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Writer's pictureSylvain Lupari

ROBERT RICH: Tactile Ground (2018) (FR)

Tactile Ground est un bel album où les ambiances collent littéralement à l'esprit de chaque composition

CD 1 Tactile Ground Part 1: Location 57:06

1 The Sentience of Touch 9:02 2 Eroding Columns 7:58 3 Shrouded Lattice 9:20 4 A Skein for Skin 9:12 5 The Abiding Wheel 7:05

6 Language of Breezes 14:30 CD 2 Tactile Ground Part 2: Dislocation 59:31 1 Radiant Groundlines 7:46 2 Haptic Incursions 9:14 3 Glassmaker's Sand 5:02 4 Senescent Architecture 4:30

5 Heat Island Effect 7:19 6 Dominion of Microns 4:06 7 Tentative Unfolding 5:47 8 Elevations 7:02 9 Meridian Respiration 8:46 Soundscape Production SP036 (CD/DDL 116:32) (Deep dark ambient)

Il y a des albums de Robert Rich qui demande un peu plus d'attention. D'attention aux détails comme d'une plus grande ouverture d'esprit, permettant ainsi une meilleure connexion entre le musicien-compositeur et l'auditeur. TACTILE GROUND fait partie de ces albums. Dans la foulée de Lift A Feather to the Flood, ce dernier opus de Robert Rich est coulé dans la tranquillité avec des phases d'ambiances qui flirtent avec une nature mise en musique avec son large portefolio de peintures soniques. Les ambiances sont portées à nos oreilles avec une dextérité inouïe pour des bribes de mélodies fantomatiques qui émiettent leur nostalgie dans de multiples brindilles de solitude. Proposé dans un double-cd format digipack, avec un livret de 16 pages, ou en download Hi-Res de 24Bits, aussi bien qu'en FLAC 16Bits, TACTILE GROUND est un exercice de poésie en musique avec des phases ambiantes et des paysages sonores soigneusement identifiés qui m'ont soutiré de ma lecture (The Outsider de Stephen King) avec un sourire de satisfaction accroché à mon visage puisque mes oreilles trouvaient justification à l'achat de mes derniers haut-parleurs.

Intitulé Tactile Ground Part 1: Location, le CD 1 débute ses 57 minutes avec une pluie, des larmes de violons et une mélodie étendue par un piano nostalgique. Nous ne sommes pas loin de Lift A Feather to the Flood! Sauf qu'ici, la guitare de Markus Reuter est remplacée par des vents de plus en plus rugissants, des orchestrations sombres et des cris d'oiseaux dans un cadre devenu aussi séraphique que cinématographique. Armé des bruits d'une basse-cour, que l'on retrouve aussi dans The Abiding Wheel, The Sentience of Touch dévie vers le soleil inattendu de Eroding Columns et de ses délicats effets de guitare évasive et chignant comme une chouette électronique dans Meddle de Pink Floyd. Des brises organiques, des lignes aux contours métalliques qui flottent et résonnent, une sarbacane indigène et des balbutiements d'une ligne de basse secrète jouent avec les mirages d'intensité de ce titre qui unit les deux pôles entre la pièce d'ouverture et Shrouded Lattice. Le piano est très élégiaque avec ses notes éparpillées dans des bancs de brumes ocrées. Nous atteignons un autre niveau d'intensité avec A Skein for Skin qui nourrit nos oreilles avec des nappes de voix éthérées et un amoncellement de lignes et d'ondes synthétisées aux couleurs abyssales. Une lourde ombre y rôde, ajoutant un léger filet cinématographique à cette musique d'ambiances lugubres. Des effets percussifs s'ajoutent vers la finale. Ils débordent au-delà des frontières de The Abiding Wheel. Une douce flûte caresse ces effets qui poussent avec une tonalité de carillons légèrement secoués par des vents faiblards. Language of Breezes clôture Location avec plus de 14 minutes de brises tièdes ou chaleureuses qui suivent les courbes oblongues d'une musique qui rend toute justice à son titre. Si le premier CD passe assez bien, je ne peux en dire autrement du deuxième qui propose une musique atone et ténébreuse!

D'étranges chants de baleineaux interstellaires ouvrent les ambiances de Tactile Ground Part 2: Dislocation. Un peu comme son titre l'indique, la musique est mise en contexte avec des lignes d'un bleu radiant qui projette ses effets d'écho qui se fondent dans un effet de bourdonnement sourd. Des coussinets de synthé étendent une aura de nébulosité alors que tonnent en arrière-plan des explosions sourdes. Les soupirs mous du synthé et les explosions soufflent une vision très Blade Runner à Radiant Groundlines. Haptic Incursions s'accroche à sa finale, exploitant les mêmes thèmes d'ambiances en ajoutant des effets percussifs sobres et organiques. La musique est plus ténébreuse ici en raison de la teinte des nappes, plus chloroformiques aussi, des synthés. Robert Rich plonge son auditeur dans un univers d'ambiances qui flirte avec une approche plus expérimentale, comme en font foi les effets et certains dialogues organiques qui s'éveillent dans Glassmaker's Sand. Nous dérivons dans les grottes de Senescent Architecture, où les brises hurlent sans jamais atténués les tranquilles effets de percussions shamaniques. Des accords à peine plus translucides s'ébattent sans entrain dans ces corridors naturels qui sont les témoins silencieux des ébats de cétacés prisonniers des banquises souterraines. Heat Island Effect nous entraîne encore plus profondément dans les entrailles de l'obscurité avec des froissements qui font écho à des clapotis, alors que tout semble s'écrouler autour des lugubres ambiances de Robert Rich. Des lignes de synthé plus radieuses semblent percer cet univers cerné d'une vie organique et plasmique. Elles coulent jusqu'aux nappes berçantes de Dominion of Microns, sans pour autant exploiter leur capacité sonique. C'est Tentative Unfolding qui nous sort de la noirceur avec des multilignes de synthé dont les couleurs et saveurs restent de luminosité criarde, imitant des chants de baleines. J'entends les sourdes jouissances d'une guitare face à ce festin de luminescence. Une solide impression, puisque des cloches tintent en ouverture de Elevations qui conserve cependant la vision très repentante de Tactile Ground Part 2: Dislocation. Des tintements, du gente tibétain, qui se poursuivent jusqu'à Meridian Respiration. Un bourdonnement vole peu à peu la place des vents, alors qu'une brise se change en chants de flûte pour méditation. Ces souffles charmeurs résistent à la montée des vents bourdonnants, conduisant TACTILE GROUND vers son linceul sonique.

Je ne sais pas vraiment à quoi pense ces musiciens lorsqu'ils construisent des œuvres du genre de TACTILE GROUND où les ambiances collent littéralement à l'esprit derrière chaque composition. Je suis impressionné par leurs visions qu'ils réussissent à transposer en musique ou en drame sonique. J'ai trouvé que TACTILE GROUND était un album qui se consume difficilement, tant c'est ambiant et que la vie reste collée dans les abysses d'une odyssée sans fond. Mais les purs et durs, les aficionados de Robert Rich jurent que c'est son meilleur. J'ai adoré le CD1 et j'ai trouvé le CD2 difficilement charmeur, mais je n'ai pas arrêté de lire pour autant.

Sylvain Lupari (01/03/19) *****

Available at Robert Rich Bandcamp

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