“Il y a de la très bonne MÉ qui combine les pôles du rétro aux nouvelles Berlin Schools sur ce coffret de 3 cd(r)”
1 Beyond the Veil of Consciousness - Session 110622 47:45
2 Beyond the Veil of Consciousness - Session 190622 54:57
3 Beyond the Veil of Consciousness - Session 200622 54:54
(DDL/3CD(r) 157:37) (V.F.)
(Berlin School)
Ne reculant devant rien afin d'offrir un plus large éventail des styles de musique électronique (MÉ), les dirigeants de Cyclical Dreams ont réussi un grand coup en produisant un album de The Rosen Corporation. Ce projet du Hambourgeois Peter Baldwin fait partie de cette liste de musiciens qui ont apprivoisé le web avec le site Bandcamp en produisant des albums en nombre plus que considérable, on parle tout de même de près de 80 albums sur une période de 4 ans, de 2018 à 2022. Il avait au préalable produit un album en 2015 intitulé Replicant. Bien que le nom soit inspiré de ce livre de Philip K. Dick qui nous a donné le film Blade Runner, Do Androids Dream of Electric Sheep, la musique n'a rien à voir avec celle de Vangelis, ni avec une vision de musique futuriste cosmique. À tout le moins sur cet album. La majorité des albums du musicien allemand ont été conçus sur la base de l'improvisation, comme ce BEYOND THE VEIL OF CONSCIOUSNESS, et sont pour la plupart disponibles en CD(r), sinon en format téléchargement. La musique est inspirée des années 72 à 82, soit les années où l'art de l'analogue transitait tranquillement vers les synthés numériques. Le contact avec les dirigeants du label argentin s'est effectué dans le cadre du Cyclical Fest 2022, diffusé le 22 octobre dernier, où The Rosen Corporation partageait la scène virtuelle avec des musiciens qui ont déjà signé des œuvres sur le label, soit Paul Ellis, Michael Brückner, Sophos, grüm~pé, MindPhaser, Francisco Nicosia et SONICrider. Vous pouvez visualiser ce concert sur la chaine YouTube de Cyclical Dreams en cliquant sur le lien suivant; Cyclical Fest 2022. BEYOND THE VEIL OF CONSCIOUSNESS consiste en 3 très longs titres, improvisés et enregistrés lors des sessions des 11, 19 et 20 juin 2022, dont les nombreuses permutations entre leurs phases de rythmes et atmosphériques génèrent des durées qui avoisinent les 55 minutes, alors qu'un titre flirte avec les 48 minutes. Au final, Peter Baldwin offre plus de 2:30hres d'une MÉ qui voyage effectivement entre cette période de 10 ans qui inspire sa créativité.
Avec son festin de chants du mellotron, l'ouverture de Beyond the Veil of Consciousness - Session 110622 inspire un désir de réentendre du bon Brendan Pollard. Nous sommes dans ces années où Rubycon et Phaedra charmaient nos oreilles avec ces fascinants chants flûtés dont les ondes appartenaient à une autre dimension. Une ligne de basse séquence émerge aussitôt qu'à la 5ième minute. Ondulant avec les reflets moirés de sa tonalité, elle sculpte un mouvement ascendant qui reste sous l'emprise du mellotron. Les parfums de Klaus Schulze, période Body Love, éveillent nos souvenirs, surtout avec ces airs ambiants du mellotron qui irradient comme des solos d'un synthé semi-éveillé. Cette séquence de rythme contemplatif augmente subitement sa cadence 3 minutes plus loin. Le rythme est plus fluide et roule en séries de boucles hypnotiques dans cette chorégraphie minimaliste qui s'enrichit avec l'ajout d'une ligne d'arpèges séquencés dont les tintements luisent en parallèle d'un mouvement qui fait danser nos neurones…comme nos vieux souvenirs des années vintage. Si le rythme déroule ses boucles, le synthé n'est pas en reste en étant très actif au niveau de ses filaments aux sonorités diversifiées et à cette ombre de bourdonnements qui mugit sourdement dans le panorama du plus court titre de BEYOND THE VEIL OF CONSCIOUSNESS. Nos oreilles s'arriment à une courte phase atmosphérique, nourrie de brume métallisée et d'airs flûtés autour de la 16ième minute. Le rythme réactive nos sens avec une fabuleuse transition entre les années analogues et celles du numérique. Les battements des basses séquences résonnent et leurs bondissements ont une succulente réponse caoutchouteuse, créant un effet d'écho élastique qui est nourri en plus par des claquements métalliques. Le synthé injecte une brume qui danse comme une flamme se déhanchant sur des brises d'une danse orientale. Ce superbe passage couve une distance de 12 minutes, le rythme permutant pour une texture aussi plus actuelle du séquenceur avec des arpèges sauteurs qui pétillent d'une tonalité plus métallique pour marteler un rythme linéaire. Des cognements de basses pulsations ajoutent une base de basse et de musicalité à cette phase de rythme qui flirte entre un rock électronique et de l'Électronica pour zombies, alors que le synthé injecte des effets sonores à la limite du psybient ou encore de ce décor de cacassements électroniques à la Robert Schroëder. Un excellent premier titre avec des phases de rythmes longuement élaborées sur de courtes transitions d'ambiances atmosphériques. Soit ces fameux ponts du répertoire de Tangerine Dream.
Avec ses arpèges qui scintillent et chantent sur une texture de bourdonnements industriels, Beyond the Veil of Consciousness - Session 190622 dérive vers une phase atmosphérique d'une dizaine de minutes, la plus longue parmi les 3 titres de BEYOND THE VEIL OF CONSCIOUSNESS. En contrepartie, le rythme qui en émerge est plus vif et plus saccadé avec des arpèges cristallins qui sautillent en file indienne juste avant de se faire harponner par une violente ligne de basses pulsations qui roule comme un train enragé sous une pléthore de solos de synthé à la tonalité légèrement cuivrée. Une brume orchestrale plus harmonieuse s'invite vers la 18ième minute, aidant la cadence à ralentir et à permuter pour une structure plus près des territoires de Klaus Schulze dans ses années avant X. Le synthé libère des ondes et des brises creuses, ainsi que des lignes de chant larmoyants dans cette structure de rythme méditatif qui tranquillement augmente la cadence. Le synthé répond à cette accentuation rythmique en affichant une texture plus sibylline. La 30ième minute nous amène dans un territoire d'ambiances ténébreuses avec des brises bourdonnantes et un effet d'écho qui provient de sourdes pulsations dont les origines restent à définir. On nage en plein délire atmosphérique, la plus longue phase du genre dans cette trilogie Berlin School en 3 actes, jusqu'à ce que Beyond the Veil of Consciousness - Session 190622 migre tranquillement vers une phase de rythme berliner plus contemporaine après la 35ième minute. L'introduction à cette phase passe par un mellotron aux chants divins qui caresse le mouvement ambiant des arpèges moirés qui scintillent comme une rivière argentée. Une surprenante structure de rythme, flirtant avec de l'Électronica, émerge 3 minutes plus loin, liant les deux pôles entre le Berlin School et sa version contemporaine.
Beyond the Veil of Consciousness - Session 200622 se développe avec une tonalité vintage, tant avec les synthés et leurs éléments d'ambiances et d'errances qu'avec le séquenceur dans une première partie dominée par le style Berlin School rétro. La structure de rythme transite entre un doux rythme quasiment méditatif et un mouvement plus dur et syncopé avant d'atteindre sa première phase d'ambiances spectrales avec de beaux chants d'ectoplasmes autour de la 20ième minute. Un rythme accordé sur une ligne de basses séquences pulsatrices en émerge quelques 5 minutes plus loin. Des claquements métalliques, semblables à des claquements de mains cybernétiques, accompagnent cette éclosion rythmique qui résonne au-dessus de vagues harmonies spectrales roulant en boucles, et des jets de synthé qui forment aussi des mélodies fantômes. Le titre replonge dans ses phases d'ambiances spectrales autour de la 35ième minute pour revenir avec un rythme ambiant. Un Berlin School qui avance avec un léger élan ascensionnel sous des chants de synthé toujours légèrement fantomatiques. La cadence augment sensiblement son débit, ajoutant même une séquence d'arpèges scintillants qui gambadent tout autour, pour conduire les derniers instants de Beyond the Veil of Consciousness - Session 200622 dans une texture rythmique similaire à celle qui charmait nos oreilles autour de la 25ième minute.
Il y a beaucoup de MÉ dans ce premier opus de The Rosen Corporation sur Cyclical Dreams. Mais c'est de la très belle MÉ qui devrait plaire aux aficionados de Berlin School, autant la rétro que la contemporaine. En fait, j'ai rarement entendu de la musique d'une telle richesse pour des structures improvisées. Et même si les 3 longues structures proposent des patterns de conception similaires, l'effet de redondance se dissipe par son abondance de rythmes qui transitent à merveille entre les différentes visions inhérentes à l'évolution de la MÉ sur cette période de 10 ans ciblée par Peter Baldwin. Un must comme quoi dirait l’autre!
Sylvain Lupari (23/12/22) ****½*
Disponible au Cyclical Dreams Bandcamp
(NB: Les mots en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
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