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Writer's pictureSylvain Lupari

Remy The Other Side: Lost in Reality (2023) (FR)

Intense et ténébreux, un album à la hauteur des très grands crus de Remy, même avec une chorale

1 Prologue 13:15

2 First Movement 9:43

3 The Skeptic 4:15

4 Lucida 6:13

5 Reality 2:34

6 The Astral Projector 1:37

7 The Akashic Records 4:09

8 The House of God 11:05

9 Reality Abandoned 5:00

10 Epilogue 9:43

(CD/DDL 67:39)

(Ambient E-Rock opera)

THE OTHER SIDE: LOST IN REALITY est un autre ambitieux qui marche dans les sillons de The Other Side, un excellent album que Remy réalisait en 2020. Cet album comprenait un titre épique, Lost in Reality, avec des textes chantés par Judith Wesselius et narrés par Joost Verhagen, qui a écrit les textes. Performé en concert à l'église Saint-Bavon (Grote of St.-Bavokerk) dans la ville de Haarlem au Pays-Bas, c'est la seconde ou troisième fois que Remy s'y produit, avec une chorale de 10 chanteurs/chanteuses, THE OTHER SIDE: LOST IN REALITY est l'œuvre la plus audacieuse et la plus conceptuelle du musicien à la chevelure bouclée. L'album s'appuie sur les grandes lignes du titre Lost in Reality, exception faite de Prologue et Epilogue, en décortiquant son noyau pour l'étaler sur une distance de plus ou moins 45 minutes. La signature du musicien-synthésiste de Ijmuiden respecte son style usuel en exploitant autant les passages ambiants que les rythmes de la Netherlands School, et même en flirtant avec le genre EDM dans l'explosif The Skeptic. Mélanger des chants et des paroles à une musique que les gens apprécient justement pour l'absence de ces éléments est souvent synonyme d'échec commercial. Même les opéras de Klaus Schulze ont été boudés, sauf pour ses collaborations avec la chanteuse de Dead Can Dance Lisa Gerrard qui ont eu un accueil plutôt favorable. Je dirais que c'est dans ce créneau que niche ce nouvel album de celui qui nous a donné l'excellent Exhibition of Dreams en 1999. Alors, est-ce que la chorale agace? Honnêtement, moi qui ne suis pas un fan de chorale, j'ai trouvé, après quelques écoutes pour certains titres, que les voix et leurs explosions ici et là allaient très bien avec les ambiances tissées par de splendides arrangements de Remy. Toute proportion gardée, les voix sont plus dominantes sur cet opus que dans le titre qui l'a conçu. Elles fredonnent, chantent et narrent dans une proportion que je situerais peut-être à un peu plus de 50% de l'album. Hormis les textes, le cœur de voix étend des textures de ahh et de ohh séraphiques qui se fondent bien aux orchestrations. Et comme dans The Other Side, on retrouve les textes à l'intérieur du livret de la pochette du CD. Si on achète plutôt l'album en format téléchargeable, ils sont disponibles en format PDF.

Comme son titre l'indique, Prologue est un long prologue où la chorale fredonne et narre l'entièreté des textes des 8 autres mouvements de THE OTHER SIDE : LOST IN REALITY. Outre ces textes, la chorale murmure des arias séraphiques dans un cadre musical ambiant, sans rythme. Ce cadre est forgé dans les orchestrations électroniques qui font entendre l'illusion d'un petit ensemble d'instruments à cordes. La musique est totalement atmosphérique, assez charmante pour y méditer, avec des ondes de drones qui résonnent autour d'explosions feutrées. Son ouverture est très éthérée avec des fredonnements bas et des chants de femmes plus acuités. Parfois les deux extrêmes se croisent, donnant une dimension plus théâtrale à la musique. Peu à peu, une forme d'oratorio s'installe lorsque qu'un chanteur narre le texte autour de la 7ième minute. La section des violons et du violoncelle amplifient l'effet dramatique de la narration. Un violon active même la cadence pour nous guider vers le premier mouvement du séquenceur qui nous amène vers le dynamique First Movement. Son rythme est très entraînant avec un séquenceur qui sculpte des zigzags. Bien que fluide, le pas est résonnant et une ombre qui grésille de sa texture ectoplasmique orne par moments cette titubante marche accélérée. Des arpèges tombent avec parcimonie, ajoutant une texture de mélodie cadencée qui accélère la cadence à mesure que le séquenceur active la sienne. Les deux éléments fusionnent dans une belle symbiose, donnant ainsi plus de texture à ce Berlin School inspiré de Edgar Froese. Des lamentations de synthé, d'instruments à vents et à cordes ajoutent cette dimension de Exhibition of Dreams au titre qui déborde avec vigueur dans The Skeptic où l'excellent jeu des percussions structure une séduisante vision de EDM. Les voix arrivent vers la 1ière minute. Séraphiques comme les sirènes d'Ulysse dans le conte d'Homère, elles ensorcèlent dans la même mesure que les merveilleux chants océaniques de Fresh Aire VI, un magnifique album de Mannheim Steamroller. Joost Verhagen narre le court poème sur ce lit de fredonnements élégiaques. L'approche aria-opéra versus la narration n'est pas assez longue pour agacer les oreilles. Mais une fois que ces harmonies chantées comme fredonnées sont assimilées, la musique passe beaucoup mieux. Honnêtement, First Movement et The Skeptic forment une véritable bombe où le style Berlin School transite vers la EDM sur un fond d’opéra théâtral. On en redemande! Lucida s'ouvre dans un tracas avant que les cordes tissent un lent mouvement ondulant qui est soutenu par des percussions électroniques et des cliquetis percussifs. Les ambiances sont sombres avec des effets d'expirations rauques qui alimentent un panorama d'angoisse. Le synthé bredouille des vers qui s'effritent en de brefs solos très discrets. Remy est l'architecte d'un passage trouble très angoissant, ici comme dans bien d'autres moments dans cet album, avec de bons effets de synthé qui ont une dimension cinématographique pour un film de terreur. Et les voix qui surviennent, admirablement bien agencées à ce décor, ajoutent à cette perspective. Bien que lent, le rythme possède une texture hypnotique qui devient un genre de douce transe hallucinogène. On y retrouve aussi cette essence du premier album de Remy avec de très bonnes orchestrations auxquelles les arias embrouillés fredonnent comme dans un mauvais rêve. Très bon!

Reality suit avec ces orchestrations qui traînent le poids du monde dans leurs cordes, le violon y pleure, sur un rythme qui bondit sans entrain. On glisse rapidement dans The Astral Projector. Il y a une portion de texte qui est narré, et la chorale est axée sur les voix aux timbres graves comme un peu plus clair. Le rythme bondit avec plus d'entrain ici avec de bons cliquetis percussifs. Il est ceinturé par des effets de synthé circulaires et enveloppé par des phases de drones ambiants. Des tintements et une ligne de séquence caoutchouteuse joue au chat et à la souris avec les ambiances de The Akashic Records. Un peu comme dans Lucida, les ambiances sont angoissantes avec une belle vision des instruments à cordes ficelés par Remy au synthé. Les voix ont une grosse dominance sur ce titre dont le rythme bondit plus lentement. Les arrangements sont incroyables avec un Remy très créatif qui reste toujours dans cette zone sombre où les rêves exploitent le côté sombre de notre vie. Les tintements sculptent une dimension autant rythmique, lorsqu'attachés à la lente procession des instruments à cordes du synthé, que mélodique. Et la mélodie qu'ils engendrent me fait penser à l'univers d'Eddie Jobson dans son sublime Theme of Secrets. The House of God débarque aussi avec ses gros effets sonores digne d'un film d’angoisse. Il y a un martèlement d'éléments percussifs, on dirait des riffs de clavier mis en séquences, dans le décor. Et ça devient peu à peu une ligne de rythme zigzagante qui est moins lourde que dans First Movement. Ascensionnel, comme dans un très bon New Berlin School, le rythme serpente des ambiances à la limite du sordide pour finalement nous guider vers une phase plus séraphique qui est dominé par un clavier mélancolique. La musique suit une courbe cinématographique avec des accords plus gras qui ajoute une fine membrane de drame aux ambiances d'un titre toujours dominé par son ossature de riffs sautillants de son début. Un moment de pur magie qui s'étire sur une distance de 8 minutes avant que la chorale se mette à souffler ses voix. Cette mélodie fredonnée est comme un genre d'adoration jusqu'à ce qu'une forte voix d'homme se mette à réciter le poème de The House of God, donnant une finale digne de Otello à cet autre gros titre de THE OTHER SIDE: LOST IN REALITY. Reality Abandoned débute avec une belle mélodie cadencée qui est jetée entre nos oreilles par un claviériste rêveur. Remy fait courir des notes de son piano sur cette ritournelle processionnelle où se couche une belle chorale et une air de flûte enchantée par le décor. C'est une très belle pièce de musique qui migre avec intensité vers sa finale silencieuse. Epilogue clôture ce dernier album de Remy sur une note très sombre. Les vents sifflent derrière la muraille sonore instituée par le célèbre orgue C. Müller Organ où Remy fait une très belle imitation du non moins célèbre Fantôme. Intense et ténébreux, Remy ne pouvait trouver mieux pour terminer un album à la dimension de The Other Side. Et ce même si il y a plus de voix, car c'est la musique et l'atmosphère créée par les arrangements qui sont le cœur de THE OTHER SIDE: LOST IN REALITY!

Sylvain Lupari (11/11/23) *****

Disponible au Remy Stroomer Bandcamp

(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)

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