“Nos oreilles trempent au cœur des charmes des années 70 sans l'ombre d'une redondance”
1 Ch'ops nu-gs 9:55
2 Cosmic Lighthouse 18:28
3 ACGT 7:30
4 Chloroplast 7:29
5 Messier 31 17:01
(CD-R/DDL 60:25)
(Berlin School)
C'est avec une ambiance extrêmement poétique que Andy Bloyce nous convie à la découverte de MIRABILIA. Oui l'ouverture de Ch'ops nu-gs est digne d'une exploration à travers les labyrinthes d'un jeu vidéo. Un décor rempli de morbides créatures extraterrestres qui rampent sous un ciel sonore rempli d'éléments électroniques empruntés à un registre de film d'épouvante. Les stries et lignes de synthé crissent dans cet univers cosmo-industriel sur une bonne distance de 4 minutes d'angoisse avant qu'un superbe mouvement du séquenceur tisse une structure qui nous plonge dans les rythmes ambiants analogues de Klaus Schulze. Le mouvement est lyrique et ondule comme une valse en état d'apesanteur sous ces morsures des effets iconoclastes du futur. Une magnifique voix de sirène astrale vient apaiser les lésions tonales de ces morsures, créant un magnifique contrepoids qui fait sortir toutes les émotions du rythme ondulant. Quelle façon de faire connaissance, pour ceux qui ne le connaissent pas encore, avec la musique électronique (MÉ) de The Soviet Space Dog Project.
Ce projet nommé d'après la cruelle aventure cosmique de Laika, une chienne des rues de Moscou qui a été lancée dans l'espace, avec aucune intention de revenir, est morte de stress et de surchauffe bien avant de manquer d'oxygène. Bien que cette aventure ait choquée la planète, les soviétiques ont continué d'envoyer des chiens errants dans l'espace. D'où le nom The Soviet Space Dog Project! Andy Bloyce est un vieux de la vielle dans l'échiquier de la MÉ. Membre du duo WEirD et du célèbre groupe Kubuschnitt en 1999, il prend une longue pause des synthétiseurs après le dernier concert du groupe en mai 2003. Il continue d'écouter de la MÉ, mais se concentre sur la guitare et écoute un large éventail de musique et plus particulièrement le style classique baroque de J.S. Bach. Son envie de rejouer de la MÉ est revenue près de 15 plus tard. L'évolution de la technologie dans la façon d'enregistrer la musique et des équipements ont été des facteurs déterminants dans ce retour sous le nom de The Soviet Space Dog Project. Depuis, c'est tout près de 100 titres d'une MÉ conçue sur la base de l'improvisation qu'il a mis sur son site Bandcamp. Son style unique de remodeler le passé, les meilleurs moments de Klaus Schulze et Tangerine Dream dans le milieu des années 70, tant sur le séquenceur qu'au niveau des ambiances, lui permet d'amasser une légion de fans sans cesse croissante. MIRABILIA, qui signifie des choses merveilleuses, est un premier album sur le label Argentin Cyclical Dreams. Un superbe album de Berlin School qui effectivement possède tous les attributs pour plaire aux fans de la période analogue de ces 2 artistes.
La préparation, comme la finition des titres reposent essentiellement sur un décor cosmique qui flirte entre l'épouvante ou les étoiles. Après une lente introduction remplie de bourdonnements et de mugissements synthétisés, Cosmic Lighthouse débouche sur un rythme tout d'abord pilonné par une secousse verticale, autour de la 6ième minute, avant de s'épanouir sur une ligne de basses séquences fluides dont les oblongues ondulations font ressurgir une ombre momentanée sous un alliage de bruits industriels. Une fine onde de brume chantante flotte sur ce rythme qui modifie tranquillement sa vélocité sous les multiples caresses tonales d'une flûte enchantée. Ce segment fait très Tangerine Dream sur une structure rythmique de Klaus Schulze, genre Body Love. Un filament rythmique du séquenceur s'échappe quelques 30 secondes après la 10ième minute, accentuant la vélocité de Cosmic Lighthouse qui court toujours sous la flûte. Plus le titre avance et plus le séquenceur taille ses ions sauteurs, donnant une ouverture spasmodique qui devient de plus en plus étouffée sous un alliage de tonalités métalliques. Comme un angélus dystopique où nos oreilles peuvent discerner des parfums de Encore! Après des gémissements qui se repentent dans la lourde et intense toile atmosphérique de ACGT, Chloroplast surprend avec une texture qui roulent sur des secousses chaotiques. Le rythme imite la cadence d'un train roulant sur un parcours psychotronique où les séquences montent et descendent, s'entrechoquant dans des moments qui font irradier leurs côtés organiques, dans un panorama sonore remplie de brume et d'ondes industrielles. Le synthé tisse ici ses plus beaux solos qui ont une tendance de Jazz. Construit sur les bases de Cosmic Lighthouse, Messier 31 propose néanmoins une ouverture de tonalités océaniques. De gros remous sonores palpitent sous un ciel de bourdonnements lézardés par de fines stries de tonalités électroniques. Un dense chant de flûte ambiant auréole cette ouverture bigarrée qui semble être déchiré entre le Cosmos et les océans avec un air chtonien plutôt vintage. Les orchestrations s'entassent aussi dans ce paysage sans frontière où surgit un mouvement pulsatoire lourd et dominant quelques secondes avant d'entrer dans la 6ième minute. Le rythme évolue comme un avion planeur qui monte et descend avec la vélocité d'un train aérien. Des séquences avec une tonalité légèrement argentée viennent se greffer de façon éphémère aux boucles oscillatrices de ce mouvement ascendant. À ce niveau, la masse sonore est constituée d'une nuage de drones bourdonnants qui laissent filtrer quelques homélies du synthé dont les solos vrillant épousent les voltiges aériennes du rythme.
MIRABILIA est un très bel album qui dépeint à merveille l’univers enchanteur de The Soviet Space Dog Project. De Moondawn à Encore, en passant par Stratosfear à Body Love, vos oreilles nagent dans le cœur des charmes des années 70 sans une ombre de redondance tant l'ingéniosité de Andy Bloyce à moduler le parcours de ses rythmes leur donne une profondeur et une portée inouïes.
Sylvain Lupari (29/06/22) ****½*
Disponible au Cyclical Dreams Bandcamp
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