“Il y a beaucoup de puissances et d'émotions dans cet album où nos oreilles s'égarent facilement pour se retrouver à des lieux tout de même familiers”
1 Sky Bridge 10:12
2 Council of Nine 6:54
3 The Tetrahedron 10:02
4 Celestial 10:18
5 Time Portal 9:30
6 Tristar 7:32
7 Quantum Mechanics 9:44
8 Beyond the Light 10:08
(DDL 73:39)
(Ambient Berlin School, Psychill)
Des tintements tibétains obstruent l'écoute d'une mélodie qui doit traverser un chant de pluie pour parvenir à nos oreilles. Et tout d'un coup, Sky Bridge illumine nos yeux intérieurs avec une palette d'arpèges scintillants qui défilent en dansant comme un ruisseau sauvage jusqu'au 3ième module de ce titre introductif à CELESTIAL de Starterra, une autre belle révélation du label américain. S'appuyant sur une base de percussions, le rythme reste à un niveau ambiant et dansant pour nos neurones. Des effets d'échos s'attachent aux cognements/tintements qui jalonnent ce parcourt rythmique dont la douceur sert la cause à des effets sonores ondulant de réverbérations qui serpentent malicieusement son rythme astral. Un autre changement de peau sonique s'implante un peu avant la 5ième minute. L'alternance vive des séquences lie une ligne de rythme convulsive qui rentre en conflit avec les longs boas réverbérants qui manipulent les ambiances depuis que Sky Bridge atteignait son 3ième niveau. Cette nouvelle masse sonore amplifie sa mainmise de nos oreilles jusqu'à la 8ième minute où les poussières astrales forment un banc de sédiments compacte, échappant toutefois ces lignes stroboscopiques étoilées et les rayonnements de la matière réverbérante. Starterra est le vaisseau musical de Chris Bryant qui fait équipe avec Don C. Tyler dans Ascendant. Son dernier album en solo remonte à 2017 avec Pathways To Ascension sous le pseudonyme de S1gns Of L1fe. On parlait à l'époque de son style Down-tempo ambiant alors que sur CELESTIAL le musicien américain flirte avec du Berlin School et du PsyChill. S'appuyant sur une vision de science-fiction où le Portail du Temps s'ouvre pour qu'un nouveau monde émerge. Un âge se termine et un autre débute. Des modèles fractales de code binaire commencent à se former et le cycle de la régénération est terminé. C'est l'âge d'or parmi les étoiles.
C'est aussi le berceau de la MÉ qui peut laisser parler ses codes mathématiques pour former les rythmes et leurs essences. Le Berlin School est à l'honneur dans cet album, mais dans une forme ambiante. Le rythme est évolutif dans sa puissance, surtout au début avec une armada de pulsations et de séquences, et dans son collectif de séquences avec son mouvement ascendant et sans but de Council of Nine. Le séquenceur propose une structure finement animée par des lignes de rythmes et leurs ions sauteurs qui occupent la portion rythmique et par la suite la portion harmonique avec un bon maillage avec le clavier. Il y a de bons élans qui sont ralentis par des bancs de tonalités disparates, comme ces hordes de chauve-souris cybernétiques qui vont et viennent, et des bancs de brouillard électronique qui le protège d'une armada d'effets sonores aux bruits métalliques. J'entends du bon vieux Klaus Schulze ici et même si le rythme est majoritairement contenu dans sa structure ambiante, il reste attirant pour les neurones. L'enveloppe sonore et les gadgets créant les effets sonores sont des murailles qui mettent notre imagination à l'ouvrage sur cet album. Les nappes de voix et de brumes injectent des ambiances lourdes qui sont difficilement pénétrables, et pourtant les deux lignes de séquenceurs qui tiraillent le ventre des ambiances dans The Tetrahedron ne ralentissent pas la cadence avec des mouvements bidirectionnels axés sur l'art du rythme minimaliste auquel l'ajout d'ornements, notamment les arpèges, laissent nos oreilles pantois. Un gros titre ici qui nous amènes vers le très ambiant et intense Celestial.
L'expression Berlin School ambiant ne pourrait pas être des plus approprié sur Time Portal et ses presque cerceaux alimentés par des arpèges scintillants qui peinent à trouver leur direction dans cet intense muraille d'ambiances. La première partie est intense avec un banc de brouillard vivant à travers les moults effets réverbérants qui ramassent les poussières de tous genres afin d'instituer un centre impossible à franchir. On entend des pulsations tenter de battre, libérant la voie à des arpèges dont les effets miroitant attirent de grosses charges de réverbérations. L'idée de structurer un rythme est abandonné dans un mouvement d'une incroyable densité qui expulse des nappes de wiishh et de wooshh, ramassant ainsi des arpèges vitrioliques qui se laissent bardasser mollement. Tristar répond à Time Portal avec un intense rythme qui trépigne comme une tribu sur un pied de guerre. Nous sommes dans les territoires de Steve Roach ici, période Skeleton, avec un violent rythme lunaire qui a besoin de sa phase de repos, peu importe sa durée (qui est très courte ici), avant de repartir de plus belle dans sa vision tribale cosmique qui réduit toute forme de cérumen à l'état de poudre. Des larmes de synthé gémissent comme des Ondes Martenot en ouverture de Quantum Mechanics. Dès cet instant, un splendide rythme ascensionnel occupe l'endroit avec des séquences montantes sous des rayons de synthé gémissant comme une lame de Katana découpant le tarmac. Le clavier injecte alors une surprenante phase harmonique qui semble établir le contact avec les rodéos rythmiques du séquenceur. Et alors qu'une bouche géante, et sa faim, se forge autour des effets sonores du synthé, on dirait des méga souffles sur un didgeridoo sans appétit, Quantum Mechanics dépose ses derniers arguments rythmiques qui animent une finale dominée par le séquenceur. Beyond the Light termine CELESTIAL avec une poussée de mugissements qui graduellement deviennent des vents de campagnes poussés par des nappes de wooshh et de waashh et les poussières des notes égarées qu'ils ramassent. Le séquenceur tente une percée rythmique un peu avant la 3ième minute. Tentant une escalade à la Berlin School, il tourne assez rapidement en boules de rythmes ramassées par les vents alors que la tempête horizontale des vents replace Beyond the Light dans un monument d'ambiances ténébreuses avec un dernier soupçon de vie.
C'est très difficile d'expliquer mon engouement vis-à-vis ce CELESTIAL de Starterra. C'est un album intense où le Berlin School vit à travers une nouvelle vision qui est attachée à du psychill cinématographique. Il y a beaucoup de puissances et d'émotions dans cet album où nos oreilles s'égarent facilement pour se retrouver à des lieux tout de même familiers. Chaque écoute apporte son lot de nouveaux trucs qui nous ont échappé dans les écoutes précédentes. C'est le signe d'un grand album et c'est sans doute le plus bel album du catalogue Synphaera que j'ai entendu à date.
Sylvain Lupari (04/11/20) ****½*
Disponible chez Exosphere Bandcamp
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