“As it is est le miroir de A Soul Ascends, avec une belle touche de tribal ambiant”
1 What Falls Away 11:16
2 Threshold Meditation 13:07
3 Unreachable 17:24
4 Equanimity 11:56
5 Tears for Time 14:11
6 Emerging 13:25
(CD/DDL 81:21)
(Ambient Music)
Steve Roach revient à peine de son SoundQuest Fest 2021 qu'il dépose dans ma boite à courriels un tout nouvel album qui fait un gros bond dans le temps, en arrière. AS IT IS respire les ambiances parfumées de légers rythmes tribaux des années où il était nomade en Australie comme dans les déserts américains. De très beaux albums sont sortis de cette période. Bien que près de 40 ans séparent ces époques, la musique vie toujours comme une fleur tonale dans ces territoires. Ce sont ces fleurs que Steve a choisi comme philtre d'une musique qui s'est figée dans le temps. Empruntant des sortilèges entendus dans A Soul Ascends, AS IT IS n'est ni plus ni moins une réflexion de nous découvrant les nouvelles terres musicales de Steve Roach autour de 88 et 89…
Une oblongue ligne de réverbérations serpentent des éléments autant célestes que cosmiques et même océanographiques dans l'intrigante ouverture de What Falls Away. Balayant une terre aride de ces réverbérations dont des ondes éoliennes s'en sont échappées, cette introduction à ce nouvel album de Steve Roach ressemble à ses voyages en Australie ou à ses profondes relations avec la terre de ses ancêtres dans la période Dreamtime Return à Desert Solitaire. La teneur des vents va de chantants à résonnants avec des brises organiques, un peu comme les derniers souffles emprisonnés dans un didgeridoo. C'est calme et toujours mystérieux. Comme l'introduction de Threshold Meditation et son mélange de vents, de souffles emprisonnés ici dans les vuvuzelas abandonnés, d'ondes astrales et de lignes de synthé aux parfums prismatiques. Une belle texture d'ambiances organiques avec des percussions tambourinées lentement, de façon à y greffer de la poésie dans un titre où de surréalistes éléments externes, comme ces souffles de bateau il y a un temps sur le Mississipi soufflaient, se partagent son lent passage dont le débit des percussions conviendrait à une trance spirituelle collective. La forme est floue avec une vision spectrale qui s'étiole en même temps que le rythme. Nous restons dans le domaine des ombres pensives et flottantes avec Unreachable. Les nappes de synthé s'envolant comme un aigle sans corps ni pattes dérivent dans une nuit de couleur ocre. Des notes de piano pensives et drainées de mélodies, de même que d'autres accords indéfinis, sont éparpillés dans une zone d'ambiances sans vitalité. Des lignes de synthé se meuvent comme de longs serpents endormis qui se pilent dessus ou se lovent dans une caverne où les rayons viennent de l'échos de tintements perdus dans une zone inatteignable de Unreachable.
Même dans un profond état léthargique, les 4 premières minutes de Equanimity cachent de belles lignes de synthé remplies d'une émotion sentie à fleur de peau. Le titre atteint par la suite une phase de rythme ambiant mou munie de belles percussions tribales tambourinées un peu comme dans What Falls Away. Le synthé et l'ombre de ses ondes sont comme ces ailes décrivant de grandes arabesques avec de touchantes pointes d'émotivité qui ont viré les poils de mes frissons à l'envers. On voit mes racines maintenant. Quel sublime titre où il n'y a aucune seconde de perdue! Tears for Time est conçu autour de nappes de synthé accumulant les surnombres afin de tisser une texture ambiante opaque qui donne cette impression de constamment dériver. Entre ces nappes se cache des filaments qui ressortent avec une teinte gémissante plus accentuée. Mais c'est à peu près tout. C'est un long titre ambiant endormitoire. Avec Equanimity, Emerging forment la paire de perles musicales de AS IT IS. Son mouvement est soufflé par en dessous afin de créer une parfaite ambiance papale dans une cathédrale illuminée des milles feux des anges devenus astres. Les oreilles, comme ma salle d'écoute, envahies par ces masses qui se fondent ensemble, créant des remous d'où sortent des notes d'instrument à cordes, pour se recréer à partir d'une simple dérivation. Piano ou harpe, ces notes tantôt fanées et tantôt radieuses dansent au travers des dunes de brouillard qui forment des boules de rêves n'attendant que mes yeux clos pour s'y injecter. Mais il y a des moments plus intenses qui me ramènent à des souvenirs musicaux d'autres nuits où mes yeux refusaient de dormir. Ces moments partis avec une finale toute de brises pendues dans le vide m'amènent à cette éternelle réflexion; combien de vie possède Steve Roach?
Après une très bonne année 2020 et la frénésie entourant ses spectacles virtuels, mon ami Steve embrasse 2021 avec autant de créativité que l’année dernière. AS IT IS est le miroir de A Soul Ascends, avec un beau zeste de tribal ambiant, qui est peu exploité parmi les 81 minutes de AS IT IS. En fait, l'album est plus concentré sur son style divinatoire afin de bien fixer notre âme au royaume de nos émotions à travers les siennes. C'est de la belle musique méditative, comme Steve nous a si bien habitué au fil des âges. Mais réellement, combien de vie possède-t-il?
Sylvain Lupari (05/04/21) *****
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