“PrimiTiveS est un solide album où le croisement entre f EoD et OG respire les rythmes et ambiances de Klaus Schulze”
1 Traffic Cones 7:22
2 Ancient Pyramids 7:05
3 Liquid Spheres 6:26
4 Fractured Splines 7:10
5 Crashing Toroids 5:45
6 Paper Planes 6:57
7 Frozen Cubes 5:21
8 Burning Cylinders 12:31
(CD/DDL 70:55)
(Progressive Berlin School)
Étrange combinaison musicale que celle de Synth. NL et Remy. Bien que les deux musiciens Hollandais partagent un intérêt pour la musique de Jean-Michel Jarre, ils sont aux antipodes de leurs visions musicales tant pour le genre et les compositions. C'est au festival E-Live de 2007 que Remy Stroomer, qui a une formation de musicien classique, et Michel van Osenbruggen, un autodidacte qui s'inspire de Vangelis, ont fait connaissance. Au fil des rencontres et conversations lors de festivals et évènements de MÉ suivants, ils ont développé une amitié ainsi qu'un intérêt afin de composer une œuvre ensemble. Et c'est ainsi que PRIMITIVES voyait timidement le jour. Selon les deux auteurs, la conception fut ardue. L'écart entre les genres et la différence au niveau de la technique de composition ont à la fois distancé et rapproché les deux nouveaux complices qui ont écrit les grandes lignes de cet album chacun de leurs côtés. Le résultat est un savoureux mélange des deux genres qui propulsent le fan de MÉ dans les ambiances spectrales et théâtrales que Remy concoctait avec Exhibition of Dreams et les rythmes lourds et secs qui ont fait la marque de Synth NL dans OceanoGraphy.
Et c'est cette mixture qui est au cœur de Underground Tubes, dont les premières minutes offrent une introduction aux brises et harmonies granulaires qui planent avec une odeur de musique dans une ambiance tamisée de poussières et de brumes étoilées. Une intro où des souffles de saxophones chantent dans des courants cosmiques avant d'être finement caressées par une ligne de basse et des percussions aux mouvements funky étreint de tendresse. Et ce rythme, pris à parti par des hurlements d'un synthé aux solos torsadés, augmente patiemment le pas avec une lourdeur vrombissante pulsant dans une constante vélocité, entraînant dans son sillon une ligne de séquence qui tournoie avec des saccades harmoniques et des solos de synthé aux formes vampiriques qui dégagent des brumes irisées sur un rythme dont la constance se nourrit de séquences et de percussions plus incisives. Si le début de Underground Tubes est estampillé par Remy, la finale l'est tout autant avec ses solos ténébreux, son approche orchestrale et sa chorale chtonienne qui enjolivent la bouillonnante approche cosmique qui est la marque de Synth NL. Et c'est ce genre de duel musical que nous réserve PRIMITIVES. Traffic Cones ne fait pas dans la dentelle avec son approche nettement funky et ses accords aux pulsations ventousées qui palpitent sous les empreintes d'un synthé aux brumes orchestrales et aux solos qui nous susurrent des complaisances spectrales aux creux des oreilles. Le rythme déploie une force plus saccadée avec des chassés croisés stroboscopiques qui éveillent en nous des réminiscences de Klaus Schulze et de sa période Inter*Face - Miditerranean Pads. Très bon! Ancient Pyramids épouse aussi ce modèle funky, mais avec une approche plus mielleuse, sur une ligne de basse aux palpitations spiralées et une ligne de séquences aux saccades frénétiques qui tournoient à contre courant dans les mouvements sphéroïdaux d'une mélodie électronique rêvant dans les charmes d'un synthé aux solos incisifs et aux brises arabiques.
Après une phase très ambiante en Liquid Spheres, Fractured Splines éclate dans nos oreilles avec une ligne de séquences aux ions qui hoquètent en virevoltant vivement dans un furieux mouvement rotatoire que des percussions portent à bout de frappes rhétoriques dans les brumes ocrées des synthés dont les solos incisifs tournoient tels des spectres rugissants. La bataille des sombres ambiances de Remy sur les rythmes lourds et vivants de Synth NL est plus que significative sur ce titre ainsi que sur Crashing Toroids dont la lourdeur et les couches de synthé aussi noires que morphiques freinent quelque peu la vélocité de son axe rotatoire. Un autre titre qui plaira aux fans de Klaus Schulze. Paper Planes est un superbe titre qui nous amène dans les ambiances nocturnes de Remy où les vents sifflants, les brumes ténébreuses et les solos lascifs enveloppent un rythme lent dont les volutes entrecroisés des séquences palpitent avec de plus de vigueur qu'un rythme alourdit par le matraquage des percussions qui éclatent avec plus de fureur vers la finale. Nous restons dans les ambiances de Remy Schulze avec Frozen Cubes et ses sombres notes de piano qui étendent une mélodie imprégnée d'une ambiance de rêves noirs que des chœurs mi-séraphiques et mi-sinistres enveloppent d'une aura d'inconfort nocturne. Inconfort qui amplifie avec une lourde finale martelée de percussions dramatiques, tissant ainsi une conclusion plutôt angoissante. C'est du grand Remy, théâtral et onirique, qui vient de s'introduire dans nos oreilles. Prenez tout ce qu'il y a de plus lourd sur PRIMITIVES et intensifiez-en le contenu et ça donne Burning Cylinders, qui porte à merveille son titre. Le rythme est plus que lourd. Il est martelé de puissantes percussions, dont chaque coup laisse un écho et son ombre, et nourri de riffs nerveux qui, mis ensemble, forgent un puissant rock progressif électronique dont l'axe d'une ligne de basse épouse une approche à la Peter Gun. Tout simplement délicieux! Les synthés revêtent la tonalité et musicalité bien distincte aux deux auteurs qui multiplient les solos complexes et torsadés, nourrissant une hallucinante ambiance de pulsions schizophréniques qui tourbillonnent dans le cercle très restreint de ce rythme aussi vivant que noir. C'est indéniablement l'un des très bons titres en 2013.
Lorsque deux artistes au sommet de leur art planchent ensemble pour composer un album, les résultats sont parfois tièdes. On a souvent l'impression que chacun veut avaler le style de l'autre. Et c'est loin d’être le cas sur PRIMITIVES où l'on sent un respect mutuel eu égard au style de chacun et une amitié musicale grandissante au travers de cette œuvre qui représente fort bien le maillage de leurs visions. C'est un très bel album où le croisement de Exhibition of Dreams et OceanoGraphy respire les rythmes et ambiances de Klaus Schulze, avec un fin zest de Jean-Michel Jarre. Hautement recommandable!
Sylvain Lupari (04 /04/13) ****½*
Disponible chez Groove
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