“Il y a des génies dans cet album qui sont capables de connecter nos yeux à leur musique”
1 Incantation (Hélène Vogelsinger) 6:27
2 Iterations (Raffael Seyfried) 6:07
3 Waving and Drowning (Stephan Whitlan) 6:46
4 Cuckoo (Johnny Woods) 6:41
5 Clocks, Unravelling (Polypores) 6:45
6 Electronic Study #26 (Lisa Bella Donna) 8:52
7 Delusion (Matths) 6:30
8 The Zanti Misfits (Chuck van Zyl) 7:03
9 Delicate Elementum (Philippe Petit) 6:40
DiN TS05 (Out on May 7th)
(CD/DDL 62:11)
(Analog Modular Art for Ears)
Incantation vient de loin! Son lointain souffle accoste nos oreilles avec des effets miroitant dessinés dans des riffs de clavier. Une ombre fantôme murmure cette mélodie alors que les riffs se structurent en boucles agressives et répétitives. La ligne de basse est monstrueuse dans ce titre de Hélène Vogelsinger. Elle étend son emprise qui reçoit cette texture de riffs bouclées qui n'est pas vraiment loin des effets vocaux de Clara Mondshine. Si je trouvais que No. 4 Form and Function était difficile à assimiler, ce No.5 INTEGERS AND QUOTIENTS est juste la porte à côté! Ian Boddy continu de démocratiser l'art du modulaire avec une autre compilation d'artistes émergents encore plus audacieux. Il souffle le chaud et le froid avec un fabuleux partage entre complexité et facilité. Autant il y a de trucs qui demande un peu plus de patience, autant il y a d'autres trucs qui nous accrochent à la première tentative. Ce parfait équilibre soutient la curiosité de découverte qui peut se faire au péril de nos oreilles. Mais n'ayez crainte, ce que vous allez trouver horrible à la première écoute à ce potentiel de se découvrir avec un nouveau visage à mesure que vous pousserez votre expérience de découvrir les dessous de No.5 INTEGERS AND QUOTIENTS.
Iterations est un des rares titres qui séduit d'emblée. Les notes d'un piano nostalgique tombent, comme abandonnées par le pianiste, dans un univers de bruits et de statique. Elles dansent et virevoltent dans les rondeurs d'une contrebasse, créant ce slow inattendu qui se danse sous un ciel noirci par ces étranges bruits et les différends code de télégraphie qui deviennent de plus en plus nerveux. Entends-je des larmes de synthé-guitare gémir dans ce canevas de dévastation? Toujours est-il que le titre prend une tangente plus vivante avec un rythme courant continuellement vers une route pour la liberté. Un superbe titre de Raffael Seyfried avec de bons arrangements et une vision cinématographique optimiste. Waving and Drowning nous amène dans l'univers sans tendresse de Stephan Whitlan. Un vent cosmique et ses étoiles sont aspirés par un énorme trou noir qui peine à contenir ses immenses vagues de woosshh. Ce trou noir à une forme tubulaire transparente où on assiste à la mutation des sons et à un premier dialogue avec une entité aussi évasive que ces lignes filiformes remplies de wiiissshhh. Bref, un titre velléitaire où les sons et pulsations flattes convergent dans une finale intense de son gabarit tonal. C'est le genre de titre que mes amis et voisins ne comprennent pas! Je suis tombé sous les charmes de Johnny Woods avec son excellent album Pavilions, sorti l'été dernier. Cuckoo est dans le même genre avec une vague oscillatrice et ses fluctuations harmonieuses où s'est perdu le battement excessif d'un cliquetis. Le mouvement est très Teutonique dans sa vision, mais pas au niveau rythmique. Des pads de synthé se connectent en disant mouan, alors que d'autres éléments phoniques se concentrent à créer une toile où chaque nouvel élément amène son ombre afin de danser inlassablement autour de Cuckoo. J'ai accroché sans difficulté sur cette immense mosaïque où le fade-out demeure la seule option. J'ai entendu beaucoup de belles choses à propos de Polypores, et Clocks, Unravelling ne fait que confirmé ma hâte à découvrir cet artiste-peintre de Preston en Angleterre. Le débit est aussi hyperactif que Cuckoo mais avec de délicieux à-coups et de ralentissements sur le débit fracturé d'un rythme construit sur des diodes au courant désynchronisé et arythmique. Lisa Bella Donna est une autre artiste de qui on dit que du bien. Elle possède le plus long titre de No.5 INTEGERS AND QUOTIENTS. Electronic Study #26 est un titre aux ambiances prismatiques avec des chants ectoplasmiques sur une structure atone. Un bourdonnement sinistre s'insinue avec le rayonnement d'une basse sans harmonies jusqu'à atteindre une phase de violence, de gribouillis des ondes et de graffitis sonores qui m'ont agacé sur une bonne période de 90 secondes. Disons que c'est en plein le titre qu'une seconde écoute devient du travail de chroniqueur et non du plaisir de mélomane! À ce stade dans l'album, Delusion tombe à point nommé. Matths réussi à recréer les sons d'un train, tout de même un brin psychédélique, dans une structure de EDM. Ce premier rythme soutenu ici est aussi accrocheur qu'entraînant et supporte une splendide mélodie poussée du bout des lèvres. La deuxième moitié, qui suit un pont d'ambiances, nous propose un virage rock électronique avec de gros effets rutilants du modulaire. Une belle bombe qui est suivi par un titre très enjoué de Chuck van Zyl. The Zanti Misfits est une danse du séquenceur dont les courbes et variations attirent une ligne de basse dans des corridors rythmiques comme ambiants pour se verser dans une finale dont les arrangements donnent une teinte surréelle à la seconde partie de The Zanti Misfits. Philippe Petit rejoint le bassin d'artistes aux orientations sonores plus complexes. Flirtant sur une ligne de rasoir, Delicate Elementum passe de rêverie cosmique à la souffrance des ondes avec la même aisance que de dire chapeau! C'est un titre par moments agaçant alors que des fois ce qui agace charme. Donc, un titre que l'on va apprécier un peu plus, surtout avec les nombreux vidéos qui montrent comment se fait cette MÉ modulaire.
Il y a des génies dans cet album qui sont capables de connecter nos yeux à leur musique! Et c'est ce qu'il y a de plus beau dans l'art du modulaire; la possibilité de croire à l'incroyable. Pour ma part, j'ai trouvé que No.5 INTEGERS AND QUOTIENTS propose un bel équilibre entre le rythme, la mélodie et l'inexplicable.
Sylvain Lupari (01/05/21) ****½*
Disponible chez DiN Records
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