“Immensément beau, c'est un pur joyau musical que je recommande sans hésitations à tous ceux qui aiment la musique”
1 Achtundfünfzig49 59:46
2 Acht39 08:37
3 Alte Kunst (Bonus) 12:48
(DDL 81:12)
(Ambiant)
Il y a de la musique qui est difficile à décrire, tant nos émotions du moment peuvent altérer notre jugement. Comme il y a des petits chefs-d'œuvre qui envoutent et qui, écoute après écoute, continuent de charmer. ACHTUNDSECHSZIG 24 est ce genre de musique. Un splendide album où les transitions d'un rythme fluide se perdent dans des ambiances éthérées et renaissent sous une nouvelle apparence qui est toujours finement reliée à sa matrice minimaliste. Cet album, qui lie la destinée de Wolfram der Spyra à celle de Chris Lang, fait partie de cette liste d'albums de MÉ contemporaine, soit dans les années 90-00, qui ont trouvé leur place dans mon Top 50 à vie. Enregistré en concert à Toskana-Therme (Bad Sulza) en 2001, ACHTUNDSECHZIG 24 bénéficie d'une seconde vie, numérique cette fois-ci, sur la plateforme de téléchargement du label Manikin Records. Remasterisé en 2016, afin de rendre audible ses subtilités, il est proposé avec un titre en prime qui s'insère très bien dans son décor musical.
Une longue ombre synthétisée étend sa nappe grégorienne, ouvrant la porte de ses ambiances à un rythme qui en sort comme à bout de souffle, comme une flamme aspirée par un léger tourbillon. Tissé dans une toile ambiosphérique, ce rythme violemment convulsif perce les parois d'une grotte qui ruisselle légèrement. Et tel un tournis sonore, il coule par brèves saccades, sans séquences, ni percussions. Cette nappe flûtée cherche constamment son oxygène afin de faire rouler ses soubresauts répétitifs sous un ciel sonore rempli de strates cotonnées et de solos aux torsades rêveuses qui sont encore plus omniprésents dans ce remaster. Une première mutation se dessine autour des 9 minutes, alors que des arpèges installent un point de transition avec une approche plus mélodieuse. Les portes de l'illusion s’ouvrent avec ce flot d'accords limpides qui dansent au-dessus des étoiles. Un doux passage envoûtant qui rappellera pour certains l'intro de Klaus Schulze sur Crystal Lake, qu'un doux piano à l'âme solitaire caresse de ses accords égarés. Un superbe moment où les accords du piano se fondent avec le scintillement des accords cristallins, sous les nuées de chauves-souris qui dessinent des ombrages sur un paysage musical enchanteur. Rêveur, ce piano s'isole et se perd dans les brumes d'un synthé aux arpèges toujours aussi transparents qui scintillent en boucle, comme sur un océan trappé dans un étang. Des solos symphoniques et des cordes de violoncelle caressent ce passage qui meurt doucement dans une lourde brume vaporeuse, initiant le 3ième mouvement de cette symphonie onirique qui prend forme vers la 24ième minute avec un rythme souple qui roule telle une vague intemporelle, que la guitare de Chris Lang vient mordre de ses tendres effluves latinos. Entre Mirage et In Blue, le monde de Klaus Schulze imprègne constamment ses influences ici. Les strates de synthé et leurs voix intemporelles coulent avec une telle musicalité que le maillage avec les accords acoustiques devient de la pure magie pour les oreilles. Encore, ces chauves-souris, ces synthés symphoniques, cette brumeuse mystique et toujours cette étrange union entre le féerique et la constellation musicale qui s'épanouie avec une telle grâce que l'on est étonné à chaque tournant que prend Neunundfünfzig 49. Si nous sommes sous le charme de ACHTUNDSECHZIG 24, ce qui suit après la 30ième minute va vous donner des frissons à l'âme.
Sculpté dans un maillage de riffs de guitare et de clavier, le rythme coule moins abruptement. Caressé qu'il est par des nappes de voix séraphiques et ses délicats souffles flûtés, il est toujours transporté par ces arpèges dont le refus de s'éteindre anoblisse la constellation de ce long titre de 60 minutes. Des effets de voix et autres couches d'accords mélodieux cernent ce superbe mouvement où la guitare sérénade aux portes d'un étrange cosmos. Flot d'accords scintillants, souffles flûtés, accords saccadés, chœurs frivoles et synthé aux sonorités aussi harmonieuses que la lourdeur de ses nappes, Neunundfünfzig 49 évolue avec une telle aisance que l'on s'étonne de constater que les 40 premières minutes sont déjà passées. Les dix suivantes passeront aussi vite avec un suave tempo qui prend lentement forme pour onduler et sautiller sous les nappes brumeuses d'un synthé aux ondoiements morphiques. Vers la 50ième minute, de sourdes pulsations reviennent mouler un rythme martelant dans une faune musicale caverneuse, comme pour nous sortir de notre sommeil, où de lourdes strates fusionnent avec une guitare. Ses notes se fanent dans les sonorités d'un piano irréel, un peu comme tout ce qui gravite autour de cette sublimité qu'est Neunundfünfzig 49 se perd et se recrée au fil de sa longue découverte et dont la finalité forgera une nostalgie qui commandera une 2ième, une 3ième écoute. Et ainsi de suite…C'est évident qu'avec une telle pièce de résistance Acht 39 se perd dans l'oubli. Et pourtant il s'agit d'un bon morceau dans un style de free jazz avec son piano électrique dont les accords valsent faussement autour d'un synthé aux errances brumeuses. Un beau titre qui respire l'analogie et le paradoxe Spyra. Soit un mélange de jazz, d'électronique et d'industriel sur un air de rêve et de poésie musicale. Cette seconde vie de d'ACHTUNDSECHZIG 24 propose un titre boni; Alte Kunst. On retrouve ce titre sur son album Dunst, un des gros albums de 2018. Ce qu’on entend ici semble être une première version qui est plus timide et qui va très bien dans cette réédition.
J'écoute encore cet album avec autant de plaisir et d'envoûtement que lors de sa sortie sur CD en Septembre 2003. Et c'est avec les oreilles toutes grandes ouvertes que j'ai avalé cette réédition qui donne plus de punch sonore, et qui surtout permettra à de nombreux fans de Spyra de découvrir cette œuvre discontinuée peu de temps après sa sortie. Comme j'écrivais en 2010; c'est un splendide album dont l'imagination est sa seule frontière. Immensément beau, c'est un pur joyau musical que je recommande sans hésitations à tous ceux qui aiment la musique. Un album qui meuble encore mes heures d'écoutes tardives.
Sylvain Lupari (24/10/19) *****
Available at Manikin Records Bandcamp
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