“Journey of One est intense, bouillant et fascinant”
1 Journey of One (Part One) 47:32
2 Journey of One (Part Two) 50:59
(2CD/DDL 98:31)
(Tribal Ambient)
Faut pas se le cacher, Steve Roach est un personnage aussi important que Klaus Schulze et Edgar Froese dans l'univers de la MÉ ambiante et progressive. Au fil des années, le synthésiste Californien a enfilé de véritables petits chefs d'œuvre de musique autant ambiante que tribale et séquencée. JOURNEY OF ONE retrace un peu ces genres lors d'une prestation donnée à Sacramento le 8 Novembre 1996. Alors au sommet dans son inquisition dans l'étrange univers musical tribal- ambiant, il présentait seul sur scène un étonnant concert où l'homme-orchestre de la MÉ méditative et clanique sautait d'un instrument à un autre, offrant une performance aussi hallucinante qu'envoûtante.
Une turbulence éolienne envoie des vents sombres qui tourbillonnent en ouverture de JOURNEY OF ONE. Des stries d'un synthé fantomatique enrobent ce tintamarre de Éole, poussant des murmures lointains à susurrer à l'orée de tam-tams claniques. Steve Roach tisse sa toile rythmique avec de puissantes percussions ethniques qui sonnent une alerte sous un ciel noirci de stries ululantes et de lamentations spectrales aborigènes. Ce mouvement spasmodique qui initie l'intro de Journey of One (Part One) devient plus sensuel et plus envoûtant avec des percussions plus lentes qui tambourinent paresseusement, initiant les souffles rauques du Didgeridoo. Nous sommes vers les 7 minutes et déjà nous flottons dans ses univers tribaux et paranormaux. Le rythme passe de lascif à nerveux, mais reste toujours assis sur ces superbes percussions claniques. Si les 14 premières minutes offrent un rythme soutenu, le titre embrasse une étrange phase atmosphérique. Le synthésiste Californien y tisse un univers glauque et épeurant avec des chuchotements paranormaux qui circulent dans des corridors aériens nourris par de sombres couches d'un synthé morphique. Nous sommes au segment 4 de Journey of One (Part One) et le rythme est devenu absent. Il y règne une ambiance surnaturelle avec des vents et des souffles d'Ocarina qui flottent au-dessus des sonnettes des speed pot shakers et des carillons. Nous sommes au cœur des terres de désolation, là où seuls les morts chuchotent à la nuit et que les vents retournent leurs incantations. Les tam-tams se réveillent et tonnent un peu après le 6ième segment, éveillant cette terre désertique pour un beau 5 minutes avant que le rythme disparaissent dans les vents, remuant ici et là quelques cendres alors que les spectres irisés et les voix d'outre-tombe ululent et ragent dans un point de non-retour.
Journey of One (Part Two) est brodé dans le même canevas musical que Journey of One (Part One). L'intro offre une brève introduction rythmique plus enjouée avec des riffs de claviers qui tournent en boucles sous de vives percussions ethniques. Ce rythme s'estompe un peu après la 3ième minute, laissant la place aux envoûtantes incantations du Didgeridoo. Et l'univers clanique et désertique de Steve Roach se profile. Le 3ième segment nous amène dans une ambiance sombre et ensorcelante avec des tam-tams lascifs qui supportent des incantations chamanes. Ces prières sombres et mystérieuses sont bercées par des couches de synthé morphique, de délicieux hochets de sorciers et les cocons de papillons carillonnés. Le segment 4 offre une approche rythmique de transe spirituelle. Le rythme est sec et nerveux. Steve Roach tambourine un rythme lourd qui s'agite sous de précieuses couches d'un synthé bourré de vents chauds. Des vents qui portent les sons des carillons vers une partie plus méditative avec des pulsations glauques qui pulsent lourdement, rappelant l'univers ambiant de Suspended Memories. La 7ième partie de Journey of One (Part Two) est la pièce charnière de JOURNEY OF ONE. C'est un long segment de plus de 15 minutes où les percussions tracent un rythme lourd et dense. Un rythme hypnotique que des couches de synthé multi lignées enrobent d'une savoureuse aura magique. Ce rythme frénétique s'amenuise peu à peu, nous conduisant vers un passage plus fantomatique où esprits du désert hurlent avec les vents de synthé, éveillant les souffles rauques du Didgeridoo. Les percussions y sont superbes et l'ambiance est étonnante. Si on a la chance, il faut écouter à haut volume ou avec un casque d’écoute. Fumant! La dernière partie est plus éthérée et aussi plus musicale. C'est un beau passage ambiant. Un peu comme le calme après la tempête, on se laisse bercer par les doux rayons flottants des synthés qui nous amèneront inévitablement au repaire de synthésiste Californien.
C'est évident que Steve Roach produit des CD à la tonne. L'homme est prolifique et ses œuvres se multiplient. Sauf que l'homme des déserts Californiens a le talent et les émotions de ses idéologies, donnant ainsi à ses œuvres une ensorcelante profondeur que peu de synthésistes, ou musiciens ou compositeurs, sont capable d'apporter à nos oreilles. Et JOURNEY OF ONE n'est pas différent. C'est intense, bouillant et envoûtant. Ça rentre dans nos oreilles pour disparaître dans nos souvenirs avec un pincement dans le fond de nos tympans. C'est un superbe album méditatif qui étonne à chacun de ses sillons, tout comme l'ensemble des œuvres du seigneur des Terres aborigènes.
Sylvain Lupari (16/12/11) *****
Disponible chez Projekt Records Bandcamp
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