“Il n'y a pas de seconde de perdue dans cette compilation où le style Berlin School est roi”
1 The Return from Babylon 12:49 (Broekhuis, Keller & Schönwälder)
2 Bryce Canyon 10:34
(Filter-Kaffee)
3 Light & Shadow 8:32
(Pyramid Peak)
4 Nordlicht 7:44
(Mario Schönwälder)
5 Winter Wah 3:36
(Thomas Fanger)
6 On the Fly 9:00 (Menzman)
7 It's you, Peter 9:30
(Kontroll-Raum)
8 In Heaven 9:14
(BKS feat Raughi Ebert & Thomas Kagermann)
9 Immer Weiter 6:30
(Fanger & Schönwälder feat Lutz Graf-Ulbrich)
(CD/DDL 77:32)
(Berlin School)
Déjà 30 ans! C'est en 1992, avec son album Close by my Distance que Mario Schönwälder lançait les activités de Manikin Records. Trente ans plus tard, le label a résisté à la poussée des téléchargements illégaux ainsi qu'à la diminution drastique des ventes et des réalisations des cd manufacturés tout en proposant une musique électronique (MÉ) toujours aussi raffinée dans sa poursuite du style Berlin School. Un haut fait d'armes si on considère qu'en parallèle, la maison Manikin a contribué à l'art de la MÉ avec la conception d'instruments qui répondent aux visions toujours en développement de cette musique créée et assistée par synthétiseurs. Et comme à chaque 10ième anniversaire, Mario invite les artistes du label a partager un titre inédit dans le cadre des compilations décades. Les aléas de la pandémie compliquent un peu les choses pour ce 30ième et contrairement aux 2 premières compilations, MANIKIN RECORDS THIRD DECADE 2012-2022 propose 1 seul cd et regroupe 9 titres où l'empreinte de Schönwälder se trouve sur 6 d'entre eux. Fidèle à la musique du label, les 9 artistes invités ont créés de longues structures minimalistes hypnotiques qui se développent avec la passion pour l'art. Un plaisir incontournable pour les fans de ce label et les aficionados du vieux style qui se renouvelle dans le New Berlin School. Finalement, je m'en voudrais d'oublier 2 grands artistes qui ont participé à l'essor du label et qui sont décédés depuis la parution de Manikin Records Second Decade 2002-2012. Klaus Hoffmann-Hoock, plus présent dans le développement et l'essai des nouvelles technologies de la maison Manikin, et Thomas Fanger qui l'esprit derrière la série Analog Overdose.
The Return from Babylon donne le ton à cette nouvelle compilation avec un parfum du Moyen-Orient qui se dégage d'un synthé au bouquet flûté. Le rythme est délicatement mené par des percussions qui structurent un battement de transe spirituelle. Des effets percussifs y dansent des claquettes, alors que le séquenceur s'invite afin de créer ce rythme minimaliste à la Broekhuis, Keller & Schönwälder. Les percussions, l'écho des battements, le séquenceur et les riffs de clavier s'accordent pour structurer une phase légèrement spasmodique dont l'intensité va de pair avec les harmonies de plus en plus séraphiques des synthés. Il se développe un air, wah-wah-wah, de plus en plus obsédant d'une ligne de synthé alors que des accords sonnant comme une guitare acoustique réorientent la vision harmonique du titre autour de la 7ième minute. Au fil de ses 13 minutes, The Return from Babylon conserve toujours cet exquis bouquet du Moyen-Orient dans une structure qui alimente toujours un peu plus sa vitesse, donnant cette impression de chevroter dans un dernier tiers où les harmonies des synthés subdivisent les tonalités flûtées avec une vision plus acuité. Bryce Canyon de Filter-Kaffee prend une apparence chtonienne avec une introduction soufflée par des vents sombres qui marmonnent lourdement. Les voix insufflent une vision plus sibylline alors que des séquences se mettent à sautiller nerveusement dans cette ouverture fouettée par une vague de bruits blancs. La ligne de basses séquences palpite maladroitement dans cette ouverture atmosphérique qui conserve cette texture luciférienne que des éléments percussifs claquants chassent graduellement afin de réorienter Bryce Canyon vers une structure de rythme qui sera dans la pure tradition du Berlin School. Un rythme ascensionnel et zigzagant qui serpente des sommets imaginaires sous les caresses d'un synthé aux mélodies flûtées. Des riffs de clavier, des nuances dans le rythme et des effets sonores complètent cet excellent titre certainement influencé par Tangerine Dream, sinon Edgar Froese, des années vintage J'avais hâte d'entendre du nouveau Pyramid Peak! Et disons d'entrée de jeu que la signature de Axel Stupplich et Andreas Morsch est facilement reconnaissable aux sons des premiers jets des synthés. Composé tout juste à la fin décembre 2021, Light & Shadow offre une solide structure de rythme avec un bon maillage de séquences rotatives et d'une batterie aux féroces battements stoïques, créant une forme d'Électronica vaguement atmosphérique. Ce rythme reste enlevant au même titre que ces croassements et autres effets organiques restitués par le séquenceur. Il change de peau après une courte phase atmosphérique avec un séquenceur qui dribble ses arpèges sauteurs et une batterie aux roulements de peaux plus expéditifs dans une finale remplie de solos de synthé très mélodieux qui nichent sur de bons arrangements calqués sur du bon vieux P. Peak harmonique des années Ocean Drive et Random Events. Excellent! Mario Schönwälder fait un retour à la composition solo avec un titre plutôt ambiant en Nordlicht. Son ouverture simule une pluie qui se dégage sous un nuage de voix séraphiques où tintent aléatoirement des arpèges tout aussi célestes. C'est très près de son album Hypnotic Beats avec une structure de rythme méditative trappée dans un lourd panorama atmosphérique centrée sur des nappes de voix célestes. Le synthé prend plusieurs formes ici avec ces nappes de voix ainsi que des harmonies plaintives et évasives qui se distancent des effets sonores plus en mode bourdonnements pour se terminer par de bons effets de saccades orchestrales. On est pas dépaysé ici, de même que sur la structure de Funk et de Rock électronique à la sauce des Analog Overdose de Winter Wah et des effets wah-wah de Thomas Fanger.
Un projet de Michael Menze, Menzman apporte un vent de fraicheur et de renouveau au catalogue Manikin Records. J'avais bien aimé les diverses orientations rythmiques dans son album Insights, paru en 2018, et On the Fly s'appuie sur le principe avec une structure de rythme dirigée par un séquenceur en mode convoyeur pour arpèges indisciplinés, soit le style Chris Franke dans Poland, et coordonnée par une sobre batterie en mode rock. Ça donne un bon Berlin School aromatisée par des nappes orchestrales et de voix féminines. Ça gronde dans l'ouverture de It's you, Peter de Kontroll-Raum. Cette ouverture atmosphérique est dirigée par de belles nappes de synthé aussi divinatoires que mélodieuses qui flottent sous un tapis d'effets sonores empruntés à la bibliothèque pour drames apocalyptiques. Un très bon jeu de percussions enlevant restructurent cette phase cinématographique pour un bon rock électronique. Ce titre a été fait à distance alors que Bas Broekhuis, Frank Rothe et Mario Schönwälder s'échangeaient des fichiers musicaux lors du confinement entre l'automne 2021 et janvier de cette année. Ça sonne comme dans l'album Check In et la batterie de Bas Broekhuis y est très dominante. C'est hypnotique et entraînant avec un excellent pattern séquenceur/batterie. In Heaven est le second titre de Broekhuis, Keller & Schönwälder qui sont secondés par Thomas Kagermann au violon dominant et Raughi Ebert à la basse et ses splash de nappes vampiriques. Nous sommes dans l'antre de la série Repelen avec un titre qui se développe avec intensité par la présence d'un échantillonnage de guitare électrique performé par un Detlev Keller, tout simplement hallucinant dans son duel avec le violon de Kagermann. Un titre lent, comme un blues tribal berbère cosmique, qui donne sa part de frissons. À tout seigneur tout honneur, c'est au duo Fanger & Schönwälder, accompagné du guitariste Lutz Graf-Ulbrich, que revient le mandat de clôturé cette très impressionnante compilation de Manikin Records. Un peu comme dans Analog Overdose 6, c'est assez Techno avec la guitare qui domine de ses riffs sur une structure aux sauts aussi cahoteux qu'élastiques. Des effets de voix imitent un effet wah-wah sur cette structure qui sonne étrangement comme celle de Winter Wah, mais avec plus de vitesse et de puissance.
Disponible en 444 exemplaires CD manufacturés comme en format téléchargement, MANIKIN RECORDS THIRD DECADE 2012-2022 est une excellente compilation de matériel original par les artistes qui ont participé à ce dernier décade du célèbre label Allemand. Les 9 titres et les plus de 77 minutes passent vite et se dégustent de la première à la dernière seconde. De loin, un des plus beaux albums de Berlin School à avoir été réalisé dernièrement. Chapeau Mario et à toute la gang de Manikin Records!
Sylvain Lupari (11/06/22) *****
Disponible chez Manikin Records
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