“D.E.S.H. est un album pas facile où le Berlin School se réinvente dans tellement d’approches, de la musique et son art pour les oreilles pas frileuses”
1 d.e.s.h. 14:06 2 Lunger er for unger det er gjeller som gjelder 9:17 3 Intermezzo 4:43 4 Nitrogen 24:52 Pakusch Project Records PP1801 (CD 52:02)
(Progressive Berlin School)
Ouf! Ça prend beaucoup d'huile de compréhension, peut-être même de tolérance, afin de bien faire descendre la musique de ce D.E.S.H. tout au fond de nos tympans. Eh oui, une ouverture d'esprit vers de nouveaux horizons musicaux est requise afin de bien s'ancrer dans ce premier album de WintherStormer depuis 7 ans. Je pensais même que le groupe Norvégien avait cessé ses activités! Amputé de son batteur, Geir Marthin Helland a quitté le quatuor, la musique de D.E.S.H. n'en souffre nullement avec une complicité tissée très serrée entre Terje Winther et Erik Stormer aux synthés, séquenceurs et autres instruments électroniques et le guitariste Atle Pakusch Gundersen qui joue aussi de la flûte, et je soupçonne même qu'il a gardé son intimité avec le Theremin. Présenté dans le cadre d'un concert à Oslo à la fin Octobre 2018, ce 5ième opus de WintherStormer affiche une fascinante violence qui se fragmente entre des monuments de rythme du style Berlin School et quelques phases de rock cosmique dans une enveloppe de Hard Rock psychédélique très particulier des pays Scandinaves qui s'inscrit dans la suite des choses du groupe Norvégien.
C'est un mouvement double rythme du séquenceur qui introduit la pièce-titre. Les séquences sautillent d'un haut-parleur à l'autre en conformité avec les rythmes purs de la Berlin School, alors qu'une savoureuse ligne de basse décore la structure avec une fluidité harmonique. Les riffs de guitare tombent et d.e.s.h. s'enfonce dans un Berlin School lourd, rude et aussi saccadé que l'armada de riffs qui deviennent pourtant assez musicaux. Un galop comme ceux d'une mini-cheval dans un carrousel qui tourne trop vite, le rythme est aussi entraînant que du gros Hard Rock progressif, on oublie que nous écoutons du supposé Berlin School, où les solos de synthé volent le spectacle au rythme des riffs et du séquenceur. Remaniant la vitesse et la lourdeur, le séquenceur alterne la vélocité des ions qui sautillent avec une fraction de seconde de vide entre chaque battement. d.e.s.h. dévie donc dans une phase ambiosphérique plutôt intrigante qui laisse entendre des solos émiettés d'une guitare et sa tonalité de bleues cosmique dans une finale où l'indécision entre violence et sérénité restera le combat de D.E.S.H. . La tonalité bactériologique de Lunger er for unger det er gjeller som gjelder fait sursauter oreilles et âmes distraites lorsque la musique éclate avec une structure qui semble se moquer de ces oreilles. Le séquenceur module son rythme sur l'approche organique et enrhumée de l'introduction, sculptant cette approche de monte-et-descend de la Berlin School qui s'emplie de solos de synthés et de guitares. Ces derniers sont très corrosifs et éveillent cette structure qui crache des gargouillements batraciens, donnant un cachet organico-psychédélique à un titre qui demandera plusieurs écoutes et qui se termine par une flûte qui tente de ramener nos oreilles à la raison. Même dans son enveloppe ambiosphérique un peu bizarre, Intermezzo reste un titre rempli d'oscillations, d'effets de réverbérations et de dissonances. Un séquenceur tente d'instaurer une présence plus musicale avec de brèves apparitions qui ondulent dans une structure de rythme anesthésiant. Mais la musique continue de dégager cette emprise d'inconfort. Un peu comme si on cherchait un abri sécuritaire dans une forêt Jurassique.
Avec ses 25 minutes, Nitrogen s'enligne pour être la pierre angulaire de ce D.E.S.H. . Et avec raison! La structure est évolutive et change de formes à quelques reprises, embrassant autant le Hard Rock progressif que le Berlin School ténébreux. Des jets de brume industrielle soufflent sur une fraction du séquenceur qui libère des claquements de sabots sur une feuille en métal et un rythme légèrement pulsatoire qui permet à la guitare de déposer des solos avec des tonalités de riffs harmoniques. Le synthé vaporise aussi des solos sur cette structure qui me fait penser à une ville côtière sur le point d'être envahie par une horde de spectres. L'intensité est palpable jusqu'à ce que le séquenceur remodule sa structure en lançant des séries de 3 accords qui sautillent promptement. Des solos de synthé tissent des harmonies spectrales dans une ambiance glauque qui s'emplie d'effets percussifs intrigants, de nappes d'orgue et de chants chthoniens. Il n'y a pas 9 minutes d'écoulées et déjà Nitrogen embrasse sa 3ième peau. Cette fois-ci nous sommes dans une zone anti-musique avec des cris bizarres et des effets sonores qui le sont tout autant, guidant nos oreilles dans une vision d'apocalypse psychédélique d'une rare intensité tonale. C'est un mal nécessaire pour atteindre le cœur de Nitrogen qui mue en un genre de blues cosmique insondable avec chorale luciférienne mais où les riffs harmonieux de la guitare luttent à armes inégales avec l'intrigante apparition du vocodeur. Un 5ième changement de peau sonique se met en marche autour de la 15ième minute, guidant Nitrogen dans un furieux rock électronique. Les séquenceurs font danser leurs ions qui sautillent avec une alternance sans répit, structurant le mouvement acharné d'un excellent batteur dans un rock mutant en art rock avec un rythme qui glisse et remonte et qui devient le catalyseur idéal pour une horde de solos autant des synthés que d'une guitare toujours amoureuse de ces indomptables duels. Petit conseil; il vaut mieux baisser le volume autour des 22 minutes parce que les effets de distorsion peuvent causer des risques de brûlures aux tympans.
Comme vous pouvez le constater, ce D.E.S.H. qui grosso-modo signifie élaboration diatonique de l'harmonie statique (sic!) est un album de hard-rock-électronique-progressif-psychédélique-bruyant qui nécessite quelques écoutes avant d'en savourer l'extrême efficacité de 3 musiciens qui aiment défier l'ordre des choses. On apprivoise la pièce-titre et le reste suivra avec quelques sourcillements qui deviendront sources de plaisir. Et un peu comme avec Amarok de Mile Oldfield, j'ai mieux apprécié l'expérience avec mes haut-parleurs puisque la portée sonore est large et étonnement musicale.
Sylvain Lupari (14/02/19) *****
Disponible au WintherStormer
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