“Un magnifique album d'une MÉ cinématographique flirtant entre l'univers des Vikings et celui de la romance des soirées arabes”
1 BorkHavn 5:12
2 Morgenfrisk 7:51
3 Nordsøen 8:20
4 Stjernekiggeri 5:49
5 Torden 4:31
6 Gåpåmod 6:17
7 Hjortebøf 10:03
8 Vindmøller 7:19
9 Venskab 5:38
(CD/DDL 61:14)
(Tribal, World Music, EM)
Je concluais ma chronique sur Refuge en Verre en 2011 par; un bel album, très mélodieux et plein de charme qui s'écoute comme pour prendre le temps de vivre. Dix ans plus tard, et autour de la même date, BORK HAVN se sauve avec la palme d'un des plus beaux albums de 2020. Mélodieux et mélancolique avec son plein de rythmes du Moyen-Orient, ce dernier album du duo Ron Boots & Synth.nl est ce genre d'album qu'on a jamais vu venir et où le potentiel de la MÉ est cloué dans une splendide ambiance cinématographique. Bork Havn est une ville du Danemark où les familles Boots et van Osenbruggen passèrent une semaine de vacances à l'été 2012. Les journées étaient consacrées à la famille pour visiter Bork Havn et les alentours, alors que les soirées, certaines plus longues que d'autres, étaient les moments privilégiés où les deux amis discutaient de choses et d'autres qui se reflétaient en séances d'improvisations. Huit années distancent ces soirées et le mastering final qui donne un étonnant album de musique tribale du Moyen-Orient avec des orchestrations et des arrangements à couper le souffle.
Ça démarre avec la pièce-titre de cet album qui est offert en CD manufacturé et en téléchargement sur le site de Groove nl et sur le Groove Bandcamp. Ce qui étonne est la précision des accords d'instruments acoustiques tel que guitares et basses. Ce sont d'ailleurs des accords de six-cordes acoustiques qui révèlent Bork Havn à nos oreilles. Ils sont songeurs et leur vibration est captée par une douce voix synthétisée et de longues complaintes de violons dérivant dans cette petite chambre emménagée en studio à Bork Havn. Hybrides, ces accords sont métissés à ceux d'un piano qui reste bien en retrait de cette scène tonale. Le débit est aussi lent que la lecture amoureuse d'un poème. Les sons! Il faut les découvrir. Comme ici, alors que des grommèlements organiques s'accrochent aux vibrations des accords. Plus nourrie, la musique coule comme une danse lascive lorsque les percussions injectent autant de vitalité que de rythme à ce titre qui privilégie un duel entre la guitare et la voix irréelle d'une princesse Elfique, témoignant ainsi son attrait pour une enveloppe plus acoustique qu'électronique. Cette ossature de Bork Havn restera la pierre angulaire de BORK HAVN l'album. Les titres et l'histoire de la ville Bork Havn semblent liés aux célèbres guerriers vikings, d'où cette emprise acoustique sur ses premiers titres. Morgenfrisk s'amène avec une vision légèrement plus électrique et dans un enrobage de sensualité avec son rythme lourd et lent. La tonalité acoustique resplendit avec ses accords nettement pincés par des doigts sans sensations, alors que les percussions font trembler cette danse païenne avec tellement de lourdeur et d'impact que c'est quasiment impossible qu'aucun batteur ne soit identifié dans l'album. Bien que franc et incisif, le rythme lent de Morgenfrisk voyage sur de superbes arrangements arabiques. Un titre qui a la noblesse de Led Zeppelin dans Kashmir! Avec un peu plus d'entrain calquée sur la finale de Morgenfrisk, Nordsøen offre une structure de hymne à la guerre. La rythmique tsigane est scindée par une approche stationnaire et son contraire avec cette poussée de guerriers sur un champs de bataille, défiant autant la mort que la logique, avec de vifs mouvements en staccatos. Les arrangements orchestraux sont songés dans une vision cinématographique où on imagine aisément une bataille entre vikings. Les percussions fixent solidement ce rythme alors que les synthés de Ron et de Michel van Osenbruggen lancent des solos avec des effets bigarrés attachés à leurs fils mélodieux. Ces 3 premiers titres de BORK HAVN se sont succédé avec une vision d’intensité qui a atteint un petit zénith avec avec Nordsøen.
Stjernekiggeri nous ramène en mode ballade arabique. Le duo y va d'une délicatesse inouïe sur cette ballade guidée par une guitare acoustique et encadrée par des percussions aux brefs roulements séquencés. On se croirait être dans l'univers New Age de Windham Hill. Et ce ne sont pas ces morsures de basses, très belles en passant, parfumées de Patrick O'Hearn qui vont démentir mes derniers propos. Un beau titre dont les harmonies sont scellées dans cette apparence de guitare acoustique romanesque chantant dans son couloir électronique. Le duo choisi de rester dans la poésie et la romance avec Torden, un titre composé sur un piano et dominé par son beau jeu par un soir d'orage. Magnifique! Gåpåmod nous entraîne dans les panoramas tribaux bucoliques des nomades du désert. Une belle flûte fait danser ses oraisons fantômes sur un rythme tissé dans la discrétion électronique, juste pour ne pas faire trop ambiant tout en gardant un bel équilibre avec une intensité latente sur les 6 minutes de Gåpåmod. Les percussions, et les effets percussifs, sous un ciel menaçant deviennent aussi beaux que cette flûte essentielle. Le piège Hjortebøf s'ouvre avec un rideau de voix faisant tinter une fascinante guitare sur un fond de bouteille vide qui s'entrechoquent. Une courte introduction pour présenter l'électronique versus l'acoustique dans un très bon titre où les rythmes n'ont de frontières que l'essence et non la musique, ni ses instruments. La sitar étend le voile d'une mélodie du Moyen-Orient pincée grossièrement sur un lit de bouteilles vides trouées et bien alignées, structurant effets percussifs et de flûtes, et des remparts forgés dans des élans stroboscopiques continus. La ligne de basse structure ces impulsions spasmodiques qui donnent une féroce allure à ce rythme orné de beaux effets percussifs et qui n'existerait pas sans les immenses possibilité de la MÉ. Et pour ceux que ça intéresse, il y a un subtil clin-d'œil à la musique des westerns du tandem Sergio Leone-Ennio Morricone. Un superbe titre où les percussions résonnent autant que les rythmes de la sitar. Un violon pleureur étire ses larmes dans l'ouverture des murmures et fredonnements mortuaires de Vindmøller. Un cognement sourd résonne autour des 2 minutes. Les cliquetis des cymbales se mettent à voltiger, rejointes plus tard par des séquences graves et d'autres plus limpides qui voltigent dans un rock électronica qui se met à courir, après avoir défier les orchestrations, lorsque piqué par une ligne de basse-séquences aux pulsions plus affamées que les élans orchestraux. Ces deux solides titres nous amène vers Venskab, un titre ambiant dominé par un clavier en mode Rick Wright et dont les harmonies nostalgiques muent sur un lit d'arpèges séquencés sautillant comme des lombrics en porcelaine dans un champ électrique.
Un splendide album d'une MÉ cinématographique flirtant entre l'univers Vikings et celui de la romance des soirées Arabes, BORK HAVN est à des milles de distance de Refuge en Verre. C'est un album audacieux, au niveau des arrangements, créatif avec une musique et surtout ses sons inaccoutumés du registre Ron Boots & Synth.nl. Les audacieux, les rêveurs comme les friands de sons et les fans de Berlin School trouveront leurs parts dans cet album qui est sans doute le plus beau au niveau de la MÉ mélodieuse en 2020.
Sylvain Lupari (02/03/21) ****¾*
Disponible chez Groove NL
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