“Le meilleur Syndromeda toutes époques confondues ? Je pense que oui!”
1 Born out of Chaos 12:44
2 The Silence after Chaos 15:31
3 The Happy Few 12:30
4 Carroussel 9:17
5 At the End Everything will be OK 13:47
6 Lord have Mercy 9:57
(CD-(r)/DDL 73:49)
(Dark ambient Berlin School)
Séquences organiques, des effets de pépiements collés sur des lignes de synthé aux ondulations et torsades alambiquées, des souffles de synthé acuités et des rythmes feutrés, parfois caoutchouteux, sont toujours au diapason des contes en musique de l'univers Syndromeda. Flirtant entre le Berlin School et le psybient dans une musique d'ambiances toujours près des ténèbres, le musicien Belge nous balance un album très fort en ORDER IN THE CHAOS OF LIFE. Danny Budts délaisse quelque peu ses structures plus complexes afin d'offrir un album plus direct qui dépeint la réalité d'une ère sociétale confrontée aux nouveaux virus, tant médicaux qu'informatiques, à la pandémie, la guerre et la famine qu'elle engendre chez les peuples moins bien nantis et finalement la récession qu'elle crée dans une société de plus en plus axée sur l'individualisme et le narcissisme. Dans une parfaite balance entre ses légendaires phases atmosphériques et ses rythmes bondissants comme du caoutchouc usé, Syndromeda puise dans sa nostalgie afin d'offrir de belles structures mélodieuses rarement entendues dans ses précédents albums. Bref, du nouveau chez Syndromeda!
Une ombre vrombissante se lamente en ouverture de Born out of Chaos. Son chant pourtant éthéré se mêle à une sirène d'urgence, alors que tranquillement un nid sonore défait ses oblongues et sinueuses réverbérations qui tournicotent et flottent dans une ouverture flirtant avec un psybient noir. Toujours auréolé d'une texture organique, les ions sauteurs de Danny Budts se mettent à battre dans ce lent maelstrom contrôlé dès la seconde minute du titre. D'abord arythmiques et connectant leur tonalité à celles des ondes radioactives, les sauts se coordonnent en un mouvement minimaliste en sautillant, on peut même entendre leur ombre faire de même, sur la pointe de leurs accords, créant un rythme bondissant comme un caoutchouc usé. Une nappe de voix chtoniennes et des sifflements aigus recouvrent ce rythme subjuguant qui sautille en clopinant jusqu'à ce qu'il se mette à gambader une 30taine de secondes après la 7ième minute. Bien que sautillant dans un modèle Berlin School ascensionnel, le rythme reste de nature méditative sous une dense musicalité peinte de tonalités ocrées aussi sombres que stridentes. Avec des ombres menaçantes, des ondes torsadées et des étreintes auditives d'une acuité à fendre les tympans, la découverte de ORDER IN THE CHAOS OF LIFE se poursuit avec The Silence after Chaos. Des accords de clavier tissent un concerto de pépiements électroniques dont les aigus sont en symbiose avec les éléments perturbateurs d'une ouverture toujours aussi affligée. Une belle onde de synthé possédant une tonalité de vieil orgue vient jeter un voile plus musical, comme dans le bon temps de Klaus Schulze, quelques secondes après la 5ième minute. Une structure de rythme pulsatoire émerge après la 8ième minute. Son mouvement fait écho avec sa lourdeur et sa résonnance, créant une phase de rythme à la fois zigzagante et spasmodique qui atténue sa portée sonore et finalement sa vélocité en se glissant sous des nappes de brumes chtoniennes.
The Happy Few propose une structure de rythme endiablée après qu'une nappe de brume cathédralesque ait éveillé un essaim de bips et d'oscillations sonores ondulant comme une grappe de spasmes d'un spirographe possédé. C'est après 3 minutes que les séquences bondissent avec effervescence dans une texture caoutchouteuse, créant une danse de claquette assourdie mais très énergique. Le synthé divise ses éléments en une zone d'ondes vacillantes, injectant cette essence ocrée aux brumes chantantes, et une autre qui laisse planer de beaux solos mélodieux dont les arabesques fusionnent avec la lourde vélocité rythmique de ce titre assez explosif. Les voix des déesses des ténèbres qui surgissent donnent une essence très près des territoires de Mind Over Matter à ce type de Berlin School chtonien ayant un fort parfum des années analogues. Carroussel a les ambitions de son titre avec un très beau mouvement circulaire qui laisse entendre une cristalline ritournelle rythmique luciférienne. Structuré sur deux vitesse, le mouvement zigzagant donne cette délicieuse impression de trébucher lorsque les ions sauteurs opalescents tentent de courir sous de somptueux solos de synthé aux longues complaintes mélancoliques. Des riffs rythmiques accentuent la cadence alors que le séquenceur active une autre ligne de rythme plus vibrante et dont la résonnance ne ternit en aucun moment l'innocence de ce carrousel pour le moins atypique, considérant son essence à la fois virginale et diabolique. Avec sa structure de rythmes circulaires sur 3 échelles, At the End Everything will be OK nous replonge dans les complexités de l'univers Syndromeda, sauf pour les solos sifflotés du synthé dont les chants sont très mélodieux. Les lignes de rythmes, tournant en parallèle ou en sens contraire, ont une fine membrane caoutchouteuse qui fait l'effet d'élasticité d'une fronde, donnant cette impression de ruade, de va-et-vient continue qui trouve une phase atmosphérique afin de respirer un peu autour de la 8ième minute. Le rythme revient avec plus de garniture et d'effets d'écho rotatoire quelques secondes plus loin. Lord have Mercy est le titre le plus intense de ORDER IN THE CHAOS OF LIFE. Une séquence pulsatrice fait entendre son timbre élastique dès la 30ième seconde. Son battement hésite dans un décor apocalyptique dominé par les réverbérations d'ondes de synthé statiques et des hurlements de sirènes insistantes. Le rythme organise tranquillement son débordement qui se matérialise par une vigueur puisée dans un mouvement ascendant qui ondule avec musicalité sous une dense nappe de voix chtoniennes. Il monte et descend dans ce décor titanesque, perdant un peu de sa constance pour mieux rebondir quelques élans plus loin avec des effets de sabots qui claquent ici et là. Le synthé éparpille de puissants solos et des complaintes acuités, comme des chants de sirènes, amenant plus d'intensité émotive à Lord have Mercy.
Danny Budts semble très inspiré, et est inspirant, dans ce ORDER IN THE CHAOS OF LIFE. Toujours influencé par les années vintage de Tangerine Dream et l'enveloppe ténébreuse qui accompagnait le Berlin School des années vintages, Syndromeda nous offre un solide album qui s'apprivoise nettement mieux que ses précédents albums. Son meilleur toutes époques confondues? Je crois bien que oui!
Sylvain Lupari (10/10/22) ****¾*
Disponible au SynGate Bandcamp
(NB : Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
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