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Writer's pictureSylvain Lupari

WLADYSLAW KOMENDAREK: Deformator (2014) (FR)

Insensé!? Bien plus que ça! Deformator est une immense mosaïque de psybient enveloppée des principaux éléments de la Berlin School

1 Consciousness Mill 7:53

2 Guards of Silence 9:31

3 Nude Lips 6:14

4 Love Daughters 8:13

5 Totalitarian Engineering 6:08

6 World Great Slogans 8:30

7 Wife-Beater 9:35

8 Slaves of Mythology 3:58

9 Deformator 8:16

(CD 68:18)

(Experimental, Techno and IDM)

Décidément, l'univers sonique de Władysław Komendarek est tissé dans l'originalité! On serait porté à croire que le sorcier des sons Polonais, puisqu'il niche sur le label Ricochet Dream, ferait un style de MÉ portée sur le modèle de la Berlin School. Il n'en n'est rien! DEFORMATOR poursuit là où Chronowizor s'était arrêté, soit dans les terres de la musique sans frontières. Une MÉ insoumise où le très expérimental, le techno, le Ska, le Drum'n'Bass, le Hip-Hop et l'IDM épicés de sauce psybient envahit nos oreilles et fait crier les voisins. Certes il y a des parfums de la Berlin School, notamment pour les rythmes séquencés et les innombrables et très bons solos de synthé. Mais pour le reste, ce dernier album du bizarre polonais porte admirablement bien son nom avec des rythmes décousus, et des mélodies qui le sont tout autant, qui nichent dans un impressionnant collages de percussions, de voix aussi agaçantes que séduisantes et de denses orchestrations qui freinent la fureur des rythmes. C'est un album avec un Komendarek encore plus décapant, plus mordant et incisif. Un Komendarek qui aime vêtir des habits de Frank Zappa pour déformer ses visions satiriques de la société et de son actualité planétaire avec une musique totalement agressive et déjantée où les structures se perdent et se déforment dans des allégories qui refusent toute forme d'esthétique.

Des percussions et des basses pulsations aussi agiles que les séquences. Le mouvement de Consciousness Mill est pilonné de manière vive et fluide. Il saute d'une oreille à l'autre avec une série de 5 pas qui trébuchent par moments. C'est du gros up-beat, quasiment du speed-beat, avec des coups secs et feutrés où les murmures en arrière-plan et les cliquetis des tssitt-tssitt halètent dans nos oreilles. Si le rythme bat de son pattern minimaliste, les mélodies qui vont et viennent affichent une belle diversité et font contraste dans cette pluie d'effets sonores et de balbutiements iconoclastes qui nourrie le côté très psybient de l'album. On aime ces structures de rythmes effrénés où le souffle nous manque après avoir danser et sauter en fou? On va aimer le très vite et vorace Nude Lips, qui est véritable marathon rythmique pour les oreilles. La voix agace un peu, mais elle va parfaitement dans ce décor où la démesure est de mise. Slaves of Mythology est un peu plus nuancé et son approche up-beat est noyé dans une forme de jazz-blues unique au monde de Frank Zappa. C'est un titre que les voisins détestent! Après une intro ambiosonique teintée de nappes de voix angéliques, certaines plus belliqueuses, Guards of Silence matraque nos oreilles avec des pulsations saccadées qui font symbiose avec d'autres plus organiques. Divisé entre ses ambiances et son rythme qui devient technoïde, Guards of Silence embrasse une approche qui me rappelle celle de Prodigy dans Music for the Jilted Generation, notamment sur Break & Enter. Władysław Komendarek est comme un cheval fou et rue dans ses structures avec une totale absence de filtre commercial. Les effets soniques sont envahissants et perturbateurs avec des grosses torsades peinturées de réverbérations et de grosses régurgitations soniques. Ici comme partout autour des rythmes fous de DEFORMATOR, Władysław utilise à escient des nappes de synthé gorgées de prismes et d'orchestrations, donnant un sentiment éthéré à ses structures indomptables. Des rythmes qui parfois nous paraissent un peu plus du style lounge, un peu plus tranquilles, comme dans les charmes arabiques de Love Daughters et ses échantillonnages de percussions, de flûtes et de chants claniques qui aromatisent une structure qui saute comme lorsqu'un microsillon sautant sur notre table tournante.

Ça peut être agaçant, mais ça reste attrayant. Surtout si on veut faire flipper la visite. Un beat lourd qui martèle nos oreilles avec des accords de sitar dans une structure aussi insaisissable qu'un cochon huilé, Totalitarian Engineering amène une approche de techno (tssitt-tssitt) noyé dans d'innombrables collages de voix déformées et de bruits hétéroclites. C'est assez indigeste, mais les amateurs de psybient défoncé à coups de martèlements et d'effets de break-dance seront ravis. La flûte Perse, les percussions tablas apportent une dimension tribale très éclectique à ce titre qui démontre que le musicien polonais n'a aucune frontière et réussit à injecter des effets et arrangements qui captiveront votre curiosité sonique. Déjanté et disjoncté! World Great Slogans est, et de loin, le titre le plus accessible ici. L'approche est très Berlin School avec une belle ligne de séquences hypnotiques qui tourne en boucle dans des nuages de radioactivité sonique. Le titre plonge dans un moment d'ambiances ectoplasmiques avant de revenir avec une structure plus musicale. Il y a de bons solos de synthé, assez discrets. J'ai bien aimé. On accroche à la première écoute. Wife-Beater fait dans du techno zombiesque avec des pulsations matraquées avec la régularité d'un métronome, enfin pour ce qui est de sa première partie, avant que le rythme devienne un peu plus instable en seconde moitié. Des riffs, des voix, des cris et d'autres éléments soniques sont au menu de ce titre qui est sans doute le moins créatif. Ça vous donne une idée de quoi le reste à l'air! La pièce-titre offre une panoplie de bruits insolites, de grésillements, de voix d'outre-tombe et d'effets soniques psychédéliques sur un rythme mou. Sur des pulsations qui palpitent timidement afin de laisser toute la place à ces nuées d'échantillonnages qui parfument la vision artistique très avant-gardiste, bizarroïde et déjanté de Monsieur Komendarek.

Si vous aborder DEFORMATOR en une seule écoute, il se pourrait que vous vous poussiez en courant et laisser votre ombre toute perplexe en arrière. Il en faut plus afin d'apprivoiser cette toile sonique imprégnée d'audace qu'est ce dernier album de Władysław Komendarek. Le techno-trash ou l'IDM moulé dans du psybient de haut niveau! Nous sommes bien loin du Berlin School et même de ses dérivés. Pourtant les séquences, les arrangements et les solos de synthé ne peuvent nier les chemins déterrés par Komendarek pour se rendre où il est rendu. Il faut juste oser. Habituer ses oreilles à quelque chose de déjanté. Et des fois, ça fait du bien. DEFORMATOR est à déguster à petites doses. Même si des fois on juge que l'on peut passer au travers sans trop de difficultés. Un gros A pour l'originalité.

Sylvain Lupari (17/03/15) *****

Disponible au Ricochet Dream Discogs

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