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Writer's pictureSylvain Lupari

Remote Vision The Architecture of Time (2022) (FR)

Un album plein de rythmes en suspension pour les fans de la Berlin School tiraillée entre son passé et son présent

1 The Temporal Sequence 6:51

2 Network 47 12:40

3 The Architect 6:50

4 Branching Lines 9:44

5 External Factor 11:08

6 The Architecture of Time 18:54

(DDL 66:08)

(Sequencer-based Berlin School)

J'écrivais à l'été 2020, lors d'une chronique à propose de Hypnos, que le meilleur de Remote Vision était à venir. Don Tyler me donne tout à fait raison avec ce splendide album qui revisite les territoires des premiers mouvements séquencés de Tangerine Dream. THE ARCHITECTURE OF TIME présente 6 chapitres où les rythmes flirtent avec une réciprocité structurelle avec juste ce qu'il faut de complexité pour rehausser la valeur de la découverte. Nos oreilles butinent de titre en titre, s'extasiant souvent devant des rythmes en mouvement qui s'inspirent de Chris Franke et des années analogues du mythique trio de Berlin en élaborant des structures minimalistes dont les rebondissements sont ancrés dans les tonalités des années contemporaines. Bref, un très bel album pour les rythmes en suspension et pour les fans de la Berlin School tiraillée entre son passé et son présent.

The Temporal Sequence nous met tout de suite dans les ambiances de ce très bel album avec un séquenceur qui personnifie une araignée tissant sa toile avec des lignes d'arpèges sauteurs qui entrecroisent leurs visions rythmiques dans un vaste pattern de zigzags. Oui, ça fait très Tangerine Dream de l'ère Schmoelling! Les battements mous et espacés de la basse font cependant contrepoids à la vélocité des séquences. Un combat entre les charmes des différentes structures de rythme qui est un des arguments de séduction de cet album produit par la label américain Synphaera Records. La structure rythmique est de nature plutôt harmonieuse, comme le sont les 5 autres chapitres de l'album, avec une texture d'ambiances tissée dans l'imaginaire d'une société carnavalesque. L'ombre de la basse irradie les ambiances avec des ondes ténébreuses, on peut aussi entendre des souffles et des lamentations d'esprits maléfiques, ainsi que de longs fredonnements d'un brouillard tant orchestral que lunaire. La basse palpite tout aussi mollement et avec ses soupirs espacés dans l'ouverture atmosphérique de Network 47. Ce long titre exploite une vision minimaliste après un lent départ enveloppé dans un décor cosmique. Le séquenceur élabore par la suite une structure de rythme découpée par petites phases. Elles vont et viennent, montent et descendent comme de petites montagnes russes dans une vision itérative qui peu à peu augmente la cadence, et qui nuance sa couleur tonale sous de denses bancs de brume orchestrale. On reste dans ces structures de rythmes ambiants avec The Architect qui coupe aussi ses lignes de rythme en courtes phases ascensionnelles répétitives. Sauf qu'ici, des filaments s'échappent pour structurer un mouvement en parallèle qui déroule de courtes ruades spasmodiques ainsi que de très brefs moments de dribblage d'arpèges sauteurs. La tonalité des arpèges est aussi plus luisante avec un effet d'écho dans les tintements, de même que dans le mouvement de la basse et de ses rebonds caoutchouteux. Dans les faits, le séquenceur perd le contrôle et les lignes de rythmes s'éparpillent pour s'agglutiner dans un effet d'entonnoir peu après la 3ième minute. Là où les vents bourdonnent et crachent des particules industrielles. Cette dense texture atmosphérique ralenti le rythme jusqu'à l'éteindre sur une distance de plus ou moins 80 secondes jusqu'à ce qu'il réapparaisse, plus timide et moins dominant, dans une finale à la fois gothique et lunaire qui est nuancé par la présence de voix célestes.

Branching Lines s'installe entre nos oreilles avec les pulsations ondulatoires, on dirait l'effet d’une ventouse, d'une ligne de basse caoutchouteuse. Des effets sonores, organiques comme intergalactiques, ornent le brouillard de particules électroniques qui densifie l'ouverture du titre, alors que le séquenceur en émerge subtilement pour faire discrètement tinter des arpèges après la seconde minute. Le clapotis de ces arpèges se perd dans un ronflement industriel d'une texture qui flirte avec du psybient dans une vision plus organique que cosmique. Le séquenceur sort définitivement du silence un peu avant la 4ième minute, structurant une de ces phases de rythme ambiant ascensionnel qui jalonne les 6 parcours de THE ARCHITECTURE OF TIME. External Factor propose une autre structure de rythme pour neurones actives avec des arpèges sauteurs et leurs ombres compressibles dans une belle structure de rythme ambiant. Dans un décor qui respecte les structures d'ambiances de ce dernier album-téléchargement de Remote Vision, le mouvement du séquenceur est percutant avec ses touches de rythmes qui tombent sèchement pour rebondir dans une réflexion élastique. La longue pièce-titre met a profit ses presque 19 minutes afin d'offrir une longue ouverture atmosphérique nourrie de bourdonnements et de nappes de synthé ayant une fine texture vocale, genre lamentations de pachydermes électroniques de Jean-Michel Jarre dans la première partie de Ethnicolor, album Zoolook, ainsi que de ces rayons de réverbérations où nichent des éléments percussifs en suspension. Cette délicieuse ouverture dérive dans un Cosmos illuminé par une vision lyrique dans la symbiose entre ses différents éléments et effets sonores qui la composent. Toujours omniprésente dans le débit de ses émotions, la basse souffle des respires qui vrombissent en une texture de rythme somnifère où commencent à festoyer les premiers arpèges rythmiques de The Architecture of Time. D'abord incertain, le rythme se dandine dans cet espace cosmique pour finalement se structurer en une délicate entité spasmodique à la recherche d'autres arpèges rythmiques afin de coordonner une structure plus soutenue, plus vivante. Offrant une pléthore de battements dans un longiligne tube favorisant la répétitivité, le rythme tressaille sur place tout en étant toujours encerclé par ces lamentations pachydermiques de l'introduction. L'ombre de la basse se met à vibrionner, donnant ce signal sourd afin que le rythme accélère la cadence tout en restant dans son giron minimaliste. C'est comme entendre une nuée de ruades et de carioles qui se fait sectionner par une autre ligne de rythme qui me rappelle étrangement les séquences de Edgar Froese dans Stuntman. Trop courte, plus ou moins 8 minutes, cette phase de rythme se fane comme elle à éclot pour une finale qui est cependant un peu trop longue. Mais peu importe, THE ARCHITECTURE OF TIME de Remote Vision a fait son œuvre en stimulant nos oreilles pour une autre écoute…Et encore une autre, comme ces albums mythiques des années vintage de la glorieuse histoire de la musique électronique (MÉ) propulsée par séquenceur.

Sylvain Lupari (22/01/23) ****½*

Disponible au Synphaera Records Bandcamp

(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)

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