“Oui! Frames est un autre bel album de René Splinter qui n'hésite jamais à creuser au coeur de ses influences pour notre plus grand plaisir”
1 Celluloid Skyline 9:43 2 Strangers in the Land of Sunder 7:52 3 Two Wanderers Above the Sea of Fog 6:20 4 The Road to Transylvania 9:22 5 Stereopticon 7:59 6 Laterna Magica 4:41 7 Frames 3:31 8 Instant Memory 7:29 Groove | GR-212
(CD/DDL 57:02)
(E-Rock Exit years)
Faire revivre les bâtiments désaffectés. Faire parler ces ruines de par leurs souffles des fantômes du temps qui sont les témoins silencieux des joies, des peines, des naissances, des morts, des meurtres, de la violence et de l'oubli. Les ruines sont les vestiges de notre civilisation. Et celles plus modernes le seront dans des centenaires si l'avidité pour des bâtiments neufs n'érode le paysage de désolation qui tapisse ces ornements désertés pour un appel à une vie meilleure. Pour son dernier album, René Splinter a décidé de faire parler les ossements des civilisations détruites par les guerres ou abandonnés par leurs occupants afin d'occuper les ruines de demain. Un étrange projet où les embûches sont à tous les coins lorsque l'on connaît le style très mélodieux du synthésiste Hollandais. Et non, l'univers René Splinter n'a pas changé. Seul derrière ses claviers, il se plait toujours à imaginer ce que Tangerine Dream serait devenu avec lui. Et le résultat de ses fantasmes est toujours aussi délicieux, même si tranquillement René Splinter commence à ressembler à Johannes Schmoelling. MODERN RUINS est son 4ièmealbum et son deuxième sur Groove. C'est un album qui offre une autre vision de Splinter avec beaucoup plus d'ambiances que sur ses œuvres précédentes. Mais n'ayez crainte, les rythmes construit sur les séquences et leurs échos en forme de cascades et les mélodies accrocheuses sont toujours de mise. C'est juste que Splinter a décidé d'être plus audacieux…comme un certain Johannes Schmoelling.
Des notes nostalgiques tintent avec la limpidité du verre dans des vents qui sifflent à travers les pyramides urbaines. Timide de son rythme polyphasique, Urbex entend les murmures sous la pluie et les cercles réverbérants qui flottent de leurs contours difformes avant de secouer sa gêne avec des frappes de percussions éparses. Des frappes qui résonnent comme des coups d'enclumes et moulent un rythme lent. Des accords tombent en série de cascades, formant une structure de rythme finement spasmodique sous des souffles de synthé très Jean-Michel Jarre. Et Urbex étend sa structure de rythme. Une structure où les séquences sautillent dans une névrose collective, bousculant leurs échos pour forger un rythme nerveux, comme on va retrouver sur le puissant Pod City, Footprints in the Dust et The Pendulum. C'est un rythme où les percussions chevauchent un lit de séquences qui miroitent comme des vagues d'harmonies dans une structure qui nous plonge dans les années Virgin du Dream et celles d'un Jarre plus synth pop que cosmique On ne peut ne pas aimer Pod City. L'intro est d'ambiances à la Exit avec ces brumes opalines qui flottent comme des menaces d'éther, étendant des voiles morphiques sous les gargouillis de voix électroniques qui répondent comme des percussions dans l'oubli. Une superbe ligne de séquences s'évade et fait danser ses ions dans une symphonie de rythmes décalés qui roule comme des cascades. Les percussions tombent et martèlent un rythme de plomb alors que les couches de séquences irradient d'effets miroitants, guidant Pod City à travers ses permutations dans des rythmes et harmonies qui courent et reprennent haleine dans une étonnante anarchique. Ces deux titres sont des bombes dont les auras auront de la difficulté à survire aux minutes qui suivent.
Après un titre assez atmosphérique en Scenic Reels où des carillons tintent dans une vie bouleversée par des vagues de bruits comme des roulements de tramways, Footprints in the Dust présente une autre structure de rythmes polyphasée. À prime abord doux, le rythme scintille de ses séquences de verre. Des séquences dont le pattern très reconnaissable chez les rythmes harmoniques de Splinter gambadent en cascades, forgeant un rythme qui épouse la forme d'un mouvement de canon cadencé. Des accords d'un clavier mélancolique tracent une mélodie toute belle dans sa robe de Schmoelling alors que les percussions viennent marteler ce rythme qui devient aussi lourd, même saccadé par moments d'une approche technoïde, que les solos de synthé stridents déchirent de leurs ailes acérées. Disons que c'est un bon titre qui s'inspire de Urbex et Pod City sans en avoir la profondeur. Un titre en suspension avec une foule d'éléments soniques perturbateurs, Regeneration reste de vapeur dans son approche de nébulosité métallisée. Des éléments soniques que Tangerine Dream exploitaient dans les années Exit et que nous retrouvons sur le rythme tranquille, même si un lit de séquences y frétillent, de la pièce-titre dont la structure des harmonies subdivisées me rappellent constamment une fusion entre les premières œuvres de Yanni et de Johannes Schmoelling. Nostalgia porte à merveille le poids de son titre avec un superbe et délicat piano qui chante sa mélancolie dans des poussières de carillons et des souffles irisés qui tremblotent de nostalgie. C'est aussi beau que son titre. The Pendulum conclût avec un rythme fou. Des séquences agitées, dont les frappes alternatives moulent des rouleaux de bille qui hoquètent comme sur un convoyeur déréglé, façonnent un rythme complexe qui crache ses explosions tempérées dans un désordre qui respire une étonnante coordination rythmique. Les ondes de grosses nappes de synthé étendent les pans d'une approche mélodieuse Dantesque qui ne peut venir à bout de ces séquences folles, aliénant et fractionnant tant le rythme que la mélodie qui se perdent dans les dédales archi déséquilibrés d'un pendule pendu dans la tourmente.
MODERN RUINS est un autre bel album de René Splinter. Un album qui plaira à ses fans, de même à ceux qui sont à l'aise avec les énergiques rythmes électroniques où le rock et le synth-pop fusionnent avec une violence inouïe tout en s'agrippant constamment aux racines de la New Berlin School. J'aime bien que Splinter sorte de sa zone de confort et qu'il ose aller dans des phases atmosphériques plus exploratoires où le vide trouve du sens. Cela donne de la profondeur aux phases de rythmes. Et de Jean-Michel Jarre à Tangerine Dream en passant par les fortes réminiscences du monde harmonique de Johannes Schmoelling, MODERN RUINS respire la dualité entre ces rythmes indomptables, dont les mouvements de cascades harmoniques repoussent encore plus les chemins des audaces séquencées tracés par Chris Franke, et ces ambiances de morts oubliés dans les vestiges des ruines contemporaines.
Sylvain Lupari (15/06/13) ***½**
Disponible chez Groove NL
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