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Writer's pictureSylvain Lupari

STEVE ROACH: Empetus (1986-2008) (FR)

Updated: Mar 5, 2021

“Totalement explosif, même avec de jolis motifs mélodiques, Empetus est une véritable leçon sur l'art du séquencing et de la construction de rythmes infernaux”

CD1 44:51 1 Arrival 4:20 2 Seeking 5:34 3 Conquest 6:07 4 Empowerment 3:52 5 Twilight Heat 3:15 6 Merge 6:23 7 Urge 6:23 8 Distance Is Near 2:40 9 The Memory 5:51 CD2 (The Early Years) 69:00 10 Harmonia Mundi 45:00 11 Release 24:00 Projekt 218 (2 CD 113:51) (VF)

(Sequencer-based EM)

Voici un album parmi les plus puissants et le plus percutants que j'ai entendu dans les sphères de la MÉ. À l'époque en tout cas, c'était le plus puissant. EMPETUS est un chef d'œuvre de séquences et de rythmes séquencés. C'est du rythme à tour d'horizon, mis à part pour le très silencieux The Memory où l'on sent les prémices de Structures From Silence, avec une utilisation massive de rythmes séquencés endiablées. Des rythmes fougueux, parfois harmoniques (Seeking), avec des nappes de synthé souvent très éthérées. En gros c’est un voyage au cœur des bêtes analogues où Steve Roach a passé des heures à travailler des mouvements de rythmes et de séquences qui transcendent les univers assez teutoniques du mouvement allemand. Chaque titre propose une enveloppe rythmique unique, à quelques variances près, où campent de belles ballades électroniques nouées dans des nuances harmoniques qui s'imbriquent dans des canevas rythmiques finement interconnectés. Tel est l'unique façon de décrire ce joyau de MÉ où l'analogue est prince et le séquenceur roi. Steve Roach a récupéré les droits sur cette œuvre plus de 20 plus tard et propose donc un coffret de 2 CD avec deux longs titres, dont un hyper syncopé, qui démontre à quel point Steve Roach peut aisément se comparer aux monarques de la MÉ contemporaine.

Après un bref moment ambiosphérique, Arrival déploie son chapelet de séquences dont les doubles se succèdent dans une forme rythmique endiablée. D'entrée de jeu, Roach instaure une catégorie de rythme rarement égalé avec des ions furieux qui palpitent comme le cœur d'un sprinter à bout de souffle et sur stéroïdes électronique avec une charge rythmique cajolée par des nappes de synthé aux parfums de métal éthéré. C'est un tourbillon de séquences avec ces fameux pas de deux qui trébuchaient sur Poland de Tangerine Dream. Sauf qu'ici, ils courent à perdre haleine avec un débit nettement plus accentué. Si le tempo est minimalisme, les couches de synthé qui s'entrecroisent tissent une mosaïque planante que des percussions assomment de claquements gutturaux et plonge Arrival dans une tornade rythmique où chaque frappe multiplie son écho par 2 et où la dernière résonne jusqu'à sa finale morphique. Seuls les intros et les finales se nourrissent d'ambiances, et il fallait bien que Steve Roach réveille son monde après le merveilleux, mais combien doux, Structures From Silence.

Produit par Michael Stearns, EMPETUS est un album sauvage où les séquences mordent et tourbillonnent comme dans Seeking et son rythme plus léger construit sur des papillons qui voltigent dans une plaine aride. Conquest est farouche avec un séquenceur rude et des percussions qui martèlent avec force. Le synthé fond ambiances et harmonies à cette férocité séquencée avec de belles nappes flottantes qui regorgent de voix éthérées. Une nuée de chœurs sur des accords frivoles et nerveux ouvrent Empowerment. Le tempo est statique avec des séquences qui s'animent frénétiquement sur des nappes de synthé flottantes. Ce mouvement exploite les deux antipodes, j'entends du Jean Michel Jarre, et ça agace l'ouïe tellement nous sommes en attente d'explosions endiablées. Mais ce genre de coït rythmique inachevé possède ses indéniables charmes. Twilight Heat se démarque avec sa délicate et morphique approche mélodieuse. Le mouvement de séquences agite une ligne qui va et vient et tourne en rond dans les caresses d'un synthé toujours près des territoires ambiants de Steve Roach.

C'est un titre très mélodieux qui aurait pu se retrouver sur Now & Traveller tout comme Merge et son mouvement carillonné qui danse et danse et où la même frappe se répercute en un long serpentin minimalisme entrecoupé de siffles et de chœurs qui semblent en manque d'oxygène. Le son est vraiment vintage mais ça demeure encore très bon. Nous sommes dans une phase où les séquences revêtent des airs aussi angéliques qu'harmoniques. Urge apporte une séquence à la Merge dans un rythme du genre ascensionnel qui grimpe et grimpe avec un très bon jeu de percussions qui étonne, autant pour l'effet que l'idée, et dont les frappes résonnent comme des pas lourds. Courte mais dévastatrice, la séquence de Distance is Near ramasse tout ce qui traîne (percussions, carillons, strates et chœurs) pour offrir un tourbillon d'une violence que Roach n'avait pas encore atteint sur EMPETUS. Un morceau démentiel. The Memory nous transporte ailleurs et avec douceur. C'est un titre ambiant qui flotte de ses belles nappes éthérées avec de fines et subtiles modulations ambiantes. Un prélude à Quiet Music, édité quelques mois plus tard. Cette nouvelle édition du label Projekt vient avec un deuxième CD qui contient deux très longs titres dont le furieux et très hypnotique Harmonia Mundi où l'on jurerait que notre esprit suit les cercles d'un immense kaléidoscope aux tracés enflammés. Le rythme, si l'on peut dire ainsi, reste statique et linéaire tout au long de ses 45 minutes.

Avec de fines modulations dans ses oscillations, il est comme un gros serpent courant après une proie dans des montagnes escarpées. Des nappes de synthé délicates refusent toutes les approches harmoniques, et ce même si parfois ils tissent des murmures tribaux ou des chants de flûtes essoufflés. Les touches du séquenceur sautent avec violence, entraînant parfois leurs ombres dans un tumulte statique qui est par endroits fouetté par des coups de percussions assez bien éparpillés. Ces 45 minutes d'un rythme syncopé passent assez vite, oui oui. Car si Steve Roach a le don de bien doser ses subtiles modulations, il a aussi cette unique façon de jeter ici et là de fascinantes décorations tonales qui adoucissent la pire de ses intempéries rythmiques. À date, je n'ai jamais entendu un rythme électronique aussi violent que celui de Harmonia Mundi. Après cette violent tempête d'ions sauteurs, Release calme un peu ces ambiances sauvages avec un délicat rythme qui cahote harmonieusement dans une structure aussi harmonique que rythmique. Une ligne de séquences basses pulse laconiquement alors qu'une autre fait papillonner ses ions fureteurs et une autre fait vagabonder des ions qui éclatent de leurs scintillantes harmonies dans les vents de délicieux solos de synthé. Nous sommes dans des territoires de la Berlin School alors que tout doucement Release adopte les courbes démentielles des rythmes séquencés indomptables de EMPETUS. J'entends Klaus Schulze dans sa période Picture Music.

EMPETUS est une leçon sur les séquenceurs et les rythmes infernaux. Steve Roach multiplie ici la preuve par 10 que sa musique ne repose pas uniquement sur des projets ambiants. Il peut également créer des rythmes déchaînés au cours de sa carrière, réalisée principalement à partir de paysages sonores ambiants ou tribaux. Hormis quelques passages calmes, il me semble nécessaire de donner un peu de répit à mes oreilles et à vos oreilles, EMPETUS dissèque l'art des rythmes séquencés dans ses cycles les plus fous. Les séquences dansent sauvagement ici, assez violemment à un moment donné ou en solo comme en groupes. Furieuses d'être si nombreuses, d'où les tempêtes rythmiques qui dominent ces belles mélodies uniques au monde de Steve Roach. Remarquable, recommandable et nécessaire!

Sylvain Lupari (06/04/2007) *****

Disponible au Projekt Records Bandcamp

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