“L'éclectisme de Possibilities of Circumstance ne déforme pas du tout ce fascinant pattern harmonieux qui en coule dès ses premières secondes”
1 Consumed by Sunlight
(Steve Roach) 8:07 2 Lazy Arc (excerpt)
(Tim Story & Roedelius) 7:36 3 Callyx (Robert Rich) 5:58 4 There's Always Tomorrow (Ulrich Schnauss & Mark Peters) 5:37 5 Tower Indigo
(Larry Fast/Synergy) 7:45 6 Mapping the Autumn Sky
(Jeff Pearce) 6:39 7 Recuerdos De Luna (Nathan Youngblood & Soriah) 7:02 8 Misty Blue (Erik Wøllo) 7:22
(CD/DDL 56:10) (Ambient, tribal, sequenced EM)
Il faut absolument que je vous parle de cette nouvelle compilation du label américain Projekt Records. Pas juste parce qu'elle se vend à un prix ridiculement bas ($8.00 en format téléchargement sur Bandcamp). Pas juste parce qu'elle vient d'un label qui privilégie la MÉ sombre et expérimentale. Non! Parce qu'elle regroupe le fruit de 8 artistes, dont un célèbre retour de Synergy, avec 7 compositions originales que vous ne retrouverez pas ailleurs. POSSIBILITIES OF CIRCUMSTANCE est une compilation éclectique qui nous plonge dans le chœur des productions de cet imposant label de musique libérée de toutes contraintes commerciales. Et ce n'est pas parce ce n'est pas commercial que ce ne soit pas beau, ni bon. Bien au contraire.
De délicats tintements chantent avec des voix angéliques, ouvrant les corridors ambiants de Consumed by Sunlight. Contrairement aux dernières œuvres de Steve Roach, mis à part le superbe Today sur le non moins superbe Live Transmission - From the Drone Zone at Soma FM, Consumed by Sunlight offre une version plus soyeuse de l'univers de Steve Roach. Le rythme ambiant s'abreuve des délicats soubresauts d'une ligne de basse dont les furtifs accords dansent en harmonie avec ces tintements de verre et ces brises de synthé qui fragmentent leurs mélodies en des souffles vocaux et des lignes translucides. Un bon morceau qui rejoint les rythmes tranquilles de Western Spaces et de Landmass. On tombe dans un autre registre avec Lazy Arc du duo Tim Story & Roedelius. Cet extrait, d'un album du même nom qui paraîtra bientôt, est une lugubre berceuse pour âmes torturées où une obsédante rêverie, jouée sur un sombre piano mélancolique, se faufile jusqu'au plus profond de notre malaise. C'est un envoûtant morceau tranquille où soufflent des vents, des voix obscures et crissent des tonalités d'un monde parallèle. Ces tonalités, qui flottent comme des menaces fantômes, érodent tranquillement la sombre mélodie rêveuse pour l'absorber entièrement en mi-parcours. S'ensuit un lent combat entre les harmonies et son miroir abstrait où les notes de piano sortent vaincus, dansant délicatement avec un chevalier lémure dont les larmes flottantes et les coups de sabots de son cheval sont maintenant le lit de cette étrange procession paranormale qu'est Lazy Arc. D'un doux cortège aux arômes fantomatiques, on passe à un autre tout autant mystérieux mais plus animé avec Callyx que Robert Rich présentait sur son Medecine Box. C'est tout à fait étonnant comment il se démarque ici avec son rythme délicatement tambouriné dont les dociles pulsations épousent les glas des carillons, produisant les caresses de sabots sur une terre moite. Tout doucement Callyx offre un beau crescendo dont l'ampleur se perd dans cette texture sonore où brillent des lamentations de guitares aux flottantes brises acérées. Il y a une forte influence des hypnotiques mouvements de la Berlin School sur There's Always Tomorrow, aussi du prochain projet de Ulrich Schnauss & Mark Peters (Tomorrow is Another Day). Le titre offre une très belle structure minimaliste où les séquences dansent et virevoltent dans un fouillis harmonique. Elles sautillent et s'empilent dans les ombres de leurs harmonies et dans des brises de carillons aux milles prismes avant de se faire happer par une guitare aux riffs plus puissants que ses solos râleurs. Ça promet! J'ai déjà hâte d'entendre leur prochain album.
Que j'avais hâte d'entendre ce nouveau titre de Synergy. Première réaction? De la confusion. L'intro est noir et offre une lugubre approche théâtrale digne d'une vision apocalyptique industrielle. Les deux premières minutes sont angoissantes. On sent une forme de pression ambiosphérique. On sent que ça va éclater. Et ça éclate un peu après la deuxième minute avec de très belles percussions qui tempêtent un quelconque rythme tribal. Les synthés sont très théâtraux avec leurs sinistres harmonies qui recouvrent un rythme de guerre clanique post apocalyptique. En fait, Tower Indigo éveille en moi des réminiscences de Metropolitain Suite. J'ai bien aimé. À quand un album complet? Mes sources me disent que Larry Fast y songe vraiment. Après ce mélange de rythme aborigène et industriel, Mapping the Autumn Sky de Jeff Pearce nous amène dans les sphères ambiantes de POSSIBILITIES OF CIRCUMSTANCE. Le titre est sombre et repose sur un mélange de lignes de synthé et de guitares qui flottent dans une obscure harmonie poussée par les lents vents d'automne. Il y a beaucoup d'intensité dans ce titre arythmique où on entend chanter l'air et les vents qui s'entrelacent dans une étonnante symphonie automnale. Étonnement, j'écoute Mapping the Autumn Sky devant mes deux grandes baies vitrées qui embrassent de leur limpidité les couleurs d'un automne et de ses feuilles qui embrassent le lit d'une rivière aux reflets rouges, jaunes et orangés. Il y a des moments comme cela où la musique est tellement magique. Recuerdos De Luna est le titre le plus noir de cette compilation. Nathan Youngblood et Soriah tissent une ambiance noire où flottent des vents abscons. J'entends des balançoires s'entrechoquer, comme des chaines et des carillons qui peur de trembler, de tinter, dans ces vents qui régurgitent des voix aux trémolos chamaniques. Misty Blue d'Erik Wøllo clôture POSSIBILITIES OF CIRCUMSTANCE avec un rythme vivant. Un rythme finement entraînant où le mouvement des séquences dessinent un fin carrousel encerclé par des brumes de synthé aux particules délicatement lyriques. Une autre ligne de synthé façonne les harmonies principales qui chantent comme ces douces complaintes teintées de romanesque que l'on retrouve dans le répertoire de Patrick O'Hearn. C'est pas juste beau, c'est ensorceleur et ça creuse des sillons dans l'âme. Maudit qu'il est bon ce Wøllo.
POSSIBILITIES OF CIRCUMSTANCE est une superbe compilation où l'éclectisme n'altère en rien cette fascinante montée harmonique qui s'épanche dès les premières secondes de Consumed by Sunlight. La symbiose qui unit chaque titre est telle que l'on n'a jamais l'impression d'être dans les interstices d'une compilation. Il y a un crescendo qui atteint son point culminant avec Tower Indigo, par la suite les ambiances noires et intrigantes nous amènent vers les rayons de soleil harmoniques d'Erik Wøllo. Merveilleux. Il n'y a pas de faiblesse, il n'y a pas de moments morts. Fortement recommandable! Et avec son prix tellement bas, il n'y a aucune raison de ne pas se procurer cette excellente compilation de Projekt Records.
Sylvain Lupari (19/10/13) *****
Disponible au Projekt Records Bandcamp
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