“Ian Boddy tricote un splendide motif de MÉ où chaque style, pourtant si différent, s'imbrique dans une splendide mosaïque de 77 minutes”
1 B2 Gigacosm (Surface 10) 4:38
2 Foundry (Ian Boddy) 3:18
3 Geode (Boddy/Rich) 2:53
4 Particular Moments (Tetsu Inoue) 4:31
5 Conundrum (Hoffmann-Hoock/Wöstheinrich) 4:21
6 Slow Hand (Boddy/Rich) 5:56
7 The First Cry (Radio Massacre International) 4:05
8 Rapture (Arc) 4:38
9 Beneath Fear (Parallel Worlds) 4:03
10 Veiled (Boddy/Rich) 4:32
11 Trident (Radio Massacre International) 3:52
12 Distracted (Parallel Worlds) 2:46
13 Dawn/Bleep/Dusk (Surface 10) 3:01
14 Tane (Tetsu Inoue) 4:41
15 Lithosphere (Boddy/Rich) 5:37
16 Phased Realities (Hoffmann-Hoock/Wöstheinrich) 3:29
17 Fracture (Arc) 3:09
18 Elemental (Ian Boddy) 4:12
DiN30 (DDL 73:53)
(Ambient, Berlin School, Prog EM)
La MÉ manque cruellement de visibilité. Pour plusieurs c'est une grosse bibitte multi sonique où les styles s'enchevêtrent peu importe les origines. C'est pourquoi que les hommes influents derrière les labels doivent innover afin de mieux faire connaître leurs produits et ainsi élargir un les horizons d'un public curieux mais plus perplexe que médusé face à un art que l'on juge construit sur les lignes de la froideur. Ian Boddy prend les devants en offrant gratuitement une compilation des œuvres de son label, comme Index02 l'an dernier. iNDEX03 regroupe des œuvres provenant d'artistes aux styles tellement diversifié que la palette des genres de l'électronica et de la MÉ y est adéquatement représentée. Il suffit juste de cliquer sur un lien, télécharger et se laisser bercer par une musique sans frontières.
L'aventure débute avec B2 Gigacosm de Surface 10 (Surface Tensions) qui offre un délicieux psy down-tempo dont les spasmes saccadés hoquètent dans une savoureuse faune musicale organique. Les couches de synthé injectent une ambiance lunaire inquiétante avec des ondes spectrales qui peu à peu perdent leurs ombres menaçantes dans des lignes de violon plus dramatiques. Foundry de l'album Elemental par Ian Boddy s'arrime à la finale en étalant des pulsations sourdes qui épousent un pattern rythmique tortueux. Le rythme est pesant. Chaque accord tremble sous son poids, dévoilant un rayon résonnant où cogne des percussions d’un univers sordide et tintent des séquences frivoles qui chantent dans cet univers chtonien. Geode de Lithosphere (un des deux albums du duo Ian Boddy et Robert Rich a niche sur cette compilation) calme un peu les ambiances avec un titre plus ambiant. Des accords tintent en des cerceaux lumineux sous les strates d'une guitare forgée dans des pénombres hurlants. Particular Moments est un titre de Tetsu Inoue et de son album Yolo. C'est du psybient où vit paresseusement une faune organique qui se meut à la vitesse d'un aï. Après une intro chloroformée, Conundrum de l'album du même nom du duo Hoffmann-Hoock/Wöstheinrich attaque nos oreilles avec un savoureux tempo lascif et pulsatif d'un genre tribal hindou où la guitare de Klaus Hoffmann-Hoock est tout simplement géniale. C'est aussi beau qu'extrêmement envoûtant. Ian Boddy maîtrise ses mixes et la venue de Slow Hand de l'album React (Boddy/Rich) tout de suite après Conundrum démontre toute la portée de son oreille musicale. Le rythme et l'ambiance sont similaires, à quelques variances près. Plus chevrotant Slow Hand tremble de ses fragiles accords et flotte de ses strates de guitare aux chœurs éthérés, moulant une étrange transe hypnotique qui n'épouse en aucun moment les pulsations glauques qui palpitent dans une nuée de cliquetis bigarrés. Nous assistons à un des moments forts de iNDEX03 qui continue sur cette lancée de rythmes lourds mais statiques, enrobées d’une sombre approche chtonienne, avec The First Cry de Radio Massacre International (album Septentrional) qui est un mélange de Arc, Boddy et Boddy/Rich. Et parlant de Arc, Rapture de l'album Fracture nous enivre les oreilles avec un Berlin School lourd et noir. Le rythme court après son haleine, cherchant à fuir ces nappes de synthés méphistophéliques et ces chauves-souris dont les vents et cliquetis métalliques sillonnent les denses bois maléfiques. Beneath Fear de Parallel Worlds (Obsessive Surrealism) conclut cette 1ière partie de iNDEX03 avec un rythme lourd qui résonne de ses percussions aux sonorités hybrides, supportant une mélodie surréaliste sifflotant son innocence dans un chaos rythmique dispersé de ses pièges enjôleurs de naïveté.
Avec Veil on refait le tour des 9 œuvres qui meublent la sélection de iNDEX03. À l'opposé de Slow Hand, l'approche est ambiante et très contemplative. Trident de Radio Massacre International nous charme tout de go avec ses nappes de synthé à la Tangerine Dream qui enveloppent un torrent de percussions dont les tonnerres captifs se libèrent afin de forger un rythme pur et dur. Un rock électronique qui palpite de ses nombreux coups de percussions et qui roule sous les accords d'une ligne de basse mordante dont le rythme effréné ne se défait pas tout à fait d'une emprise à la Ricochet. Distracted de Parallel Worlds intensifie cette portion très rock progressive où Redshift, TD et King Crimson cogitent à la même enseigne sur des rythmes lourds ondulatoires non définis et tentaculaires. En ce qui me concerne Surface 10 est la belle surprise de cette compilation. Dawn/Bleep/Dusk est un genre de hip-hop lunaire qui tournoie dans d'innombrables lignes de synthés aux harmonies bouclées. Si le tempo est sec et hachuré, l'enveloppe harmonique a tôt fait de le gober pour le faire tournoyer dans des phases électro-cosmiques. Tane de Tetsu Inoue le confirme dans son enveloppe morphique électro-acoustique alors que Lithosphere embrasse les tangentes de Geode. Après l'éclectique Phased Realities, Fracture nous entraîne dans les noires phases ambiantes de Arc. Et même si un chapelet de séquences y pétille, même si le rythme se dégourdit peu à peu, le titre ne verra son explosion que dans les roulements des percussions de Elemental (Ian Boddy), concluant ainsi une superbe compilation agencée de main de maître par le grand manitou de DiN.
Une compilation, c'est une compilation! Mais pas chez DiN, ni avec Ian Boddy! On me ferait jouer iNDEX03 sans me l'annoncer que j'aurais de la difficulté à identifier chaque piste tant elles sonnent différent hors de leurs contextes habituels. Ian Boddy a tricoté un superbe canevas musical où chaque style, pourtant si différent, se love dans une superbe mosaïque de 77 minutes.
Sylvain Lupari (09/07/12) ****½*
Disponible au DiN Bandcamp
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