“Il faut écouter Sex Power pour ce qu'il est; une musique de film!”
1 Partie I (17:00) Introduction 0:26 Movement One 3:15 Movement Two (Love Theme) 2:51 Movement Three 3:10 Movement Four 3:15 Movement Five 3:34 2 Partie II (17:27) Movement Six 1:56 Movement Seven 8:12 Movement Eight 3:19 Movement Nine 1:31 Movement Ten 2:29
1969! On serait porté à croire que l'univers musical de Vangelis sonne rétrograde. Et si on écoutait! Si on écoutait toute cette incandescence musicale qui servira de porte d'entrée à des œuvres uniques à la signature musicale du multi-instrumentaliste Grec, on comprendrait un peu plus les racines de quelques projets qui iront loin dans le temps. C'est à la fin de 1969 que Vangelis, toujours membre des Aphrodite's Child, entreprend la composition de SEX POWER; la bande sonore d'un film de Henri Chapier qui mettait en vedette Jane Birkin. Qui se douterait que Vangelis allait entreprendre une longue collaboration avec le 7ième art pour des décennies à venir? Construit autour d'une thématique de mélodie récurrente, la musique de SEX POWER respire la poésie de l'innocence si caractéristique aux histoires d'amour complexe du cinéma Français des années d'après-guerre. Mais Vangelis va plus loin en explorant de dramatiques territoires sombres qui seront le berceau de sa vision créative, car SEX POWER est moulé dans les empreintes d'un Vangelis contemporain. Déjà, le compositeur de Chariots of Fire, Blade Runner, China et autres albums tous aussi marquants, infuse à sa musique ses mélodies et ses tourments qu'il mélange avec une savoureuse approche bipolaire. On sent à l'intérieur de cet album des éléments qui guideront les prémices des structures philarmoniques cinématographiques et théâtrales qui suivront la carrière de ce musicien autodidacte. SEX POWER est plus qu'un simple album. C'est le début d'une incroyable épopée musicale qui n'aurait jamais due connaître une fin.
Construit en 2 longues parties divisées en plusieurs mouvements, SEX POWER débute avec des riffs de claviers échoïques qui hoquètent sur des ondes de métal tordu. C'est une brève intro qui nous amène à des percussions tribales du genre Africaines qui tambourinent sur un lit d'arpèges scintillants, des notes d'harpes et des chœurs oniriques. On remarque toute la structure mélodieuse nourrie par de fluides orchestrations et de belles notes de piano qui effleurent des tendances autant arabiques qu'asiatiques. Movement Two (Love Theme) s'ouvre avec des notes d'une belle guitare acoustique très romanesque qui tentent de rivaliser avec les ronronnements d'une moto. La mélodie est belle. Elle coule avec un brin de nostalgie, comme une histoire que l'on a déjà vécue, pour se terminer brusquement dans les bruits d'accélération de la moto, jetant le voile des paradoxes harmonieux de Vangelis. Movement Three nous plonge dans une ère plus psychédélique à la Pink Floyd sur Set The Controls for the Heart of the Sun avec des gongs et percussions tablas qui maintiennent un envoûtant rythme de zombie sur acide. Movement Four et Movement Five revisitent la portion mélodieuse de Love Theme, sans bruits de moto ni voix hors-champs. Un clavecin remplace la guitare acoustique qui est plus discrète et qui se fait accompagnatrice d’une superbe mélodie surplombée d’une voix angélique qui chantonne et murmure comme un vent de bonheur. Des petites variations embellissent l’enveloppe mélodique qui suit son cours avec un beau piano sur Movement Five, de loin le plus beau morceau sur SEX POWER.
Plus expérimentale, le 2ième côté de SEX POWER débute avec des percussions tribales africaines. Le rythme est fluide et s'accompagne de ses arpèges si fidèles aux approches harmonieuses de Vangelis. Elles roulent et scintillent avec une telle fluidité que l'on ne peut ignorer la prose musicale qu'ils dégagent. Des clochettes tintent et des flûtes claniques sculptent un mélodieux univers qui se reflétera jusqu'aux premiers souffles de La Fete Sauvage. Movement Seven nous introduit à l'univers austère de Vangelis avec des percussions aux tonalités éclectiques qui retentissent parmi des chœurs sombres aux intonations létales. C'est l’embryon de Heaven and Hell qui se profile avec cette ambiance ténébreuse où cloches, percussions graves et cymbales cacophoniques ravagent l'ouïe autour de chœurs angéliques. Le paradoxe harmonie et tintamarre est édifiant. On ne peut ne pas aimer cette voix d'ange qui y flotte et on ne peut pas aimer cette intensité dramatique des tambours et chœurs grégoriens. Variation sur un même thème; Movement Eight est une autre version de thème mélodique de SEX POWER. Cette fois-ci, orgue et percussions sont omniprésents et recouvrent les éléments mélodiques qui tranquillement habillent cette mélodie. Un peu comme une œuvre minimaliste à la Oldfield étalée en segments distancés. Court et bizarre, Movement Nine est nourri d'un mélange de bourdonnements et cliquetis tant mécaniques qu’industriels auxquels se fond une douce voix céleste, alors que Vangelis conclut SEX POWER avec une version pianotée du Love Theme, avec une version plus écourtée de Movement Five.
Il faut écouter SEX POWER pour ce qu'il est; une musique de film avec des passages mélodieux pour assouvir les moments poétiques sur l'amour et des passages plus abstraits pour nourrir les ambiguïtés perturbants du pouvoir de l'imaginaire. Si on approche cet album seulement pour sa musique, on peut être déçu car on risque de se perdre dans ses passages plus expérimentaux. Voir le film peut aider mais ce n'est pas une nécessité tant la musique de Vangelis parle par elle-même. Et c'est la grande force du compositeur Grec; son habileté à mettre en musique des images et des textes. Et il a aussi cette capacité de jongler avec ses mélodies et ses moments dramatiques, creusant des fossés d'émotions entre l’amour et la discorde, la colère et la passion. Et c'est pour ces raisons que je considère SEX POWER comme un album très charmant avec un habile mélange de mélodie, de musique exploratoire et progressive qui est le premier pas d'une colossale carrière. Longtemps discontinué il est à nouveau disponible dans une version CD, incluant Symphonic Poem (Fais que ton Rêve soit plus Long que la Nuit), édité par une maison de disque à Monaco.
(Sylvain Lupari 01/03/12) *****
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