“Voilà un bon mélange de MÉ progressive et expérimentale qui tire sa source aussi loin que dans les sombres territoires de Phaedra”
1 Infinity 14:28
2 Nightwalks 11:10
3 The Ring of Power 8:55
4 Interferenz 9:18
5 Circles of Life 13:47
6 Best of Both Worlds 7:56
(CD-r 65:45)
(Sequencer-based Prog EM, Berlin School)
Des brises irisées dévient dans le cosmos, permutant leurs tonalités pour des souffles plus obscurs. Infinity embrasse notre ouïe avec une sombre approche cosmique où traînent des tonalités analogues et ondoient des lignes de synthé mielleuses alors que le rythme prend racine auprès de stoïques pulsations incertaines. C'est une faible arythmie qui cherche son pouls à travers une nuée de brises au goût de métal pleureur. Ces vents galiléens flottent dans une ambiance glauque avec des chœurs chthoniens qui fredonnent dans le sillon des pépiements électroniques et des fracas de cymbales. Nous pénétrons, les oreilles jamais assez grande pour gober toute cette information sonique, dans l'enveloppant univers de Syndromeda. Alors que les pulsations s'éteignent, une ligne de séquences fait gigoter ses ions qui sautillent avec frénésie sous l'égide de chœurs devenus séraphiques. Après plus de 6 minutes d'incertitude, le rythme de Infinity décolle avec l'ajout d'une autre ligne de séquences. Le duel rythmique s'amorce avec deux lignes de séquences qui inter changent le poids de leurs pulsations, traçant un duel rythme aux frénétiques oscillations entrecroisées. C'est une nuée de ruades symétriques qui fait rage dans des nuages de voix éthérées à laquelle se greffe une ligne plus harmonique qui fait monter et descendre ses ions dans un envoûtant pattern mélodique où tous les attributs d'une MÉ cosmique persiste, même avec les solos de synthé acérés qui arrosent une finale qui se vide peu à peu de ses séquences et de son rythme.
Ah…l'univers très particulier de Syndromeda! Le synthésiste Belge tisse un canevas sonique cosmique intense où errent des lignes de voix aux chants contraires et des brises de synthé aux luminosités contrastantes sur des lignes de séquences aux mouvements sombres mais aux permutations tranchantes. Le tout est, évidemment, copieusement peinturé de solos de synthés aux formes aussi variées que leurs tonalités qui parfois peuvent être très acérées mais somme toute qui sont assez musicaux. C'est un genre de Berlin School sombre mais abrogé d'une approche nettement plus expérimentale. En fait, c'est un style unique où on peut percevoir du bout de l'oreille une influence de Tangerine Dream des années Rubycon et Phaedra. Et c'est exactement au chœur de cette période que niche son superbe CIRCLES OF LIFE; un album aussi intense que sombre, où les rythmes respirent de leurs permutations dans des enveloppes harmoniques aussi attrayantes qu'indomptables que le label SynGate sort de l'oubli pour le plus grand bien de la MÉ et pour ceux qui, comme moi, n'ont jamais eu connaissance du train Syndromeda avant son colossal Creatures from the Inner en 2003.
Après une intro truffé de gargouillis organiques, Nightwalks étend son voile méphistophélique avec un canevas musical où les étoiles électroniques survolent des planètes en combustion. Le délire sonique de Danny Budts n'a de frontières que celles qu'il s’impose afin d'éviter les pièges de l'ennui des formes musicales abstraites. Et il sait très bien comment récupérer l'auditeur qui s'étonne de tous ces toiles filandreuses qui pendent du cosmos et qui tournicotent dans une fusion de voix et de vents avec une ligne de séquences résonnante qui dandine ses ions et dont chaque touche laisse miroiter l'écho d'une autre séquence. Et c'est la multiplication des séquences qui pourtant ne forment que la base d'un rythme linéaire et dont une seule ligne adjacente recouvre Nightwalks d'une délicate approche harmonique. L'enveloppe sonique reste riche et le rythme évolue en catimini avec une ribambelle de séquences aux tonalités détonantes qui sautille tout en libérant des touches contigües. The Ring of Power offre une approche plus directe. Pas de flafla! Juste une ligne de séquences dont les sautillements suivent une croissance, tant au niveau de la lourdeur que du nombre, dans les vapeurs d'un synthé dont les chants flûtés rappellent Edgar Froese. Tranquillement The Ring of Power embrasse un pattern organique sur un rythme devenu pulsatoire. Un genre de techno où les pulsations des séquences croassent un langage de hip-hop et s'acoquinent à une structure de rythme qui me rappelle Revolutions de Jean-Michel Jarre. Déroutant! Pas tant que Interferenz qui est une étrange procession structurée sur des séquences résonnantes et leurs ruades entrecroisées dont les subtiles permutations sont caressées par des harmonies chantées de chœurs absents et de superbes lignes de flûtes mellotronnées. Du rythme lourd et insistant dans des tendresses et des caresses oniriques! La pièce-titre propose une première partie plutôt ambiante avec une structure de rythme hypnotique finement tambourinée par des séquences dociles. Bien que fortement imbibés par des spectres cosmiques, les synthés sont très harmonieux et dessinent des solos musicaux tout en épandant une brume bleutée qui peine à camoufler ses origines cosmiques. C'est très doux, quasiment contemplatif, mais on sent une tension égruger la tranquillité. Une tension qui explose en deuxième partie avec ces lourdes séquences entrecroisées qui tissent les rythmes hybrides de CIRCLES OF LIFE, qui n'a toujours pas renié ses origines cosmiques. Best of Both Worlds s'inspire de la pièce-titre avec une introduction nettement plus près de l'ésotérisme mais une seconde partie carrément plus endiablée avec des séquences lourdes dont les gargouillis peinent à suivre les tourbillons des synthés aux solos vertigineux et aux ambiances métaphysiques digne des complexités expérimentales.
Quelle belle initiative de SynGate que de mettre cet album de Syndromeda à l'agenda! Comme chacune des œuvres de Danny Budts, CIRCLES OF LIFE demande une écoute qui respecte tout le diaporama sonique de son auteur. Les œuvres de Syndromeda ne sont pas de ce qu'il y a de plus accessible. Elles sont le manifeste d'un artiste audacieux pour qui la MÉ est un art dont les frontières dépassent les clichés commerciaux. C'est du rock cosmique aux fragrances expérimentales avec juste ce qu'il faut pour enjôler ceux qui veulent bien prendre le temps d'écouter. Et c'est là que la magie s'installe.
Sylvain Lupari (08/10/13) *****
Disponible au SynGate Bandcamp
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