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Writer's pictureSylvain Lupari

Tom Eaton Weathering (2023) (FR)

Du piano, des mélodies, des arrangements à faire pleurer un roc

1 Prelude to the Lost Years 00:55

2 The Lost Years 8:01

3 Above the Mad River 7:16

4 Instead I said Goodbye 6:29

5 The Empty Page 7:08

6 Weathering 7:12

7 The beach, the rain, and hope 8:53

8 The world with her in it 8:48

9 When Clouds give way to Stars 5:59

(CD/DDL 60:47) (V.F.)

(Ambient piano music)

Juste du piano! Du piano dominant encerclé d'une fusion synthé/guitare dont les multiples couleurs sont comme l'iris de la douleur. Pas de rythme, seulement des cadences dictées par des lignes de piano où se recueillent des mélodies mélancoliques. Des mélodies à faire soupirer un roc! WEATHERING est la dernière offrande de Tom Eaton qui trouve le chemin de nos oreilles près de 4 ans après How It Happened. Eaton nous présente un album très intimiste qui décrit son difficile parcours, je vous invite à lire son long et précis synopsis qu'il a écrit sur la page Bandcamp de l'album, où de la mendicité pour de la chaleur humaine, il trouve sa voix dans les bras d'une femme qui a compris et accepté la grandeur de son désespoir. Ça me fait beaucoup penser à mon histoire! C'est sans doute pour cette raison que j'ai eu instantanément des atomes crochus avec la musique de cet album. Ça explique aussi mon hésitation à vous en parler. Disponible en CD manufacturé et en format téléchargement, WEATHERING met en valeur le piano du multi-instrumentaliste de la Côte Est américaine qui utilise deux lignes de piano, une pour la cadence et l'autre pour la mélodie, sur de longues structures minimalistes qui sont séparées par des phases où le pianiste songe à poursuivre ou abandonner. L'essence de son combat! Il poursuit en ajoutant des arrangements qui ajoutent une notion de drame, d'intensité dans le dénouement d'un titre qui représente un pan de sa vie. J'ai composé cette chronique par un pluvieux dimanche d'octobre, ma douce et sa douceur à mes côtés, en me disant; maudit que c'est juste le bon moment pour écouter ce nouvel album de Tom Eaton!

Ce qui frappe le plus dans cet album est la force, la pesanteur des notes de piano. Elles tombent comme si elles étaient abandonnées à nos émotions. À ce que nos émotions veulent bien en faire. Elles éclatent de douleur dans Prelude to the Lost Years qui est la porte d'un univers où la douleur trouve sa résilience dans l'espoir. Dans cette secrète rage de vivre! Chaque titre dans WEATHERING est lent et conçu sur des patterns de mélodies répétitifs qui creusent leur lit entre nos oreilles. The Lost Years fait résonner ces notes avec une pureté qui n'a d'égale que la dimension mélancolique de son compositeur. C'est triste, même si parfois les notes de piano gambadent sur le tintement d'autres notes plus pensives. Ces lignes de piano qui se chevauchent ou fusionnent créent une chorégraphie céleste avec un carrousel mélodieux qui tournoie sur une pensée plus linéaire du pianiste. Ce ballant créé l'illusion d'un rythme ambiant que la basse, discrète et délicate ici, aide à propulser avec des murmures de retenu. Le synthé orne le panorama avec des ombres crépusculaires qui deviennent en parfaite harmonie avec les jérémiades d'une guitare électrique qui ajoute plus de profondeur à la dimension nostalgique de The Lost Years. Ses élans de jérémiades créent des happenings, ici c'est autour de la 5ième minute, où le temps s'arrête l'instant de d'un long soupir. Ce titre ouvre les écluses de la tristesse qui déferle d'un album qui possède néanmoins quelques lueurs de joie. Le synthé tisse une ombre de murmurement ocré dans l'ouverture de Above the Mad River. Juste le temps que le piano libère une poignée de notes qui gambadent en cercle étroit dans des ambiances électroniques que me font penser à la musique de Emerald Web ou encore aux ambiances éthérées de David Lanz & Paul Speer dans Desert Vision. Si le piano créé des larmes, le synthé et ses multiples effets dessine des arabesques avec un mélange d'orchestration et de brume carillonnée d'où s'échappent des carillons qui tintent en suspension. Il y a toujours des moments de happening dans cet album…Entre douleur et désir, entre confort et son contraire, le piano hésite en prenant d'assaut nos émotions, comme en se terrant dans les repaires de sa douleur. Cette sensation est omniprésente dans les 9 titres de ce très beau recueil sur piano.

Quoique plus acoustique, Instead I said Goodbye est conçu sur ces mêmes préceptes. Le pianiste est pensif. Il fait débouler ses notes et pleurer sa mélancolie entre des textures de guitare pleureuse et des ombres de synthé qui déploie aussi une incandescence azurée. Un titre dont la triste mélodie me fait penser à la musique de Raphaël. The Empty Page est plus électronique dans le genre New Age avant-gardiste avec d'autres textures de guitare, des carillons cadencés et une superbe basse à la Patrick O'Hearn qui donne une essence très Darshan Ambient à la musique. C'est un beau titre où les deux textures de piano estampent nos émotions au fer rouge sur des jérémiades de guitare à la Erik Wollo! La très belle pièce-titre est du même bois! Le piano résonne, et sa mélodie est bouleversante. Les accords carillonnés tintent comme s'ils tombaient des cieux. Et cette basse qui chante comme une âme mendiant la charité. Et toujours, cette fusion synthé et guitare qui auréole ces ambiances tout en dessinant des arabesques de tristesse. C'est aussi beau que délicat dans les oreilles! Tout d'abord hésitant, le piano de The beach, the rain, and hope fini par épouser cette promenade par une journée pluvieuse sur le bord de la mer. Une ligne de piano sculpte la lente cadence alors que l'autre électrifie l'écoute avec sa mélodie à saveur d'un Jazziste rêveur. Les accords carillonnés ornent aussi ce décor fragilisé par l'incertitude du moment, alors que les arrangements qui s'y accumulent ajoutent drame et intensité à la musique. Malgré les larmes de guitare qui semblent permanentes dans l'univers de WEATHERING, The world with her in it est un titre nettement plus joyeux avec une belle union entre les carillons et cette procession, quasiment nuptiale, du piano. La texture de When Clouds give way to Stars est auréolée par une intense muraille de couches de synthé et de guitare. Les 2 pleurent, mais d'une joie encore inconnue et surtout à moitié domptée. On sent une forme d'allégresse dans le chant des carillons et de ces voix séraphiques aussi discrètes que la mélodie très évasive du piano. Il y a quelque chose de très touchant dans ces arrangements qui m'a donné des frissons autour de l'âme. Nous sommes dans les terres de Emerald Web, de cette éclosion du mouvement New Age progressif américain des années 80-90 plus que jamais ici!

Malgré son immense empreinte de tristesse, WEATHERING est une forme de renaissance pour ceux qui passent un mauvais moment. Qui ont l'âme par terre! La tristesse qui se dégage des mélodies pianotées et des arrangements des synthés et de la guitare nous amène à une introspection où le meilleur de nous-même est pourtant à portée de main. Tom Eaton l'a vécu et nous le transpose en musique d'un façon admirable. J'ai adoré. Mais je suis en une sorte de conflit d'intérêts émotionnels.

Sylvain Lupari (10/08/23) ****½*

Disponible au Tom Eaton Bandcamp

(NB : Les mots en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)

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