“Colder est monumental et, de lion, l'album le plus complet et le plus accompli de Redshift”
1 Sister Moon 15:24
2 Roses are Red 3:33
3 Two Worlds & In-between 14:05
4 Azure 5:14
5 Colder 13:01
6 Chain Gun 10:33
(CD/DDL 61:50)
(Berlin School)
Il se passe beaucoup de chose sur COLDER, un album plein de rebondissements et où rien ne se ressemble et tout baigne dans de pesant rythmes diversifiés. Présenté lors du 9ième festival d'Hampshire Jam, COLDER suit les traces de Turning Towards Uset Last avec une musique lourde, complexe et sombre aux étonnants dénouements harmonieux. Un album construit sur de puissantes atmosphères autant symphoniques qu’apocalyptiques, il est étonnement puissant avec ses lourdes séquences qui chevauchent et titubent sous le poids de synthés multidimensionnels et dont les frappes arythmiques accompagnent de sombres mélodies qui lient encore plus notre dépendance envers ce groupe culte qui réussit, année après année et album après album à séduire un public toujours à la recherche de l'après Rubycon de Tangerine Dream.
L'étrange croisade débute avec Sister Moon et sa longue plainte aux réverbérations corrosives qui se faufile parmi des stries acérées et torsadées. Des couches de synthé inondent une ambiance apocalyptique alors que des percussions séquencées moulent une sordide marche de guerriers mutilés qui avancent à pas cadencés dans une plaine emplie d’une mystique brume synthétisée. Cette cadence est appuyée de fins et délicats arpèges cristallins d’un piano électrique qui flottent dans une ambiance poussiéreuse tandis que des souffles de synthé ululent à la désolation et préparent l'envol de Sister Moon. Et ça décolle sur de lourdes pulsations résonnantes et d'agiles séquences nerveuses qui alimentent une structure rythmique fléchissant sous le poids des pesantes couches d'un synthé lugubre et apocalyptique. Cette approche rythmique du séquenceur est redéfinie par de tonitruantes pulsations, créant une approche plus lourde et sombre. Un synthé rugissant échappe aussi de suaves mélodies mellotronnées aux effluves d'un monde arabique inondé par une lourdeur rythmique assiégée d'une nuée de séquences qui résonnent, titubent et s'entrecroisent sur une rythmique qui va et vient, appuyée sur ses séquences circulaires et arythmiques et ornée de nappes de synthé sèches et dramatiques. Et graduellement les pas faiblissent et le rythme lourd de Sister Moon s'alanguit. Seul des accords de clavier résonnent dans un vide comblé par les oscillations résonnantes et les oraisons funèbres des chœurs errants sur les plaines désertées de rythmes. C'est un court moment d'accalmie où le solitaire piano électrique échappe ses notes hésitantes qui se perdent dans une brume happée par des séquences naissantes. Ces séquences ressuscitent nerveusement avant d'exploser dans les lourds souffles d'un synthé qui morcelle sa mélodie abyssale emportée par un torrent du séquenceur d'une puissance unique à Redshift. Après cette première explosion de rythmes tonitruants, Roses are Red sert de lien avec sa quiétude érodée de lourdes oscillations corrosives pour préparer l'entrée de Two Worlds & In-between et ses pulsations qui battent sous un ciel musical déchiré de stries irisées alors qu'une étrange séquence pulse auprès des chœurs errants. Une séquence dont les frappes pianotées permutent pour devenir un anneau syncopé qui tressaille sous ses chœurs encore plus nombreux et des gaz de brume qui soufflent des abysses. Mais alors que l'on sent le sol vaciller sous nos pieds, surgit une étrange ballade soufflée par un synthé fluet. Une ballade ténébreuse accompagnée d'une chorale d'outre-tombe qui chantonne sous de délicats mouvements de séquences et des nappes de synthé tantôt apocalyptiques et tantôt symphoniques. La structure s'enfonce encore plus dans la complexité avec des frappes arythmiques qui errent tel des pas de loups, fractionnant sa lourdeur avec des séquences plus incisives qui dansent dans un mouvement circulaire. Sauvage, le rythme se nourrit des séquences dont les ombres nerveuses fusionnent avec des accords de clavier sous une épaisse membrane du Mellotron. Une membrane qui fait virevolter la finale de Two Worlds & In-between vers les horizons plus sereins de sa douce mélodie introductive qui charme à nouveau de sa belle flûte se perdant dans les pulsations industrielles d'Azure.
Azure est le deuxième court titre de COLDER à servir de pont entre les longues et complexes compositions du 14ième opus de Redshift. C'est aussi une belle mélodie forgée dans de fins accords de piano et un délicieux moment d'un sombre romantisme que l'on voudrait encore plus long, surtout avec la venue d'une douce flûte enchantée. La pièce-titre étend ses couches irisées dans une zone dévastée où la brume n'a pas encore finie de s'évaporer que des pulsations métallisées battent délicatement avant de joindre une pulsation séquencée plus hypnotique. Le rythme explose sur un coup d'enclume! Une lourde oscillation séquencée à la Ricochet perce l'incertitude des rythmes de Colder qui tergiversent entre la ligne dure et celle plus atone avant que le rythme ne dévie dans un tourbillon acéré où la guitare électronique d'Ian Boddy ne triture l'ambiance de ses solos caustiques et déchirants. Le rythme se calme vers la 7ième minute et Colder traverse une phase subliminale avec des chœurs qui traînent telle une brume auprès des accords d'un piano solitaire. Mais les séquences reprennent leurs droits de rythme avec une violence inouïe, faisant virevolter la musique dans une valse endiablée où les séquences tourbillonnent sans fin. La guitare continue de malmener Colder avec des riffs pesants et de furieux solos qui déchirent la lourdeur et la fureur du rythme. Une lourdeur amplifiée dans une finale qui laisse les spectateurs sidérés. Chain Gun conclût COLDER avec une longue intro où les souffles des âmes en perdition se perdent sur une séquence qui dresse une marche funèbre plus accentuée que celle de Sister Moon. Une marche où les synthés expirent des souffles de glace avant que les lourdes séquences ne déchirent l'évolution de Chain Gun qui se terre sous de sulfureux souffles de feu et un superbe mellotron flûté, divisant encore plus le rythme qui renaîtra sous une superbe mélodie chantée par un onirique mellotron. Un chant qui persiste à rendre sa mélodie malgré les ténèbres métalliques, les lacérations caustiques et les cris déments des synthés qui s'évaporent dans une marche accompagnée d'un synthé flûté.
Avec toute cette complexité, tant dans les structures que dans les rythmes, COLDER est monumental! C'est un superbe album où la puissance de frappe de Redshift est embellie par ces superbes mélodies qui y traînent un peu partout. Rarement ai-je entendu un album aussi lourd et puissant et où des structures musicales lancinantes et spectrales puissent dégager autant de romantisme. La faune sonore qui se cache dans cet album est absolument délirante. Chaque parcelle de tons et/ou nouvelles directions musicales cachent ses richesses derrière une pléiade de sonorités aussi créatives qu'insoupçonnées. C'est, et de loin, l'album le plus accompli et complet de Redshift qui finit par faire apprivoiser son style avec toute la noblesse qui lui revient.
Sylvain Lupari (06/07/11) ****½*
Disponible au Redshift Bandcamp
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