“Un album difficile à apprivoiser mais qui mérite que nous lui donnions la chance”
1 Hadean Eon (Earth’s Formation) 4:56
2 Archean Eon (Life Beginning and Photosynthesis) 6:39
3 Proterozoic Eon (Oxygen Crisis and First Snowball Earth) 11:32
4 Paleozoic Era (Transformation - Animals and Plants Emanate onto Land) 7:05
5 Mesozoic Era (First Mammals and Birds) 6:50
6 Cenozoic Era (Climate changes; Homo Habilis and Evolution) 7:48
7 Anthropocene (Humans Impact Earth’s Geology and Ecosystems) 5:56
8 Precambrian (Earth's Geologic Time Scale Impact) 11:42
(CD/DDL 62:29) (Tribal ambient music)
Et si tout commençait par la fin? Hadean Eon démarre ce dernier voyage du musicien multi-instrumentiste Norvégien par des vagues de wooshh et de waashh bourdonnants qui se faufilent dans une grotte ou un corridor cosmique afin de suivre les champs souterrains avec des ombres chantant comme des ectoplasmes. Par moments, on dirait des chants de baleineaux interstellaires venus déposer une forme de vie sur notre planète. Alors qu'en d'autres moments on dirait le néant en train de courtiser un endroit où déposer son baluchon. Mais quoi qu'il en soit, c'est le début de PRECAMBRIAN un 4ième opus de Sverre Knut Johansen sur Spotted Peccary. Et c'est un autre petit tour-de-force du label qui accepte d'aller encore plus loin que les œuvres du même genre de Shane Norris avec soit Mystified ou Frore. Mais cette fois-ci, le résultat est très différent. Plus concret je me permettrais. Parce que Sverre Knut a confié les guides de sa vision et sa musique à Robert Rich. Déjà que la vision du musicien Scandinave est très mélodieuse et inspirée par le barde Norvégien Erik Wollo. Maintenant, imaginé ceci couplé à la vision très terrestre de Robert Rich! Donc, nous avons ici une fusion électronique et organique qui donne des pointes d'émotion très hautes et épicées d'une complexe richesse sonore sans pareille. En tout premier lieu on doit comprendre que PRECAMBRIAN est un album qui commande un rendez-vous. Un album qui ne se dompte pas à la première écoute, ni à la deuxième en passant! Un rendez-vous musical que vous vous fixez afin de bien saisir toute la dimension sonore, excellente je dois souligner, de cet album qui se veut une trame musicale sur la création, sur l'évolution de l'ère précambrienne. Le début de notre Terre. Un ambitieux projet musical dont les nuances et les subtilités dans les aspects sonores relèvent d'un pur trait de génie.
L'eau est un élément sonore clé dans cet album. Porteuse de vie, elle prendra différentes formes soniques qui feront travailler notre imagination. Du magma qui surchauffe ou un lac mort de feu qui fait crépiter ses clapotis, Archean Eon fait hurler des strates de synthé et de guitares e-bow dont les parfums sonores appartiennent à Erik Wollo. Un rythme gras et furtif, comme le chant d'un crapaud géant qui va et vient en tournant comme une boussole sans aiguille, anime ce ballet d'évaporations d'huile cuivrée et d'hululements de cette symbiose synthé (Sverre Knut Johansen) et guitare flottante (Robert Rich). La structure de rythme ici nous plonge littéralement dans une zone batracienne avec sa vision tribale et précambrienne exceptionnellement bien songé. L'essence organique, de même que ce constant duel entre le décor cosmique et planétaire, seront des éléments de séduction et de fascination tout au long de PRECAMBRIAN. L'introduction de Proterozoic Eon est comme un éveil à la vie! Des pépiements d'oiseaux chantent sous une onde de soleil dont les rayons sont personnifiés par un zéphyr soufflant de loin et cette fascinante combinaison synthé et guitare-steel. Des percussions se mettent à danser avec cette bizarre de tonalité organique, un peu comme si des cordes vocales étaient fixées sous les peaux tendus des tam-tams aborigènes, sous ces strates qui deviennent de plus en plus poignantes. Le mélange des brises et des mélodies vampiriques du synthétiseur aux strates écarlates de la six-cordes électrique donne un alliage de chants perçants qui siffle au-dessus de ces éléments rythmiques qui sont parfois disparates et disparaissent aussi assez rapidement, laissant la vie s'exprimer au travers ces chants spectraux qui recouvrent une évolution climatique d'un décor surréaliste. Proterozoic Eon recherche donc un endroit où les vents azurés rencontrent un phénomène de pluie avant qu'une forme de rythme clanique émerge dans son dernier tournant, proposant même une structure Berliner improbable. C'est trop d'excitation pour les ambiances de PRECAMBRIAN, et c'est pour cette raison que Paleozoic Era tempère un peu le climat avec une douce berceuse jouée sur un piano dans un décor d'univers en fusion, en formation avec ses larves de feu et sa matière carbonique. Des percussions égarées, beaucoup de cliquetis et de pépiements de bébé oiseaux admirent cette douce berceuse pour piano perdu dans les régions les plus profondes de l'Amazonie.
De la pluie, des chutes d'eau, des tonnerres, des explosions volcaniques, des chants d'oiseaux paradisiaques et des strates de synthé/guitare sont les principales constellations soniques de PRECAMBRIAN. Ils nourrissent aussi le lent déplacement de Mesozoic Era qui atteint une zone de sérénité où les tons peuvent être autant préhistorique que contemporain et où les vents chauds étouffent les vagues d'un océan qui prend ses repas sur une banquise où dans un décor en continuel changement. La tonalité des harmonies est toujours bien aiguë et les 7 minutes de Mesozoic Era sont sujets à un grand nombre d'évolution du décor, notamment des arrangements, et des éléments de rythme pour arriver à s'identifier clairement à la direction de la musique. Cenozoic Era nous réconcilie de ce manque d'homogénéité passagère avec un superbe rythme lent, toujours stimulé par des pulsations organiques, et des harmonies qui font une excellente transition avec une vision orchestrale et finalement un beau piano médusant. Selon moi, il s'agit des meilleurs moments sur cet album de Sverre Knut Johansen avec Anthropocene, un titre qui épouse très bien les ambiances de Cenozoic Era et Precambrian. Cette longue pièce-titre conclut cet album avec panache. En fait, c'est comme un condensé musical de tout l'album en 12 minutes. Les strates aigus donneuses de frissons et ces rythmes qui vont et viennent avec des démarches bizarres mais tellement efficaces sont les principaux ingrédients. Le tandem Johansen/Rich ajoute des nappes de voix et de bonnes orchestrations qui encerclent une mélodie sclérosée mais qui fait son chemin dans nos tympans. Le piano ajoute sa touche de mélancolie sur cette structure dont le rythme reste le plus constant dans tout l'ensemble de PRECAMBRIAN. Évidemment, la faune sonore reste très représentative de ce que l'on imagine de ces années de la préhistoire. C'est en plein ce genre de titre assez puissant qui ne rend perplexe et qui nous fait dire; coudonc, on as-tu manqué quelque chose? Et on revient à Hadean Eon pour redémarrer l'aventure. C'est ainsi que j'ai apprivoisé ces textures pas toujours faciles qui sont l'apanage de ces travaux complexes et qui sont souvent signataires de petit chef-d'œuvre.
Sylvain Lupari 27/06/19 ****½*
Disponible sur Spotted Peccary
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