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Writer's pictureSylvain Lupari

FILTER KAFFEE: Filter-Kaffee 101 (2011) (FR)

On goute Filter-Kaffee 101 avec une bonne dose de curiosité pour le goût de l'aventure d'une MÉ déchirée entre ses quelques vieilles racines

Cup 1 9:30

Cup 2 8:46

Cup 3 8:17

Cup 4 6:46

Cup 5 7:33

Cup 6 2:33

Cup 7 10:41

Cup 8 12:05

(CD/DDL 66:15) (Berlin School)

FILTER-KAFFEE 101 a vu la lumière des studios à partir de cafés-rencontres entre Mario Schönwälder et Frank Rothe, alors technicien pour les concerts de Broekhuis, Keller & Schönwälder, en 2007. Autour de ces cafés, les compères discutaient de leur passion pour la musique analogue. De fil en aiguille cette passion se transposait en brèves sessions d'enregistrement éparpillées sur une période de 3ans. En janvier 2011, le duo écoutait leurs démos et s'aperçurent qu'il y avait assez matériel pour faire un bon album de MÉ de style Berlin School. Avec l'aide de Gerd Wienekamp (Rainbow Serpent), qui en a fait le mastering, Schönwälder & Rothe démêlaient ses enregistrements pour les placer dans un ordre où le tout s'enchainerait en une longue suite musicale de près de 70 minutes. Ainsi vint FILTER-KAFFEE 101! C'est pure effusion musicale de style Berlin School où les ambiances errantes embrassent les rythmes minimalistes dans une belle fusion des genres; le rétro et le moderne qui se rencontrent au carrefour de l'analogue et du digital pour le plus grand plaisir des fans de Berlin School.

Cup 1 démarre cette nouvelle aventure de Mario Schönwälder avec une approche nébuleuse où une lente et sinueuse onde d’un synthé flottant étale ses lourdes vocalises brumeuses. Un mouvement séquencé émerge et palpite avec un rythme franc et limpide. Accompagnées d'une discrète ligne de basse aux sobres accords pulsatifs, les séquences sautillent et pilonnent avec insistance un tempo minimaliste qui zigzague dans les ambiances d'un synthé aux solos légèrement flutés. Subtilement des percussions Tablas se substituent à l'approche du séquenceur dont les accords perdent leurs lustres de limpidité en spasmant plus faiblement pour disparaître dans les sinueux solos de synthé qui ondulent parmi des chœurs chthoniens. Nous sommes dans un univers touareg, à la croisée de la série Repelen de Broekhuis, Keller & Schönwälder et de la musique de Rainbow Serpent avec des harmonies plus fluides et un rythme plus nourri grâce aux percussions tribales et des séquences plus effacées mais efficaces. Cup 2 présente une oblongue intro atone où les sombres couches de synthé, qui voyagent en grappes ou en solitaire, s'entremêlent dans une immense immersion morphique emplie caustiques érosions réverbérantes. Contre toute attente, un frénétique mouvement du séquenceur, roulant comme un train fantôme, perce cette dense membrane sclérosée de pulsations houleuses. Des séquences aux sonorités hybrides frappent un mur de réverbérations, faisant surgir des chœurs sombres qui gémissent sous les frappes arythmiques d'un mouvement séquencé égaré et cherchant une direction dans cette immensité tétanisée. Et Cup 3 devient la solution avec ses séquences désordonnées qui gambadent doucement sur un mouvement chaotique, aussi complexe qu'enchanteur, entouré de longs solos ciselés flottant dans une brume électronique emplie de chœurs errants. Poétique et juste assez animé, Cup 3 nous transporte aux frontières paradisiaques avec ce tempo légèrement saccadé qui croise une panoplie de rythmes discrets, sous de suaves ondes Martenot ou d'un Theremin, ajoutant une étrange approche spectrale parmi des solos fantomatiques qui errent au-dessus des séquences disloquées. Ce rythme vivant s'assombrit peu à peu autour des lourdes ondes torsadées dont les vocalises morphiques fusionnent avec de sinueuses réverbérations, nous amenant ainsi à Cup 4 et à ses notes de piano mélancoliques qui s'effacent parmi de lourdes réverbérations pulsatiles.

Malgré ses ondes torsadées qui fourmillent sans cesse, il y a quelque chose de beau qui réside dans l'isolement de Cup 4 où les notes de pianos résonnent avec force, parmi de plus fluettes, façonnant une mélodie pour âmes abandonnées dans les territoires perdus. C'est une étrange douceur qui trouve réconfort auprès d'un hésitant mouvement séquencé qui fait un peu fuir les résonances corrosives, bâtissant peu à peu la structure rythmique de Cup 5 qui éclot d'une fusion de ces éléments pour pulser lourdement sous un ciel emplit de stries métallisées. Cup 5 assoit sa structure rythmique sur une puissante séquence dont les lourdes frappes minimalistes étendent un long cercle pulsatif qui tournoie avec une délicieuse ambiguïté, un peu comme éméché par sa constante course rotative, sous un ciel dardé de langoureuses couches de synthés. Synthés qui abandonnent les solos au profit d'une intense et dense enveloppe de mellotron, échappant ici et là quelques cris de métal tordu. Après ce maelström rythmique sans compromis, le court Cup 6 nous entraîne dans un univers empreint de morosité et d'étrangeté où rugissent les vents de la colère et de la retenue fantomatique. Aussi bref qu'intense, ce Cup 6 est un court voyage au cœur de la folie méditative. Étrange qu'un titre aussi lugubre précède le joyau de FILTER-KAFFEE 101 avec un splendide piano qui défile une très belle ritournelle dans une lourde brume électronique. Une splendide mélodie minimaliste, Cup 7 tournoie délicatement de ses accords dérangés quelque peu par les bouffées d'une autre idée musicale d'un synthé qui jette ses nappes éparses parmi des chœurs sombres et gothiques. Ces éléments médiévaux qui resplendissent de beauté et de morosité, c'est selon nos goûts et nos visions, tout au long de et album qui se termine avec Cup 8. Les accords pulsent et pianotent un mouvement abstrait à l'intérieur d'un cercle imparfait, dessiné par une sinueuse onde aux contours érodés et aux lamentations spectrales. Un titre étrange et très expérimental qui sort un peu du cadre du Berlin School pour embrasser le style Krautrock avec une conclusion plus près des étoiles que les 7 autres tasses de café sirotées tout au long de ce FILTER-KAFFEE 101.

Mario Schönwälder a encore plusieurs cordes à son arc et chaque nouveau projet le démontre clairement; l'homme a encore la passion pour sa musique. Quoique différent, FILTER-KAFFEE 101 se boit avant-tout avec une bonne dose de curiosité pour le goût de l'aventure que procure la découverte de ce liquide aux arômes forts diversifiés. Et c'est la façon d'approcher cet album. Si Schönwälder & Rothe nous servent de belles tasses avec Cup 1, et des superbes en Cup 3, Cup 5 et Cup 7, les autres tasses demandent une plus grande écoute. Mais elles ont de très beaux arômes que le temps déflorera avec toute la beauté qui leurs revient, je dois avouer par contre que Cup 8 peut devenir tiède avant d'en aimer toute sa texture. Bref, Mario ne mettrait pas son nom sur n’importe quel produit, et c'est ce qu’il faut retenir. À la fin, FILTER-KAFFEE 101 est un bel album où les fans de Mario seront comblés et ceux qui cherchent à pénétrer son univers y trouveront certes 5 à 7 très belles portes d'entrée. À recommander pour les fans de Schönwälder, ainsi que pour ceux qui aiment les textures abstraites et progressives ainsi que le Krautrock.

Sylvain Lupari (03/09/11) *****

Disponible chez SynGate

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