“SynthsOrganics est un album riche à la fois dans les tons et la musicalité...”
1 Modulus I 16:49 2 Ghost Whispers 8:16 3 Modulus II 13:35 4 Didge on the Ridge 12:02 5 Dreamland 6:45 6 Steve and the Art of Creating Friendship 6:17 7 Dan's Feeling 6:26
(CD-r/DDL 70:10)
(Berlin School, Atmospheric and World fusion)
Torsten M. Abel fait partie d'un noyau d'artistes méconnus qui bon an mal an enrichissent l'univers culturel et musical du mésestimé label SynGate. Artiste curieux et polyvalent né à Recklinghausen (Allemagne) en 1967, il s'intéressa au mouvement de la synth-pop des années 80 avec la musique de Gary Numan, Human League, John Foxx, et Thomas Dolby. C'est à travers ce courant musical qu'un ami l'introduisait au monde des séquences et des rythmes hypnotiques de la Berlin School, par la musique de Tangerine Dream, Klaus Schulze et Ashra. Et de fil en aiguille, et de synthé en synthé, Torsten Abel construit son studio et compose sa musique. Après un premier album (Escape en 1993), le synthésiste de la région de Ruhr prend un recul pour s'investir en photographie. Parallèlement il s'intéresse toujours à l'évolution de la MÉ et des synthétiseurs. Il entreprend la création de son propre mur de modulaires; un rêve qu'il caresse depuis qu'il a découvert les monstres de Klaus Schulze et Chris Franke. Il est aussi actif dans le mouvement musical avec le groupe Ambient Circle. C'est à cette époque qu'il fait la rencontre de Wolfgang Barkowski (Alien Nature) en 2008. Une rencontre déterminante qui donna un 2ième élan à Torsten Abel avec qui il collabora pour la réalisation de Medusa. Depuis sont parus Sequentrips, en solo, et Hydra, avec Alien Nature, en 2010. SYNTHSORGANICS est un projet plus particulier qui se démarque des ouvrages purement électroniques de TMA avec ou sans Alien Nature. C'est un album audacieux où le musicien Allemand mélange les sonorités de ses synthés et séquenceurs, tant analogues que numériques, aux sonorités d'instruments plus conventionnels (guitares, percussions, didgeridoo et rhombe). L'album présente une étonnante diversité musicale où des odeurs de jazz, de transes claniques et de soft techno percent des rythmes hypnotiques et des approches mélodiques nées de cette fusion d'une Berlin School rétro à celle des années plus digitales; le Berlin School des années Innovative Communication qui voyait l'émergence des groupes phares tel que Software (Mergener/Weisser), Mind Over Matter et Robert Schroeder.
Avec son mouvement du séquenceur qui avance en spirale et zigzague parmi des cerceaux aux résonances métalliques, Modulus I propose une introduction très Berlin School. Les accords de séquenceur scintillent et voltigent en lignes minimalistes croissantes et décroissantes, créant un hypnotique rythme mélodieux qui fractionne son débit avec cet effet de miroir rythmique du séquenceur afin que les séquences s'entrechoquent dans les nuages cosmiques d'un synthé morphique. Modulus I devient alors source de charmes avec un doux synthé qui fait chanter ses solos sur un rythme nourri de lignes de séquences entrecroisées. Timides, des percussions viennent appuyer ces lignes qui fractionnent la permutation d'un rythme statique. Et mine de rien, Modulus I s'appuie finalement sur un rythme devenu plus raffiné et plus complexe, même si toujours aussi hypnotique et minimaliste, avec cette danse des séquences qui s'entrelacent sous de bons solos de synthé joué par Marcel Dude. Cela me rappelle l'éclosion du très univers musical de d'IC au milieu des années 80. Tout simplement délicieux! Le mouvement de Ghost Whispers emprunte sensiblement la même trajectoire mais avec une faible nuance dans le débit rythmique. Plus lent et lascif, le rythme tournoie tel un doux carrousel soporifique. Frank Makowski y sculpte de superbes lamentations qui se transforment en solos de synthé aux souffles de Vangelis qui sillonnent une marée de chœurs célestes. Certains chuchotements éveillent une paranoïa auditive que des séquences et leurs délicates volutes mélodiques ne cessent de nourrir dans une danse lunaire éternelle. C'est aussi beau que ça peut être envoûtant! Modulus II continue cette exploration des rythmes circulaires et hypnotiques des années Software et Double Fantasy, avec un mouvement sphérique qui tournoie autour d'éléments cosmiques et des violons de cathédrales galactiques. L'intro fourmille de serpentins effilochés qui défilent parmi des séquences dont les battements aussi réguliers que des tic-tacs intemporels dispersent les brumes et cette chorale interstellaire. Des percussions s'arriment aux séquences pour entreprendre un autre mouvement en forme de spirale qui accentue ainsi la pression d'un rythme sur le tempo d'une valse pour s'engouffrer dans les sillons d'un rythme ascendant embelli par de riffs de guitares. Et c'est sur un rythme aux airs de déjà entendu que les solos émergent. Tantôt de synthés et tantôt de guitares, ils parcourent un rythme aux douces réminiscences mélodiques qui rappellent ces belles années où la Berlin School transitait entre l'analogue et le digital.
Didge on the Ridge amorce une autre réflexion musicale de SYNTHSORGANICS Après 3 longs titres où la majestuosité du Berlin School se reflétait à travers de très belles approches mélodieuses, la seconde portion de l'album se concentre sur une plus grande diversité musicale. Didge on the Ridge est le fruit d'une idée qui a longtemps germé dans l'esprit de Torsten M. Abel; mettre en présence des instruments de musique acoustiques et claniques Australiens à des structures de MÉ. Bien que l'idée de base ait servi à l’univers de Steve Roach, le résultat n'en demeure pas moins très attrayant. Après une lente intro où les souffles biscornus des didgeridoos et des rhombes, habilement modulés par Jens Mechler, tapissent une sombre ambiance immatérielle, les frappes de percussions tombent et résonnent dans les réverbérations rauques des exhalations claniques. Le rythme devient pur et dur avec des frappes incisives qui tombent à bras raccourci sur une ambiance stigmatisé par une torpeur chamanique. Des couches de synthé flottent et errent tels des spectres timides et hideux, caressent la force des frappes qui martèlent un envoûtant rythme de transe clanique que des solos de guitares arrosent de superbes envolées criardes. C'est un très bon titre qui me rappelle un peu l'univers de The Leaving Time par Steve Roach et Michael Shrieve, Dreamland poursuit l'hasardeux voyage entre les harmonies et ses sonorités de métaux cristallisés dans un broyeur édenté. Des sonorités éructent de douleurs, telles des feuilles de métal tordues, pour graduellement se fondre dans un hypnotique décor mélodique nourri par des riffs de guitares et des notes de clavier qui flottent légèrement, des percussions bien tranchantes et des séquences un brin limpides. Ce maillage sert de rempart à de bons solos de guitares et à de fluides serpentins hypnotiques qui coulent d'un synthétiseur avec une aisance harmonieuse. Steve and the Art of Creating Friendship emprunte un style plus près du jazz-rock avec une solide batterie aux frappes nerveuses alors que Dan's Feeling ferme cet album avec une approche technoïde où cliquetis, claquements, cymbales et tsitt-tsitt métalliques érodant des pulsations aux galops de funky- groove.
L'univers hétéroclite de SYNTHSORGANICS est d'une belle richesse, tant au niveau des sonorités que des rythmes et de la musicalité en général. Les rythmes sont forgés autour de bonnes percussions et d'un séquenceur qui fait bouillonner ses ions sauteurs en de bons endroits. Les synthés et les guitares offrent de bons duels, tout en assumant une belle complicité. La diversité des genres insuffle un cachet particulier à cet album qui tangue principalement vers les influences d'une Berlin School aux fragrances des années 85-90. Ces années où le mythique label Innovative Communication voyait de nouveaux artistes apportés une nouvelle dimension à une MÉ dont les nouvelles orientations avaient impérativement besoin d'un nouveau souffle, comme avec la musique de Torsten M. Abel, et comme un album tel que SYNTHSORGANICS.
Sylvain Lupari (27/02/12) *****
Disponible au SynGate Bandcamp
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