“La musique ici me fait penser qu'Edgar aurait dû toujours composer la sienne dans un bus en route vers le désert américain”
1 Where Dreams are Large and Airy 6:19
2 Riding the Wind 4:35
3 Thunderheads 7:25
4 Eagle's Crest 5:34
5 Food for the Gods 8:21
6 Without a bad Conscience 6:00
7 Cardamom Route 5:00
8 A World Away from Gagaland 7:03
9 Native Companions 4:11
10 Blue Dawn 7:00
Eastgate 010 CD
(CD 61:51) (E-Rock)
Recevoir un nouvel album de Tangerine Dream est toujours quelque chose de spécial. Imaginez, depuis près de 50 ans que ce groupe existe. Cinquante années où Edgar Froese se promène avec différents comparses pour signer la musique de Tangerine Dream. Sur scène et en studio. Et en 50 ans, il s'en est passé des choses. Comme dirait ma voisine, il en coule de l'eau sous les ponts! Et c'est une histoire à la Kyoto qui dessine les grandes lignes de ce BLUE DAWN. Cette fois-ci l'histoire tourne autour de 6 compositions de Ralf Wadephul; que Edgar a remanié à sa main, en plus des 4 compositions qui lui appartiennent. La musique a été composée en autobus, lorsque le Dream effectuait sa tournée nord-américaine de 1988. Nous avons droit à un album diversifié, qui va du bon rock électronique à des structures typiques des visions musicales des années post Optical Race. On y trouve du Easy Listening et du New Age, sans oublier la structure très progressive de la pièce-titre. Bref un beau 62 minutes de MÉ correcte.
Where Dreams are Large and Airy est ce genre de titre mélodieux qui sont devenus banals dans le répertoire du Dream depuis leurs surexploitations dans les années Melrose. Un logiciel de synthé implante une mélodie jouée sur une forme de clavecin romanesque contre balancée par un genre de mandoline. Les effets et pastiches des années 80 abondent aussi sur ce titre qui git sur une structure de rythme artificiel conçu dans un maillage de riffs, de séquences et basses séquences arrimées à des percussions manuelles. Un son typique de TD dans les années Melrose. Riding the Wind détonne et s'avère être un très bon titre. Une séquence se dandine comme un désir sur le bout d'une corde à péchés alors que des percussions s'amènent pour pilonner cette structure qui vit pour l'instant de quelques balayages d'effets sonores et vocaux. Le titre amplifie sa cadence à chaque tour de son horloge harmonique pour finir dans les rudes et incisifs solos d'Edgar. Un sacré bon titre qui affiche une fascinante obsession pour nous donner des frissons. Thunderheads impose une figure de rythme circulaire avec des percussions en boîtes et son débit infaisable pour n'importe batteur, à moins d'être une pieuvre. Suivant ce rythme, nos oreilles balaient les horizons sonores et accueillent une douce phase mélodique injectée par une fausse guitare et ses riffs suspendus à des miaulements artificiels. J'aurais mis plus de minutes dans Riding the Wind qu'ici, même si de bons effets tapageurs font rugir mes Bang & Olufsen. Eagle's Crest est une des composition de Ralf Wadephul et propose un rythme ajusté à un effet de pendulier des percussions et une bonne ligne de basse rampante. L'union donne une structure mélancolique qu'Edgar nourrit de bons solos. La musique retourne à ses sources électroniques avec une nappe de voix spectrale qui recouvre un bon jeu de percussions. Il me semble que ça dépasse les années 88. Mais bon, lorsque Edgar revient avec ses solos, ça fait effectivement années 220 Volts. Food for the Gods débute avec une belle ligne de synthé sibylline à laquelle se greffe une chorale absente et des pétillements astraux. Cette ligne se fractionne pour engendrer un lourd amas suspendu avec une intensité qui fait très New Age. Une guitare acoustique, avec un léger accent mexicain, étend une ballade qui s'étend bien au-delà de sa nouvelle structure cousue de tendres émotions sur un non-rythme planant dans un des bons titres New Age que j'aime entendre parfois. Une belle composition de Wadephul ici qui a servi aussi pour la bande sonore de Dead Solid Perfect.
Difficile de croire que le rythme enlevant mais sans âme de Without a bad Conscience ait été composé dans un autobus en Septembre 88. C'est un titre trop rythmé où tout tourne au quart de tour dans ce qui ressemble à une session de Dalinotopia. Faut dire par contre que les percussions et les effets percussifs qui soutiennent cette nappe de synthé sans émotion sont très efficaces. Cardamom Route propose un bon rock électronique assez mélodieux avec une bonne guitare, ses riffs et sa vision acoustique confrontés à un synthé en mode mélodie. Bien que bonnes et drôlement captivantes, les percussions font tout un travail épisodique dans cette ballade qui est un rock qui ne veut rien savoir de son style. Au final, je dirais que c'est bien et déjà on sent cette haleine des saxophones de Linda Spa dans les arrangements. Batterie vive et synthé en mode numérique, A World Away from Gagaland appartient à cette catégorie de titre construit à la hâte pour remplir un trou dans un album de Tangerine Dream. Tout est faux et tout est de trop dans ce titre qui ne mérite pas ses 7 minutes et des poussières. À ce niveau, la séquence alternant ses ions dans une vitesse modérée donne plus de punch à Native Companions. La guitare sonne plus vraie avec une âme bluesy et compétitionne aisément avec le synth-clavier. Il y a juste cette chorale sans passion qui n'est pas à sa place ici. Mais encore là, nous sommes très loin des années 88. Un grondement et des accords dérivant comme une épave sur la mer donne un sinistre ton à l’introduction de la pièce-titre. Une étonnante ligne de synthé fait office de corail avec une forte présence cinématographique où une guitare fait rugir sa ligne de tir qui semble couler, si on se fie aux sonorités océanographiques qui roulent dans nos oreilles. Le thème de la guitare est repris par un synthé, dirigeant Bleu Dawn vers un gros rock électronique lié à une solide chevauchée rythmique. Il y a un petit moment d'égarements qui me fait tellement penser à du Pink Floyd. Une ligne stroboscopique veille tout autour de ce mouvement qui repart furieux et maintenant guidé par une incroyable guitare. C'est peut-être écrit par Ralf Wadephul, mais c'est solidement mis en musique par Edgar dont la fureur de vivre est tout simplement phénoménale. Et sur ce titre, comme dans le tout entier de BLUE DAWN de qui je ne peux rien dire de mal. Bah… il y a bien 2 ou 3 titres, mais le reste est tellement trop bon!
Sylvain Lupari (12/05/06) ***¾**
Disponible chez Groove NL
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