remuant des cendres rythmiques oubliées dans Short Message to Tomorrow avec des séquences houleuses et nerveuses qui s'entrechoquent. Des séquences qui sautillent sans pour autant former de rythme et qui vallonnent avec un lourd synthé flottant ainsi que des échantillonnages de guitares japonaises. Plus de 5 minutes plus loin, un rythme minimaliste endiablé martèle nos tympans, secondé par une ligne du séquenceur syncopée qui s'agite sous des solos de synthé torsadés et une pléiade de complaintes électroniques cosmiques. Un rythme infernal qui s'échauffe encore plus avec une lourde ligne de basse, enveloppant la finale de Giant Leap for Mankind d'une chaleur contagieuse. Home Again conclût avec une superbe ballade. Des notes de piano se perdent au-dessus d'une marée haute alors que Home Again progresse pour embrasser une ligne de synthé ondoyante. Une étonnante union poétique qui déverse vers un doux rythme poétique et hypnotique avec d'étranges accords séquencés provenant d'un gosier d'un canard enrhumé. Przemyslaw Rudz habille Home Again d'une étonnante diversité sonore et rythmique unique à son style. Ainsi des accords de piano, de sobres percussions, une chaleureuse ligne de basse, des accords teintés comme ceux d'un xylophone et un saxophone envoient Home Again dans un univers musical où le minimalisme permet cette poésie onirique qui berce le cortex des mal-aimés et des torturés. J'adore ce titre!
SELF-REPLICATING INTELLIGENT SPAWN est aussi complexe et tortueux que Cosmological Tales, mais on sent cette évolution et ce désir de séduire qui animent l'instinct créatif de Przemysław Rudź. Si l'album présente des passages un peu plus difficiles que d'autres à apprivoiser (Neuronal Disorders Inside a Silicon Brain et The 20th Century Dark Echoes) il s'y cache de belles pièces de musique qui démontrent que la MÉ ne cesse d'évoluer et d'étonner; deux des plus grandes qualités artistiques de Przemysław Rudź.
Sylvain Lupari (30/03/11) *****
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