“Un monde de glace sous des guitares de feu, Poles est une belle histoire de MÉ chevauchant un côté plus rock”
1 Ninety Degrees South 11:10
2 Erebus Ice Tongue Part One 7:11
3 Erebus Ice Tongue Part Two 6:23
4 Shackleton Ice Shelf 5:57
5 Mount Ellsworth 10:19
6 Pole of Inaccessibility 16:33
7 Aurora Borealis 7:13
8 Arctic Finale 7:06
(DDL 71:52)
(E-Rock, New Berlin School)
Entendre la froid gémir et rugir! Sentir sa morsure, son érosion et ses éclatements. C'est tout le décor atmosphérique qui entoure ce premier album de Triple S. Formé par Erik Seifert, Max Schiefele et Josef Steinbuechel en 2011, Triple S a concocté un album concept qui décrit les expériences de vies sur les deux pôles et ses extrêmes froideurs avec une musique qui n'est en rien l'égale du sujet de leur thèse. POLES est un bel album où le rock électronique caresse les douceurs morphiques des approches atmosphériques avec un Maxxess en pleine forme qui libère ses cordes sauvages pour sculpter des riffs et solos qui envahissent des structures aussi rêveuses que doucement tempétueuses.
Un vent sibérien burine les dunes glaciales, propulsant des particules de glaces parmi de solitaires arpèges aux fragilités du verre. Planante et mélancolique, l'intro de Ninety Degrees South balaie l'horizon avec de belles nappes de synthé qui se reposent sur les banquises de la solitude, expirant des halètements hachurés qui se perdent dans le cristallin écho des arpèges de glace. La guitare de Maxxess déchire cette quiétude hivernale. Ses solos éparses et ses riffs échoïques allument de fines percussions et éveillent des accords de claviers lunaires. Doucement le rythme se dresse avec une délicate approche morphique, alternant entre un tempo flottant et ses élans plus percutants à l'image des 7 autres titres qui dansent et valsent sur POLES. C'est un rythme doux mais ferme qui oscille entre un solide rock progressif et un rock cosmique où riffs distordus, solos lascifs et de solides percussions aux tonalités de gaz métalliques encadrent une faune sonore éclectique. Après une intro où les crépitements des glaces convergent vers des sonorités scintillantes, Erebus Ice Tongue Part I trébuche sur une savoureuse approche de rock électronique à la Code Indigo. Une fusion de guitares acoustique et électrique inonde nos oreilles avec un mélange de notes, riffs et solos aussi lourds qu'éthérés qui s'entrelacent sur un nid d'accords scintillants. Tantôt lourd, tantôt fluide et légèrement saccadé, le rythme reste accrocheur. Harponné par des percussions claquantes à la Jean-Michel Jarre et assaisonné de savoureux accords hésitants et mélodieux à la Tangerine Dream, de la période Underwater Sunlight, il continue sa progression vers Erebus Ice Tongue Part II avec de douces vocales angéliques, avant de boucler la boucle avec une finale aux atmosphères aussi riches et intenses que son introduction. L'ouverture de Shackleton Ice Shelf sursaute avec le bruit des icebergs qui s'écrasent violemment sur les banquises, offrant un spectacle de désolation lunaire rendu avec justesse par les complaintes d'une guitare esseulée. Les solos de Max Schiefele sont crevants d'émotivité et flottent avec la violence des vents tout en étant accompagnés par des couches de synthé morphiques. C'est d'une quiétude glaciale très poétique.
De fines percussions dessinent le délicat rythme ébréché de Mount Ellsworth qui est encerclé d'une aura très électronique. Flottant dans les sphères de Software et de Pyramid Peak, le rythme est finement saccadé et orné de stries électroniques qui surplombent les coups de percussions feutrées avant de plier l'échine sous les solos harmoniques de Maxxess. Par la suite l'approche rythmique devient plus complexe, alignant des phases mélodiques qui s'esquintent sur d'autres plus saccadées où les synthés et les chœurs rivalisent avec une guitare plus conciliante. Construit un peu sur le même principe, Pole of Inaccessibility offre une belle intro légèrement morphique où les accords de guitare acoustiques planent au-dessus de faibles pulsations. Des stries tant fantomatiques que métalliques secouent l'ambiance. Une lourdeur s'installe et initie un rythme progressif qui s'impose vers la 6ième minute. Lourd et lent, il est survolé de belles strates de synthé spectrales qui copulent avec des solos d'une guitare morphique. Une guitare qui devient plus agressive en libérant des riffs qui tournent en boucles, accélérant une cadence qui est soyeusement encerclé par des couches et des chœurs d'un synthé hypnotique. Plus atmosphérique et claustrophobique, Aurora Borealis se déroule avec un effet d'apesanteur. La guitare flotte comme les strates valsiques de Erik Wollo, forgeant des boucles qui se perdent dans des riffs et des sonorités hétéroclites. Des vents hurleurs ouvrent les cieux angéliques de Arctic Finale qui rayonne de sa superbe intro céleste. Déchiré entre ses puissants rythmes impromptus et ses atmosphères éthérés, Arctic Finale est divisé par ses lourdes percussions qui tombent et ses arpèges scintillants qui voltigent dans un beau mouvement circulaire. Mais le rythme lourd et lent l'emporte. L'espace de quelques secondes il tempête de ses grosses caisses pour se réfugier dans le calme des strates morphique d'une guitare onirique et des arpèges cristallins d'un clavier solitaire pour ployer encore sous les coups des caissons et embrasser une phase philarmonique avant de conclure dans les vents de glace.
Un monde de glace sous une guitare de feu, POLES est un bel album d'une MÉ qui chevauche sereinement une approche plus rock. La présence de Maxxess et ses guitares enterrent ses deux comparses que je trouve plutôt discrets, mais le résultat ne s'en trouve pas pour autant affecté; ça demeure un bel album. Sauf que j'aurais aimé que les synthés de Seifert et ses ambiances éclectiques ressortent autant que les guitares et les riffs de Maxxess. C'est l'effet contraire! J'ai plutôt l'impression d'entendre un album de Maxxess écrit par Erik Seifert, car on ne peut nier la touche poétique du synthésiste Allemand qui s'entend et se sent tout au long de POLES, un album qui plaira tant aux amateurs de Mike Oldfield (The Song of Distant Earth), Code Indigo, Erik Wollo que Pyramid Peak. Une belle brochette de styles, faut avouer…
Sylvain Lupari (28/01/12) ***½**
Disponible au Seifert & Steinbuechel Bandcamp
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