“Plus tranquille que Evalake mais toujours très beau à écouter”
1 Diamond Dust 12:04
2 Antheia 21:44
3 Theros 19:09
4 Recursive Island 18:03
(DDL 71:01)
(Atmospheric, Berlin School)
Variations sur un même thème! C'est un peu l'impression qui se dégage à l'écoute ce nouvel album de The Polymusicon, AZARAN FORECAST qui est disponible uniquement en téléchargement. Graeme Nattress s'est inspiré des belles différences dans les décors qui suivent chaque changement de saison dans le sud de l'Ontario, comme du Québec d'ailleurs et du Nord Est américain. La musique est nettement plus tranquille que dans l'excellent Evalake paru à la fin 2019 et propose des thèmes similaires qui, comme ces saisons, se transforment sans pour autant accentuer les différences entre ces saisons. Les paysages sont les mêmes et les variations épousent la douceur à laquelle chaque saison s'y dépose. Les structures sont majoritairement ambiantes, exception faite du dynamisme de Recursive Island. Elles accueillent des rythmes ambiants où roucoulent une multitude de boucles qui sont synchronisées dans un duel synthé-guitare.
Une paisible onde de synthé nous introduit à une ouverture assez atmosphérique de Diamond Dust. Lyrique, elle installe un climat de sérénité même avec ces pointes d'intensité qui vont et viennent autour de cette ouverture où se greffent des effets brumeux et de voix célestes qui prolongent les ambiances méditatives au-delà des 2 minutes. Le synthé libère alors une mince ligne harmonique qui roucoule en boucles sur un linceul musical dominé par une voix séraphique qui peu à peu étiole ses charmes. Le décor devient plus sibyllin avec des reflets d'argent et de bleu sombre qui fusionnent alors que les boucles répétitives continuent leur migration rythmique vers des tonalités plus scintillantes qui tintent comme un concert de clochettes angéliques. De subtiles variations dans les intonations nous ramène à une vision d'un Crystal Lake remanié dans une autre dimension. Et c'est encore plus tangible autour de la 5ième minute lorsque ce rythme méditatif perd un peu de vélocité. Moins de vélocité n'égale pas moins d'intensité puisque chaque accord est solidement ancré par des doigts agiles et pesants qui jouent cette ritournelle répétitive. Des bourdons vibrionnent dans le décor, précédent une nappe de voix célestes qui enracine cette vision sibylline de Diamond Lust. Une onde de basse ralentie la mélodie processionnelle autour de la 7ième minute. Injectant une aura troublante, elle réoriente aussi la trajectoire minimaliste qui laisse plutôt ondoyer un reflet argenté qui scintille dans une dernière phase plus émouvante où soupirent des ondes de synthé plus spectrales et tombent des accords de guitare. Il faut aimer le genre, et j'aime bien cette impression que j'ai d'entendre un truc qui va bien entre ce Crystal Lake, nettement plus atmosphérique et méditatif, de Klaus Schulze et l'impérial Reflections in Suspension de l'album Structures from Silence de Steve Roach. Et si vous aimez le genre, Theros est du même moule, peut-être un peu plus lent avec de bons grognements d'une nappe de basse ainsi que beaucoup plus de textures de guitare, et le téléchargement de l'album propose aussi une version étirée de 15 minutes de ce Theros. Le décor de Diamond Dust est aussi à la grandeur de cet album.
Anthea rejoint un peu plus les dimensions de Evalake avec une lente ouverture atmosphérique, on parle d'une 12zaine de minutes, avant que le séquenceur déploie une structure arythmique avec une nuée de petit pouls s'ébattant avec vitesse dans un cercle trop petit. Cela donne un rythme électronique qui fait sautiller plus les neurones que les pieds. Un rythme sphéroïdal qui roule en symbiose avec les accords et riffs d'un mélange de clavier et de guitare. Peu à peu, le rythme intensifie sa vélocité. Il devient alors un oblong mouvement zigzagant où les séquences se distancient afin de créer un rythme sautillant en un filament stroboscopique. Plus entraînant maintenant pour les pieds que les neurones, la fluidité du rythme devient en symbiose avec les harmonies dispersées à la hâte par ce toujours combo synthé-guitare qui domine les ambiances de ce titre dont l'ouverture est somme toute assez paradisiaque. Les aficionados du style Berlin School étaient bien servis dans Evalake et The Polymusicon ne les a pas oubliés en proposant l'excellent Recursive Island. Déjà, le séquenceur active un rythme ondulant derrière les sinueuses ondes spectrales qui ornent l'intro. Ces ondes brumeuses zigzaguent autant que ce rythme qui tournoie en une parfaite sphère, stylisant une approche aussi chtonienne que dans les années 70. Une ombre de cette séquence de rythme se détache afin de créer une vague mélodie nébuleuse, mettant encore plus d'emphase sur le typique décor de la Berlin School des années vintage. Ondulant comme une menace sur le point d'exploser, le rythme joue à cache-cache dans un décor qui amplifie sa mainmise sur des ambiances ténébreuses avec de solides nappes d'une brume ondoyante et menaçante. Il en sort avec un superbe mouvement ascensionnel après la 7ième minute. Le décor est toujours aussi chtonien avec des bancs de brumes qui ondoient dans un paysage sombre, irradiant de réverbérations corrosives sur une structure qui prend son véritable élan quelques secondes plus loin. Des riffs de clavier tombent en nous rappelant les influences de Tangerine Dream sur la musique du musicien ontarien alors que le séquenceur continue sa course zigzagante pour disparaître et réapparaître par phases, comme ces changements de décor subits lorsqu'une saison est perturbée par une météo capricieuse.
Il est souvent difficile pour un nouvel artiste de répéter les exploits d'un premier album percutant. C'est le cas de The Polymusicon avec ce AZARAN FORECAST. Ceci étant écrit, ça demeure un très bel album qui démontre le côté plus méditatif d'un artiste visiblement inspiré par la beauté bucolique des changements de saison et de leurs effets contemplatifs.
Sylvain Lupari (19/09/22) *****
Disponible à The Polymusicon Bandcamp
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