“Thorsten Q a ce don de rendre la musique toujours un peu plus merveilleuse”
1 Der Leuchturm in der schwarzen Strömung 14:20
2 Blauer Horizont, blaues Meer 5:25
3 Jetzt und hier 8:27
4 Nieselregentropfen 11:46
5 Den ganzen Tag: Schönwetterwolken 6:16
6 Nachttauchgang am "Verheirateten Felsen" 15:07
7 Aus der Stille in das 14:34
(CD/DDL 76:01)
(Post Prog E-Rock)
Il n'existe aucun projet qui n'est pas de taille à rivaliser avec la créativité de Thorsten Quaeschning! Le brillant musicien Allemand a beau avoir mille projets en tête qu'il est toujours prêt pour un suivant. Comme ce AMA! Composée pour la production théâtrale de danse contemporaine, la musique est sensée suivre la chorégraphie de Yoriko Maeno. Une ama est un plongeuse japonaise qui pêche en apnée pour aller cueillir des perles. Une culture nipponne qui existe depuis près de 4000 ans, elle servait aussi à nourrir villages et familles. Les changements climatiques, le désintéressement massif des jeunes japonaises ainsi la pollution des océans ont considérablement nuit à l'essor de cette activité. La musique du seul membre légitime de Tangerine Dream aborde la relation entre la nature et l'homme. On lit l'histoire et on s'attend à une musique onirique avec de gracieux et fluides mouvements de chorégraphie lyrique…C'est mal connaître Mister Q!
Une longue complainte de riffs jumelée à une onde de bruits sonores ornent la ténébreuse introduction de Der Leuchturm in der schwarzen Strömung. Ténébreuse parce que l'effet de mugissement tonitruant et de la colère de Méphistophélès peuvent aussi bien occuper cette ouverture où tintements faiblards et effets de jeux d'arcade s’ajoutent, histoire de bien embrouiller notre perception versus ces presque 3 minutes d’éléments d'outre-tombe à farcir nos oreilles. Un rythme émerge près de la 150ième seconde. Percussions et séquenceur structurent une approche à la fois électronique et rock dans un passage déjanté qui retrouve une certaine cohésion après la 4ième minute. Le séquenceur fait dribbler ses ions sauteurs alors que les percussions sont en mode rock qui nous entraîne vers un passage troublant autour de la 5ième minute. Des effets percussifs ajoutent aux charmes de la structure de rythme qui soutient une mélodie fantomatique qui part et revient avec son élastique de ficelé autour du corps. On vient à peine de franchir le cap des 6 minutes que déjà Der Leuchturm in der schwarzen Strömung effectue une 3ième mutation. Et il faut s'habituer puisque les longues structures de AMA vivent à travers de nombreuses permutations. Toujours sauvage, le rythme crache ses ions dribblés sur une solide ligne de basse, alors que la pieuvre sur la batterie s'est fait greffer un autre bras afin de bien marteler un rythme qui ne cesse d'afficher une intensité hargneuse. D'ailleurs la furie de ces 3 éléments ne démord pas puisqu'ils se retrouvent fin seuls pour plus de 60 secondes à nous poivrer les oreilles d'un rythme qui sort de l'ordinaire. Un rythme qui entend le synthé, ou peut-être la guitare, le recouvrir de pads ronflant dans une autre forme de tapage sonore. Nous sommes dans une autre dimension! Dans la tête de Thorsten Quaeschning où rien n'est comme ailleurs. Les bruits des vagues transposent la finale du titre vers l'ouverture de Blauer Horizont, blaues Meer où un mouvement de sauts alternants du séquenceur sculpte un rythme statique intensément nerveux. Et quelque 30 secondes plus loin, une forme de ballade post-pop accapare nos oreilles avec de puissants percussions résonnantes qui tourmentent une nappe de voix rêveuses tout en supportant une belle mélodie pour le moins saisissante. Dans la forme comme dans le contenu, ça reste une musique inaccoutumée avec des étoiles qui scintillent dans une belle vision harmonieuse. Ça me rappelle certains passages de Madcap's Flaming Duty, un album de Tangerine Dream en 2007. Jetzt und hier propose une introduction atmosphérique avec des éléments percussifs nippons qui pétillent sous des lames de synthé/guitare, créant l'illusion sonore de perles luisants dans les fonds marins. La musique reste statique avec une forme d'intensité qui se greffe aux ambiances, alors que le rythme se révèle sur le tard, autour de la 6ième minute, structurant un effet techno avec des pincements d’instruments à cordes asiatiques dont l'effet percussifs roule à contre-temps.
Une couche de synthé chaleureuse ouvre Nieselregentropfen, comme un chaud rayon de soleil sur les plages de la péninsule de Kii. Ce long titre nous propose une lente ouverture remplie de sons bigarrés, de signaux sonores, d'effets de distorsions, de réverbérations et d'écho dont l'accumulation finie par donner une texture qui devient de plus en plus intense à mesure que des éléments percussifs se greffent. Le titre reste statique, même s'il atteint un niveau passionnel autour de la 6ième minute. De quoi est faite cette structure? De passion je crois. D'une passion pour les sons et de les amalgamer de façon à créer une texture invraisemblable donneuse de frissons. Une passion qui gonfle démesurément jusqu'à atteindre un niveau d'intensité à nous couper le souffle dans une finale où la guitare de Thorsten rugît comme dans ces moments de folie démesurée du répertoire de Picture Palace Music. Perso, je n'ai jamais entendu un truc du genre, une vraie forme d'anti-musique, venir me chercher avec autant d'impact. Composé avec Jürgen Maeno, Den ganzen Tag: Schönwetterwolken déborde de cette fraîcheur du post-rock théâtral de PPM avec une vision rock progressive cousue par une guitare agressive dans ses riffs, une bonne batterie et un séquenceur créatif qui sculpte un bon gros rock plus électrique qu'électronique. La guitare et le synthé sont archi mélodieux sur ce titre qui casse admirablement bien les ambiances de AMA. Plus long titre de cet album, Nachttauchgang am "Verheirateten Felsen" est aussi le plus complexe avec sa structure de rythme indéfinie où niche un très beau mellotron. Le titre devient plus musical autour de sa 6ième minute avec des élans de passion qui s'accrochent à des orchestrations inattendues. Mais j'imagine très bien la chorégraphie, il ne faut toujours pas oublier à quoi sert la musique, de ce titre lourd, ambiant et plein de tendresse passionnelle. Les riffs de guitare s'enlignent autour de la 9ième minute, emportant Nachttauchgang am "Verheirateten Felsen" dans une rage émotionnelle à faire mal aux bras, tant les frissons veulent en faire sortir les poils. Un incroyable moment d'intensité à faire pleurer un rocher! Les riffs s'épuisent alors que le séquenceur étire une ligne d'ions roulant en cercles de plus en plus serrés. Ainsi, nous arrivons à Aus der Stille in das. Et comme ceux qui connaissent la signature de Thorsten Quaeschning ne seront pas surpris d'entendre une musique flottée entre deux mondes dans une divine plongée océanique où les perles scintillent comme ces notes jetées par un clavier qui a cette maudite manie de faire jaillir des larmes lorsqu'on pense ne plus en avoir. Un superbe monument qui me fait dire que ce fichu de Thorsten a ce don de rendre la musique toujours un peu plus merveilleuse. À classer dans les incontournables.
Sylvain Lupari (08/11/21) *****
Disponible chez Thorsten Quaeschning Bandcamp
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