“En fait, et du début à la fin, Encelade est un petit bijou de MÉ qui s'intègre très bien dans le paysage des années 70”
1 Explora 16:27
2 Principia 6:13
3 Enceladus 11:34
4 Pionner 5:19
5 Nyx 7:10
6 Klanglust 12:09
7 Eris 5:52
(DDL 64:45)
(Progressive Berlin School)
Pourtant bien connu dans son Buenos Aires culturel, Sophos m'est connu depuis que je suis le développement du label Cyclical Dreams. D'ailleurs son premier album, qui manque à ma collection, La Arquitectura del Tiempo est le deuxième album du catalogue du label Argentin. Je me souviens avoir aimé découvrir Nueva Vida sur la compilation Dreams #1. Tout ça pour vous dire que Sophos est un jeune vétéran de la MÉ fait en Argentine qui touche à tous les styles, dont la Berlin School. Si c'est moins évident que sur La Arquitectura del Tiempo, dont j'ai entendu quelques extraits sur le site Bandcamp, c'est plus qu'évident dans ce surprenant ENCELADUS. Ce très bel album de Sophos est construit sur d’ingénieux plans rythmiques du séquenceur qui nous rempli les oreilles d’une variété de tonalités bondissantes. Et surtout de synthés analogues et des solos courant entre les frontières des années vintage et celles qui nous sont plus contemporaines.
Pourtant, Explora débute à tâtons! Le synthé chante un, deux, trois, ajoutant parfois un autre numéro, comme en ôtant un dans une structure à la recherche de son guide rythmique. Le dialogue du synthé éveille un séquenceur qui élabore des perles sautillant et dribblant en concordance avec cette ébauche de dialogue de la musique. Les percussions naissent autour des deux minutes, dynamisant un rythme électronique construit entre un langage formel, un langage du séquenceur et finalement un langage électronique qui flirte avec une séductrice tentative de dialogue extra-terrestre. D'autres percussions, plus soutenues comme en mode rock à la Kraftwerk, restructurent Explora dans un vrai rock électronique fait pour soutenir les fantaisies de synthé qui remplissent nos oreilles de bonheur avec de bons solos, recréant cette illusion des années 70. Le débit change! Devenant par moments hyperactif et spasmodique, comme ambiant lorsque le titre plonge dans une phase creuse un peu avant la 6ième minute. Tout devient au ralenti et surtout propice à l'élévation de bons solos aux tonalités analogues. Explora explore par la suite différentes options rythmiques dans un dernier tiers qui favorise un peu le manque d'homogénéité sans pour autant flirter avec l'incohérence. Principia exploite un peu la démarche de Explora au niveau du mouvement de ses basse-séquences. Son rythme est lent et bat en symbiose avec une ligne d'arpèges dont l'arche des scintillements forge une mélodie évasive. Mais la dynamique rythme versus mélodie est son point de charme avec un cortège biphasé qui rencontre son point de rupture 30 secondes après les 2 minutes. Sauvage, le séquenceur émet des lignes qui se suivent sans nécessairement se ressembler, alors que des effets de boucles et d'échos dans les mélodies, les rugissements et les effets de synthé nous amènent dans une phase de féeries électroniques qui respire la liberté dans une vision qui lorgne vers du psychédélisme pur avant que Principia ne refasse marche arrière, entrainant dans son cortège les fruits de quelques excitations fugaces.
La pièce-titre est plus expérimentale avec une lourde ouverture dont la charge des wooshh et des wiishh jette un aura de nébulosité. Le poids des accords graves résonnent dans une écho qui se distille dans un concept où ['ramp], Redshift et Arc travaillent à monter une muraille des ténèbres. Une sourde explosion survient avant la barre des 3 minutes, libérant un Kraken et ses multiples sangsues papillonnant dans un chaos rythmique qui n'a ni repaire ni poignées pour s'agripper. Condamné à errer tout en se dissolvant, Enceladus remonte graduellement à la surface avec un rythme, un hymne de rock électronique nappé de superbes solos dont les rayonnements et les molles arches sonores nous entrainent vers cette finale chtonienne que nous pensions étreindre dès sa 5ième minute. Un titre puissant! On navigue de surprise à une autre avec un autre rock électronique à la ELP, sans Carl Palmer, avec une teinte de Jazz Lounge. Une nappe de basse rampante et vampirique jette son ombre que des frappes de dactylo percussives tentent de faire fuir. Juste ce décor suffit à Pionner pour nous charmer. Imaginez maintenant avec ce synthé fabuleux et ses innombrables solos esthétiques ainsi que ses parfums de saxophoniste bien rangé, bien sobre! Un gros titre qui se jette dans Nyx, un titre plus abstrait avec sa série d'accords et d'éléments percussifs qui vont dans une structure sans formes, devenu le bassin d'un synthé et de ses solos audacieux. Nous arrivons à Klanglust et le mouvement fluide du séquenceur qui ondule harmonieusement dans une zone de turbulences sonores et ses réminiscences des années Johannes Schmoelling de Tangerine Dream. D'ailleurs, Sophos n'aura jamais été si près de TD qu'avec ce très beau titre qui utilise le séquenceur afin de nous faire entendre une panoplie d'ions séquencés et leur rythme délicat et mélodieux. Le bonheur de la MÉ! Surtout lorsque l'histoire d'un album, brillant d'un bout à l'autre, se termine dans les douceurs de Eris, une très belle berceuse morphique à faire rêver sur ses presque 6 minutes.
ENCELADUS est une lune glacée de la planète Saturne. Très intéressante pour ses océans internes, ses geysers et ses molécules organiques détectées, elle fascine Ulises Labaronnie, l'homme derrière Sophos, depuis 2009. Ses visions mises en musique font parties du bonheur de la MÉ! Oui, j'ai écrit ça plus haut dans le texte et c'est donc vrai. Si le début de ENCELADUS peut paraître intimidant, les 61 minutes qui suivent sont plus rassurantes. En fait, et d'un bout à l'autre, ce deuxième album de Sophos sur Cyclical Dreams est une petite perle d'une MÉ qui va tellement bien dans le paysage des années 70 qu'elle nous y amène sans que l'on résiste.
Sylvain Lupari (26/02/21) *****
Disponible au Cyclical Dreams Bandcamp
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