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Writer's pictureSylvain Lupari

TANGERINE DREAM: Finnegans Wake (2011) (FR)

Malgré quelques faiblesses et de mauvais détours, Finnegans Wake se révèle être un autre très bel album

1 The Sensational Fall of the Master Builder 9:03

2 Finnegans Excessive Wake 8:13

3 Resurrection by the Spirit 5:39

4 Mother of all Sources 8:53

5 The Warring Forces of the Twins 4:34

6 Three Quarks for Muster Mark 6:17

7 Everling's Mythical Letter 8:01

8 Hermaphrodite 8:23

(CD 59:03) (V.F.)

(Progressive Rock EM)

FINNEGANS WAKE est une étrange œuvre littéraire de James Joyce qui mêle plusieurs langues, à un point tel que certains observateurs ne lui donnèrent aucune langue d'origine. C'est aussi la 3ième œuvre du Sonic Poem Series; un ambitieux projet musical que le duo Froese/Quaeschning a entrepris en début 2011 avec le superbe The Island of the Fay. Et cette collaboration plus étroite de Thorsten Quaeschning dans l'écriture et la réalisation des œuvres de cette série apporte une dimension incommensurable aux œuvres de Tangerine Dream. Elle insuffle un renouveau avec un degré d'intensité et d'émotivité que Edgar Froese semblait avoir perdu sur les bancs de ses expériences de vie et qui profite à la profondeur artistique d'un tel projet. Des titres comme The Warring Forces of the Twins et Three Quarks for Muster Mark démontrent les nuances dans les approches de ses deux compagnons d'écriture qui surprennent encore avec un autre très bel album.

Une note de basse échappe son écho, pavant la voie à un tissage de percussions et de séquences échoïques qui ornent l'intrigante intro de The Sensational Fall of the Master Builder dont l'ambiance me transporte dans l'univers de Flashpoint. Nerveux et palpitant avec anxiété, ce mouvement séquentiel est truffé d’accords bondissants et papillonné, moulant un rythme stationnaire où traînent de sobres accords de synthé parmi des pulsations aux respirations glauques. Malgré les frappes symétriques de percussions linéaires, le rythme reste stigmatisé dans une enveloppe harmonique farcie de chœurs fades et vides qui remplacent des couches de synthé qui auraient pu être plus créatrices. En dépit de ce bastion de séquences qui s'entrecroisent dans une bonne structure rythmique, la portion harmonique est froide et tissée par des accords de synthés qui ondulent avec fluidité, alors que The Sensational Fall of the Master Builder stagne dans son cercle rythmique sédentaire, égrenant ses 5 minutes restantes avec de fines nuances dans son rythme, ses chœurs et harmonies. Finnegans Excessive Wake offre une très belle structure rythmique évolutive avec des séquences pianotées dans une nerveuse forme sérielle. Des séquences qui modifient leurs axes de frappes ainsi que leurs tonalités, créant des spirales de verres qui tintent dans un riche canevas musical où les lourds riffs tissent une ambiance autant suffocante que survoltée. Des chœurs plaintifs aux souffles d'argile rodent tout au long Finnegans Excessive Wake qui suit un crescendo empreint de dramatisme avec de belles caresses d'un violon perdu dans des couches d'un synthé saisissant d'angoisse avant d'exploser dans les furieux solos de guitare de ce bon vieil Edgar. Resurrection by the Spirit est construit sur les cendres de Ricochet. On y entend cette ligne fantomatique qui dessinait la mélodie de ce titre culte errer tout au long des rythmes explosifs. Des rythmes noirs et pulsatoires, comme il en coule tout autour de cet album, qui courent et tourbillonnent, cernant et échappant cette mélodie spiralée qui roule avec de belles nuances dans son approche. Mother of all Sources est mon titre. Après une intro nourrie de séquences tournoyant en un rapide cercle hypnotique qui s'entrechoquent sur des frappes de percussions sèches, le rythme manque de jus. Un peu comme si on avait tiré la plogue d'une table tournante. Une autre forme rythmique ressurgit. Totalement à l'opposé de son enveloppe rythmique dramatique, ce rythme bouillonne sur des séquences et percussions aux frappes aussi nerveuses que débridées. Les deux extrêmes tissent un superbe et intense mouvement dont le paradoxe harmonique enivre et où les couches de synthé dessinent des larmes de violon sur un canevas de séquences et percussions prisonnier de ces sombres et tristes couches et ambiances morphiques. Tout simplement mirifique!

The Warring Forces of the Twins tranche cette approche cinématographique avec un gros rock électronique de l'ère Rockoon. Des séquences nerveuses et spiralées ainsi que percussions débridées mais pas hyper puissantes supportent des riffs de claviers qui dessinent une mélodie à la Tangerine Dream plus rock qu'électronique. C'est un titre aussi froid que l'électronique peut être sans âmes par instants. Pas vraiment mon genre et très bruyant. Et pourtant Three Quarks for Muster Mark est tout aussi lourd et rock. Sauf que le rythme lourd est enveloppé de nuances et enrichi de bonnes séquences entrecroisées, ajoutant beaucoup de profondeur à un titre qui semble sortir des sessions de Vernal Rapture (Gate of Saturn). C'est lourd, puissant et évolutif avec un bon passage très furieux où de perçants solos de guitare cisèlent des séquences endiablées. J'aime bien aussi ces lamentations de synthé qui grouillent ici et là, supportant ces étranges dialogues électroniques qui roulent en boucle sur un rythme lourd, puissant et très efficace. Everling's Mythical Letter est une longue et très belle ballade électronique où la guitare de Froese nous parle et nous touche avec de beaux solos introspectifs qui se lamentent sur un rythme doucement forgée de séquences sobres. C'est sombre et mélancolique, comme du bon vieil Edgar Froese. Hermaphrodite clôture avec une riche intro où des séquences limpides tournoient autour de pulsations métalliques sourdes. Des accords de guitare grattent cette étonnante union rythmique harmonique alors que le tempo accélère sa cadence, épousant un sautillement pour galoper sous des ondes de synthé iridescentes. Et la guitare de Froese vient recouvrir ce rythme bouillonnant avec d'autres beaux solos qui caressent et enveloppent un autre dynamique rythme lourd, sombre et harmonique qui pullulent tout au long de cet autre très bel album de la série Sonic Poem.

Malgré quelques faiblesses et erreurs de parcours où certaines réminiscences des années Miramar et TDI éveillent quelques douloureux souvenirs d'une carence créatrice, FINNEGANS WAKE se révèle être un autre très bel album. Et il faut donner à Edgar Froese ce qui lui revient. Car si Thorsten Quaeschning signe de très bonnes compositions, le vieux renard blanc n'est pas en reste avec de superbes compositions où sa mélancolie et sa tristesse des souvenirs enfouis dans la douleur de l'âme accote facilement le romantisme sombre de son nouveau compagnon de musique. Et cette union artistique donne aux œuvres de cette série une profondeur artistique inouïe qui, je l’espère, devrait durer aussi longtemps que la passion qui les dévore. On s'entend pour un 4 1/2 boules!

Sylvain Lupari (14/04/12) *****

Disponible au Groove nl

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