“Fears est un solide album chargé d'ambiances sombres et de ces rythmes hypnotiques qui font le charme de Remy”
1 Fear 1: Fears 13:04 2 Fear 2: The Unknown 12:54 3 Fear 3: Reality 8:23 4 Fear 4: Terror 9:42 5 Fear 5: Extreme Weather 11:42 6 Fear 6: Death 7:52 7 Fear 7: Cataclysm 9:32 CD Bonus 1 Fears: Prologue 23:35 Deserted Island Music | DIM-005
(CD 73:09) (Dark and hypnotic New Berlin School)
Les peurs! Comment mettre en musique les peurs d'une façon assez réaliste et sans tomber dans les pièges d'une musique noire qui fouille dans tous les sens sans jamais en approfondir un? C'est le défi de Remy! De celui qui depuis la parution de l'étonnant Exhibition of Dreams en 1999 ne cesse d'explorer ces territoires où les rêves et les cauchemars s'échangent nos volontés. Premier album en solo depuis i-Dentity en 2011, FEARS réussi fort bien à nous tourmenter. Tant que les premières écoutes jettent un espèce d'inconfort troublant entre nos oreilles.
La pièce-titre nous met tout de suite dans les ambiances de FEARS. Un épais brouillard sonique étend son linceul troublant d'où respire les râles d'une étrange machine à créer ces vapeurs qui ralentissent nos pas dans les allées de cimetières. Nous sentons la noirceur nous envahir alors que des spectres chantonnent en symbiose avec ces ronronnements. De délicats arpèges tissent une mélodie dont les charmes minimalistes sont aussi envahissants que magnétiques. La procession de Fear se fait tout en douceur. Remy étend ces pièges qui traquent le subconscient alors que des pulsations animent un rythme qui naît avec lenteur. Des cordes caressent ces ambiances alors que la procession s'ornent d'une musicalité inconfortable, comme si les lents staccatos des violoncelles annonçaient que les spectres nous soufflent au cou. Une ligne de séquences délient lourdement ses ions qui sautillent comme des pas de géants dans une forêt densément étouffée de brume. Ce mouvement lento accentue un peu la cadence, mais plus en intensité qu'en vivacité, créant un vertige émotionnel qui épouse en tout temps la progression d'une démence née de la peur. Fear 2: The Unknown épouse un peu ce principe de crescendo de la peur avec une introduction bourrée de brumes qui résonne et qui cache des incantations de machinerie. L'ensemble introduit même un rythme lent nourri par les boucles des impulsions. Une ligne de synthé s'élève pour évaporer une harmonie qui flotte entre les strates de nos émotions, un peu comme un hymne à l'inconfort soufflé par un spectre. Une autre ligne, teintée par les harmonies d'un clavecin, plonge nos délires jusqu'aux portes du majestueux Exhibition of Dreams. Plus atmosphérique que rythmique, Fear 2: The Unknown puise son charme dans les lamentations fantômes du synthé et des impulsions d'une ligne de basse qui rampe en arrière-plan. La mélodie? Aussi dérangeante que les souvenirs du film Halloween, elle s'insinue dans nos sens comme la peur peut coller à la peau avec un effet de crescendo qui fait battre nos tempes avec la même intensité que ces séquences qui sautillent avec hargne alors que Fear 2: The Unknown piétine nos sens avec la même approche machiavélique que ces cliquetis de chaines que l'on vient de remarquer. Plus on avance et plus cette symphonie électronique sur les peurs étend ses tentacules avec une étonnante réalité. Fear 3: Reality est un splendide morceau de musique avec un tempo très lent où courent les notes d'un piano affolées par les chants d'une Diva décédée récemment. L'effet est hyper saisissant ici. Très bon et surtout très efficace. J'adore et je suis certain d'avoir entendu cet hymne à la peur dans certains de mes cauchemars.
Fear 4: Terror est un titre d'ambiances avec une chorale méphistophélique qui fredonne sur un lit d'arpèges aussi tranquilles qu'une berceuse pour insomniaque. Fear 5: Extreme Weather roule un peu sur le même principe de musique d'ambiances machiavéliques tout en proposant un délicat rythme qui sautille sur un tapis de soufre. Des effets maculent cette marche pensive avec un concert de voix éloignées, comme des cris de l'au-delà que l'on ne veut pas entendre. Un beau mouvement de séquences délie un rythme circulaire qui est aussi discret que ces accords qui moulent depuis l'ouverture un genre de marche vers l'au-delà. C'est un titre aussi dérangeant que Fear 2: The Unknown dans une structure qu'il faut prendre le temps d'écouter. Un autre titre d'ambiances d'épouvante, Fear 6: Death propose un tempo très lent tissé par des interminables frottements de violoncelles qui affolent nos sens. Des claquements voltigent tout autour de cette marche dans l'entre-monde alors qu'une ligne de basse abandonne graduellement nos pas. Fear 7: Cataclysm est le titre le plus complexe de FEARS. Des impulsions de basse tissent un rythme harmonique assez lent. Les cordes sont toujours aussi accablantes et le décor sonique toujours aussi pénétrant. Une ligne de basse séquences fait virevolter ses ions en même temps que les cliquetis de cymbales sortent de la noirceur. Gardant sa mélodie de servilité en arrière-plan, Fear 7: Cataclysm change de peau et devient plus électronique avec une multitude d'effets et de séquences qui nourrissent une forme d'anarchie. Un peu comme si on se défaisait de l'emprise des peurs...ou que nous en étions avalé. L'album vient aussi avec un cd bonus contenant un titre de 23 minutes, Fears: Prologue. Au moment d'écrire ces lignes l'édition spéciale serait sur le point d'être épuisée. Ici les ambiances sont moins affolantes, exception faite du piano, et l'approche est résolument plus électronique et surtout plus ventilée. Nous sommes dans les territoires d'un Klaus Schulze des années 80 avec une longue structure minimaliste brodée autour d'un mouvement de séquences sautillant qui s'appuie sur les pulsations croissantes d'une bonne ligne de basse. Le synthé injecte les canevas d'une mélodie que l'on remarquera surtout dans la seconde partie et un piano éparpille les miettes d'une mélodie plus affolante. Cette procession heurte un mur de tranquillité vers la 11ième minute, initiant une approche plus acoustique avec un piano un peu plus improvisé et des ambiances plus éthérées avant de revenir à sa structure de base. Divisé en deux tomes, on approche FEARS avec délicatesse. Si les 30 premières minutes sont convaincantes, les suivantes demandent une écoute plus intuitive tellement les ambiances sont au cœur d'une romance entre la peur et la folie. Mais la musicalité, qui est la grande force de cet album d'ambiances, et les effets qui l'entoure chassent assez vite cette timidité de vivre pour quelques minutes dans l'antre des peurs. Un grand album qui expose avec justesse les profondeurs de ses sens. Chapeau Remy!
Sylvain Lupari (22/10/16) ****½*
Disponible au Desert Island Music
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