“Un très bel album qui a tout pour plaire aux amateurs de Berlin School”
1 Dalton Lift-off 13:02
2 Meadows from the Air 14:45
3 Descent into Chaos 14:20
4 HE727 13:59
5 Epitaph 6:49
(CD/DDL 62:58) (V.F.)
(Berlin School)
Des ondes de grésils et de bourdonnements ouvrent la marche de Dalton Lift-off. Des pads ronflants se déposent. D'autres pads, plus orchestraux, se glissent, apportant contrastes, nuances et modulations à cette lente ouverture atmosphérique où scintillent quelques arpèges flâneurs. Une forme de tremblement sourd secoue discrètement les ambiances après le point des 5 minutes. Les drones réverbérants affichent autant leur puissance sonore au-dessus de ces secousses qui peu à peu s'accolent pour former la base d'un rythme statique. Les séquences se succèdent en filament un brin saccadé. Ils forment des boucles oscillatoires qui roulent de façon continue, reflétant une forme d'écho qui donne une texture spasmodique au rythme. Les structures de rythme dans FLIGHT 433106 sont d'ailleurs conçues dans cette vision de saccades inopinées qui se bousculent en de petits cercles répétitifs pour sautiller et rebondir dans un écho qui flirte avec le phénomène d'un lasso qui ramène irrémédiablement le rythme à sa base partante. Magnétisant, hypnotisant et envoûtant! Ils partent d'un état plus ou moins statique pour progresser vers des phases plus animées et plus en mode rock électronique. Des percussions et des claquements percussifs ajoutent un lustre sauvage et électronica industriel. Le synthé lance des airs gothiques formulées dans ces brumes orchestrales et des pads plus musicaux, alors que le rythme augmente insidieusement sa vélocité et sa cadence. Le clavier libère des arpèges aux tonalités de rock progressif, pensons Pink Floyd. Le rythme devient alors plus incisif. Ses accords séquencés tombent plus sèchement et structurent une approche plus saccadée, plus frénétique. Les synthés débloquent des airs assez près du répertoire de Tangerine Dream. Des pads de brume orchestrale, ainsi que des orchestrations et leurs oblongs élans en forme de staccato élancé, sans oublier la brume gothique, sont des éléments qui accompagnent la progression de Dalton Lift-off. Délicieuse et profondément noire, la basse gronde et module des élans sourds sous ce rythme qui se pare aussi de savoureux éléments percussifs qui claquent dans un écho argenté. Et toujours aussi dominants dans son rôle aux multiples facettes musicales, les synthés dessinent aussi des solos chaleureux avec cet air des années analogues dans leurs répertoires de tonalités.
Enregistré au fameux festival E-Live de novembre 2022, FLIGHT 433106 est inspiré du vol d'un bombardier Anglais qui s’est écrasé avec un équipage Canadien à Wilnis, aux Pays-Bas, durant la seconde guerre mondiale. Hans Van Kroonenburg et Stephan Whitlan ont d'ailleurs visité le monument où se trouve également le moteur de l'avion, qui est représenté sur la pochette de l'album. Conséquemment, la musique, les rythmes et les ambiances sont habilement restitués en musique tout au long des 63 minutes que dure cette première collaboration Skoulaman & Stephan Whitlan. Nous sommes dans les territoires de la musique électronique (MÉ) propulsée par des rythmes séquencés dans un modèle de Berlin School inspiré par le rock électronique Anglais. Et tout ce que vous avez entendu dans Dalton Lift-off se repositionne dans les 4 autres structures de FLIGHT 433106 avec juste assez de nuances, tant dans les rythmes que les ambiances, pour éviter les pièges de la redondance.
Possiblement le titre le plus addictif de cet album, avec le très rock Epitaph, Meadows from the Air est un petit bijou de MÉ qui envahit et hypnose les sens. Son introduction est faite de vrombissements, on dirait le bruit d'un moteur qui est cajolé par les envolées orchestrales des synthés. Le rythme émerge aussi après la 5ième minute. Bondissant avec un effet d'écho cadencé, il résonne et fait trembler les haut-parleurs. Les séquences bondissent d'une oreille à l'autre, prenant tranquillement un envol rythmique plus prononcé à mesure que les secondes fuient le cadran. L'enveloppe musicale qui cerne le rythme est similaire dans chaque structure, mise à part pour Epitaph qui est plus émotive. Le niveau d'intensité varie selon la courbe du rythme pour atteindre des seuils plus poignants. Sur Meadows from the Air, les synthés ont ces airs de trompettes apocalyptiques des années 70 du Dream. Un titre tout simplement magnétisant! Descent into Chaos propose un rythme plus fluide avec beaucoup de brume gothique, des trompettes angéliques, et des tonalités cosmiques qui rappellent les dimensions analogues de Klaus Schulze sur un rythme qui progresse par spasmes séquencés. Un beau mariage des genres! Les ambiances du titre suivent un axe de destruction dans une finale qui respecte cette forme de descente vers le chaos avec une cacophonie sonore qui déverse vers l'ouverture de HE727. Le rythme ici est plus nerveux avec des séquences aux oscillations bondissantes couplées à des effets percussifs aux claquements métalliques. Le duo Skoulaman-Whitlan fait plus dans du rock électronique ici qu'ailleurs dans FLIGHT 433106. Et Epitaph confirme cette vision avec une structure de rythme qui vibrionne et résonne de lourdeur. Un rythme vivant qui se dandine d'une oreille à l'autre et qui sert de base à un clavier qui y sculpte une mélodie aussi vivante que le rythme. Un rythme d'ailleurs qui progresse avec cette vision de secousses spasmodiques et ses effets de percussions qui claquent avec une tonalité industrielle sous des solos de synthé qui sculptent des arabesques acrobatiques sans oublier de nous gratifier les oreilles avec des juteux éléments de trompettes à la fois angéliques et apocalyptiques. Une finale à l'image d'un concert de MÉ endiablée!
S'esquivant sur des structures qui flirtent drôlement avec la similarité, pour ne pas dire du copié-collé, FLIGHT 433106 est un petit bijou que j'ai dévoré sur une distance de 2 semaines. Il y a quelque chose de très addictif derrière les séquenceurs de Skoulaman et de Stephan Whitlan. Les ondes de basse mugissante et grondante, les percussions électroniques et leurs éclats métalliques sont intimement liés à l'envoutement de ces rythmes électroniques qui surfent sur du England comme du Netherlands School. Hormis ces rythmes, on trouve aussi une belle dose d'intensité dans les arrangements et certains solos de synthé qui nous pincent la corde de l'âme. Bref, un très bel album qui a tout pour plaire aux amateurs de Berlin School et de Groove nl qui ne cesse de réaliser des albums qui respectent les attentes des amateurs du genre. Et j'en suis!
Sylvain Lupari (12/09/23) *****
Disponible chez Groove nl
(NB : Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
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