“Asteroid est un voyage étonnant à travers les méandres de l'électronique-cosmique-Krautrock vintage du Q2”
1 Planets 21:21
2 Comet 7:26
3 Asteroid 18:27
(CD/DDL 47:18)
(Psychedelic Berlin School)
La musique électronique! Il y en a tellement que je devrais raccourcir mes chroniques afin de pouvoir tout chroniquer. Mais je passerais à côté de petits bijoux qui demandent une écoute plus approfondie, comme ce tout nouvel album du groupe allemand Q2 qui s'inspire de cette fusion Krautrock et MÉ si habilement portée à nos oreilles par des groupes phares tels que Tangerine Dream et Ashra ainsi que Klaus Schulze dans les années 70. Initialement composé et réalisé pour un label indépendant en 2010, ASTEROID est passé comme un coup de vent dans les sphères de la MÉ. Vic Reck, qui ne manque jamais une occasion de nous servir un petit bijou de MÉ underground via son label Ricochet Dream, a flairé tout le potentiel de Frank Husemann et Sunny Vollherbst en nous offrant une œuvre qui vous clouera les oreilles à vos haut-parleurs.
La première écoute ne passe pas si facilement. Une ombre menaçante, oscillant en de furieuses convulsions linéaires, s'agrippe à notre ouïe pour converger vers un lourd et sauvage galop rythmique. Planets, tout comme la pièce-titre, offre une structure hybride où la fureur côtoie la douceur. Où un gros rock électronique se mélange aux longues élucubrations cosmiques. Épousant le noir et rêvant de blanc, le titre longe les sinueuses courbes des ombres introductives pour plonger dans de profondes phases morphiques où les synthés, comme des anges de la guerre, appellent la fureur du rythme. Les 3 premières minutes sont de soufre rythmique. Les oreilles aux aguets, on plonge assez rapidement dans des terres arides des paysages ambiants où les vents hurlent et les synthés claironnent un hymne à la vitalité. Des torsades de synthés roucoulent dans un désert de lamentations, clamant toujours plus fort les droits d'un rythme qui n'attend que les ondes réverbérantes pour faire entendre ses pulsations menaçantes. Les harmonies sont fugaces mais apportent les nuances nécessaires pour forger des empreintes agréables à l'oreille. Sauf que le rythme ne vient pas. En lieu, on replonge dans des ambiances tamisées qui rappellent les déserts des lamentations corrosives que Schulze exploitait à merveille dans sa période Picture Music. Et les tam-tams tonnent vers la 11ième minute. Forgeant une transe clanique surréelle, ils dansent avec furie sous une nuée de réverbérations ensorcelées. Ils tempêtent dans un rythme statique qui palpite sous un cumulus de plaintes synthétisées. Des plaintes de gargouilles aussi intrigantes que dérangeantes qui chassent les tam-tams et guident la finale de Planets vers un étrange et envoûtant blues cosmique où la guitare de Frank Husemann traînasse dans des brumes aux étranges émanations psychédéliques avant de fondre dans les soubresauts de cette chevauchée cosmico psychédélique qui débouchait l'introduction très alambiquée de Planets. On comprend que c'est la fin mais on se demande où sont bien passées les 21 minutes. Si cette structure atypique peut prendre au dépourvu, je peux vous garantir qu'ils y traînent assez d'éléments pour que l'on succombe à son charme. Un charme qui croît d'écoutes en écoutes.
Ce qui n'est pas le cas de Comet et de son approche vampirique et létale à la Neuronium. On tombe sous son joug dès les premières vagues d'orgues qui ondulent dans les accords d'une guitare aux harmonies chantant sous le signe des sortilèges. Les lignes de synthé sont sublimes. Elles traînent comme des soupirs de fantômes. Comme des pleurs de sorcières mortes avant d'avoir pu déchaîner leur fiel qui coule dans les remous d'une orgue aussi poétique qu'horrifique. Faut entendre ces accords de guitares épouser les nuances des lignes de mélancolie, tant chez l'orgue que les synthés, qui serpentent une structure aux milles harmonies composites. C'est une superbe musique d'ambiance qui s'écoute dans le noir et qui fera les délices des adeptes d'une musique sombre, très près de la magie noire. L'intro de la pièce-titre déboule comme une sombre mélodie jouée par un émule du fantôme de l'opéra. Un peu comme dans Planets, le rythme embrasse une lourdeur sans pour autant frayer avec sa fureur. Par contre, il est plus stable et supporte des accords magnétisants d'une guitare qui roulent en boucles tisseuses de vers d'oreille. Tanguant entre une douceur paradoxale et un rythme un peu plus lourd, Asteroid infuse aussi de cette touche underground qui caractérise les courtes 47 minutes de ASTEROID. C'est du très bon rock électronicosmique, pesant et puissant, qui suit une tangente plus harmonieuse, gracieuseté de la six-cordes à Frank Husemann qui enjôle à merveille les sinueuses ondulations d'une orgue aussi noire que mélodieuse et des percussions de Sunny Vollherbst qui modulent une belle chevauchée, plus apprivoisée que dans Planets, dont le rythme soutenu reste le berceau d'une séduisante approche mélodieuse, souvent inattendue mais tellement espérée sur ce genre de structure.
Encore une fois, je me suis laissé transporter par mes émotions. Mais que voulez-vous, j'aime la belle musique électronique. Et c'est rafraîchissant de constater qu'après tout ce que j’entends il reste des surprises qui brillent ici et là. Et ASTEROID de Q2 en est une très belle. Ce n'est pas une MÉ conventionnelle, même si l'on sent les racines de la vintage Berlin School pousser sur de l'underground, du Krautrock. Et c'est en grande partie le charme de cet opus brillamment signé par Frank Husemann et Sunny Vollherbst. J'aime ces structures en continuel mouvement, peu importe les tangentes, où chaque recoin étonne, soit parce que c'est inattendu ou que c'est juste très beau. Vous allez être séduit par Comet, facilement attiré par la pièce-titre et finalement conquit par Planets. Très bon!
Sylvain Lupari (02/08/13) ****½*
Disponible au Q2 Bandcamp
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