“Nous venons de pénétrer dans le paradis, l'enfer et le purgatoire musical de la trinité Froese Franke et Baumann”
1 Rubycon Part I (17:18)
2 Rubycon Part II (17:35)
Virgin V2025 / CDV 2025
(CD 34:53)
(Berlin School)
Le Tangerine Dream d'hier n'a rien à voir avec celui d'aujourd’hui. De voilà même une vingtaine d'années. Les années 70 à 77 étaient le summum des expérimentations de Tangerine Dream et de sa signature aux ambiances noires sur des chevauchées rythmiques qui le sont tout autant. Vous parlez des derniers efforts de TD sans vous introduire à ses premières œuvres c'est manquer de jugement et c'est volontairement de vouloir ignorer ce passé grandiose qui a donné naissance à un mouvement qui persiste encore en 2020, et qui a guidé d'innombrables artistes à produire de très belles œuvres contemporaines qui sont directement influencées par cet album. RUBYCON est le deuxième opus de Tangerine Dream sur l'étiquette Virgin. Il confirme la nette tendance du trio Allemand de s'injecter à fond dans la Musique Électronique. Et cette association avec Virgin allait donner des petits bijoux de créations musicales. La folie Dantesque de Froese, unie à la docilité et l'ingéniosité de Franke, vont engendrer chef-d'œuvres musicaux qui trouveront racine chez plusieurs artistes, tant de cette période que de nos jours. Que ce soit avec Peter Baumann ou Johannes Schmoelling, TD alignera une dizaine de ces chef-d'œuvres. Après Phaedra, voici le ténébreux RUBYCON!
Rubycon Part I démarre sur avec des notes égarées dans le néant. Les sens en alerte, nous stagnons dans une atmosphère statique entourée d'accords flottant dans une ambiance Méphistophélique. Filaments sonores un peu plus aiguisés, chants de sirènes intergalactiques, effets de tintement, chœur grave et vagues de sons qui se réfugient sur les harmonies d'un mellotron vaporeux. Les 6 premières minutes de Rubycon Part I sont un pur moment atmosphérique avec une masse de sons qui volette en formant des chorégraphies aériennes, comme le vol d'une nuée de moineaux dans un ciel noir. C'est un mouvement du séquenceur avec sa ligne ondulant d'oscillations fluides qui structure ce rythme un peu après le point des 7 minutes. Entraînant avec son effet de double-lignes du séquenceur, il sert d'assise à des solos de synthé évanescents, comme de mellotron, et à des arpèges qui flottent dans une dimension chthonienne. Cette portion, qui dure un bon 6 minutes, est devenu un classique du répertoire du Dream. Les ambiances biscornues et lucifériennes reviennent autour des 15 minutes avec divers effets, tant sonores que percussifs, qui sculptent un panorama toujours nébuleux. Cette douce finale se poursuit sur Rubycon Part II où nous franchissons les portes d'un monastère et de ses ambiances austères. Une chorale de moines, accompagnées d'une nappe d'orgue, donne cette profondeur monastique. Mais cette tranquillité énigmatique est de courte durée. Une grosse ligne séquencée donne son élan et pave la voie à des rythmes agressifs et désordonnés qui tourbillonnent autour d'effets sonores sonores électroniques avec une dose psychédélique. Immobiles, nous sommes plaqués aux murs d'un art abstrait qui nous attire et qui pique notre ouïe.
Une mouche qui se débat sur du ruban gommé! C’est un peu l’effet spastique de Rubycon Part II. Cette psychose rythmique inconséquente se termine aux portes arrière du monastère. L'air y est radieux, et le mellotron susurre dans les oreilles tout le talent qui habite Peter Baumann. Nous venons de pénétrer dans le paradis, l'enfer et le purgatoire musical de la trinité Froese, Franke et Baumann. Croyez-le ou non, la suite est encore meilleure!
Sylvain Lupari (15/05/06) ****½*
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